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20/02/1996 | FRANCE | N°94PA02029

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 20 février 1996, 94PA02029


VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 décembre 1994, présentée pour M. Eric Y..., agent non titulaire de la commune du Marin, par Me X..., avocat ; M. Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 18 juin 1992 du maire de la commune du Marin le licenciant, à sa réintégration dans son emploi, à la condamnation de la commune du Marin à l'indemniser de la différence existant entre le salaire qu'il aurait perçu et le

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VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 décembre 1994, présentée pour M. Eric Y..., agent non titulaire de la commune du Marin, par Me X..., avocat ; M. Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 18 juin 1992 du maire de la commune du Marin le licenciant, à sa réintégration dans son emploi, à la condamnation de la commune du Marin à l'indemniser de la différence existant entre le salaire qu'il aurait perçu et les indemnités de chômage versées et à lui payer la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de condamner la commune du Marin à lui verser la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 6 février 1996 :
- le rapport de Mme HEERS, conseiller,
- et les conclusions de Mme BRIN, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., après avoir contesté dans sa demande introductive d'instance présentée devant le tribunal administratif de Fort-de-France tant la légalité externe que la légalité interne de la décision du maire de la commune du Marin prononçant son licenciement, a développé son argumentation devant le tribunal en présentant un mémoire complémentaire par lequel il soulevait pour la première fois le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 136 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 ; que dès lors M. Y... est fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande sans avoir examiné ce moyen, qui ne présentait pas le caractère d'un moyen tardif, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ; qu'il y a lieu par suite d'annuler ledit jugement et d'évoquer la demande présentée par M. Y... ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du licenciement :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête :
Considérant que le licenciement de M. Y... est intervenu le 18 juin 1992 par décision du maire du Marin prise sur le fondement de la seule délibération du conseil municipal en date du 17 octobre 1991 par laquelle ledit conseil après avoir exposé que "des dispositions urgentes doivent être arrêtées avant l'édiction d'un plan de restructuration ... redéploiement, restriction des personnels ..." décide " d'approuver le train de mesures présentées et qui touche à la fois les dépenses et les recettes de fonctionnement ainsi que la section d'investissement ... de donner pouvoir au maire pour effectuer toutes études nécessaires à l'établissement d'un plan de restructuration financière sur 5 ans" ; qu'il ne ressort pas du compte rendu de la séance au cours de laquelle la délibération a été adoptée que le conseil municipal ait autrement prévu et adopté les mesures à intervenir en matière de réduction des effectifs du personnel communal ;
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L.121-26 et L.121-19 du code des communes que la définition des emplois communaux et la fixation de leur nombre, qu'il s'agisse de fonctionnaires municipaux ou d'agents non titulaires, sont des éléments de l'organisation des services communaux ressortissant à la compétence du conseil municipal ; que ni les dispositions de la loi du 26 janvier 1984 ni celles de l'article 3 du décret du 15 février 1988 n'ont eu pour objet et, en ce qui concerne celles de nature réglementaire, n'auraient pu avoir légalement pour effet de transférer au maire une compétence appartenant au conseil municipal ;

Considérant que le maire ne peut sans suppression préalable des emplois en cause par le conseil municipal procéder au licenciement d'agents non titulaires par mesure d'économie ; que dès lors qu'il résulte des termes mêmes suscités de la délibération du 17 octobre 1991 qu'elle ne supprime pas des emplois déterminés, le maire en licenciant M. Y..., sans qu'il soit allégué ou ressorte des pièces du dossier qu'une autre délibération procédant à une telle suppression ne soit intervenue, a empiété sur la compétence du conseil municipal pour la suppression de l'emploi communal occupé par l'intéressé ; que les décisions entreprises doivent être par suite annulées ;
Sur les conclusions à fin de réintégration :
Considérant que les conclusions susvisées de la demande de M. Y... présentée en première instance n'ont pas été expressément abandonnées par celui-ci en appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt. Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public doit à nouveau prendre une décision après une nouvelle instruction, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit par le même jugement ou le même arrêt que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé" ;
Considérant que l'annulation par le présent arrêt du licenciement de M. Y... implique de manière nécessaire la réintégration juridique et effective de celui-ci, à tout le moins jusqu'à intervention éventuelle d'une délibération régulière du conseil municipal ; qu'il y a lieu, par suite, de prescrire à la commune du Marin d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que la réintégration impliquant la reconstitution de la situation administrative de l'intéressé et notamment le rappel des rémunérations dues en l'absence de licenciement, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. Y... tendant au paiement d'une indemnité pour perte de revenus ;
Sur les conclusions reconventionnelles de la commune du Marin aux fins de condamnation de M. Y... au paiement de dommages et intérêts :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions susvisées doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune du Marin à verser à M. Y... la somme de 8.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'en revanche, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au même titre par la commune, partie perdante, à l'encontre du requérant ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France en date du 4 octobre 1994 est annulé.
Article 2 : La décision du maire de la commune du Marin prononçant le licenciement de M. Y... est annulée.
Article 3 : La commune du Marin procèdera à la réintégration dans son emploi de M. Y... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions reconventionnelles de la commune du Marin sont rejetées.
Article 6 : La commune du Marin est condamnée à verser à M. Y... la somme de 8.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94PA02029
Date de la décision : 20/02/1996
Sens de l'arrêt : Annulation réintégration d'un agent communal
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - EFFETS DES ANNULATIONS - Annulation d'un licenciement - Réintégration ordonnée par le juge (article L - 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel) (1).

36-13-02, 54-06-07-008 L'annulation du licenciement d'un agent communal non titulaire par un arrêt d'une cour administrative d'appel impliquant nécessairement la réintégration juridique et effective de cet agent, la juridiction, en application de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et saisie de conclusions en ce sens, prescrit à la commune de procéder à cette réintégration dans un délai de deux mois.

- RJ1 PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXECUTION - Annulation du licenciement d'un agent public - Réintégration ordonnée (1).


Références :

Code des communes L121-26, L121-19
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-2, L8-1
Décret 88-145 du 15 février 1988 art. 3
Loi 84-53 du 26 janvier 1984 art. 136

1.

Rappr. CE, 1995-12-29, Kavvadias, p. 477


Composition du Tribunal
Président : M. Lévy
Rapporteur ?: Mme Heers
Rapporteur public ?: Mme Brin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-02-20;94pa02029 ?
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