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20/02/1996 | FRANCE | N°94PA00995

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 20 février 1996, 94PA00995


VU la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour les 20 juillet et 24 novembre 1994, présentés pour la SOCIETE FORASOL, dont le siège social est ..., par la SCP CELICE-BLANCPAIN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 914584 du 5 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 700.000 F en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait d'une décision illégale de refus d'autor

isation de licenciement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser cette s...

VU la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour les 20 juillet et 24 novembre 1994, présentés pour la SOCIETE FORASOL, dont le siège social est ..., par la SCP CELICE-BLANCPAIN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 914584 du 5 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 700.000 F en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait d'une décision illégale de refus d'autorisation de licenciement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser cette somme augmentée des intérêts de droit à compter du 17 décembre 1990 et de la capitalisation ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 1996 :
- le rapport de M. GIPOULON, conseiller,
- les observations de la SCP CELICE-BLANCPAIN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour la SOCIETE FORASOL,
- et les conclusions de Mme BRIN, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant que le défaut de visas des mémoires produits par les parties dans l'expédition du jugement qui n'a pas à les comporter ne méconnaît pas les dispositions de l'article R.200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Au fond :
Considérant que par jugement du 30 mars 1989, le tribunal administratif de Versailles, saisi par la SOCIETE FORASOL, a annulé la décision en date du 10 décembre 1986 par laquelle le directeur départemental du travail et de l'emploi a refusé d'autoriser cette société à licencier pour motif économique Mme X..., ainsi que la décision en date du 4 mars 1987 par laquelle il a confirmé sa décision initiale sur recours gracieux ; que la SOCIETE FORASOL demande que l'Etat soit condamné à l'indemniser des conséquences dommageables de ces décisions ;
Considérant que, dans les conditions où il est organisé, l'exercice par l'autorité administrative des pouvoirs de contrôle de l'emploi qu'elle tient de l'article L.321.1 du code du travail en matière de licenciement du personnel pour cause économique ne peut engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de l'employeur en cas de refus illégal d'autorisation que si cet exercice révèle l'existence d'une faute lourde commise par l'administration ; qu'en l'espèce le refus d'autoriser le licenciement de Mme X... opposé par la décision du 10 décembre 1986 n'était nullement fondé sur la qualité de salarié protégé de celle-ci, mais seulement sur "les responsabilités qu'elle exerce au plan syndical" ainsi qu'il résulte clairement des termes des articles 3 et 4 de ladite décision ; qu'ainsi la requérante n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'administration pouvait être engagée sans qu'il soit besoin que la faute imputable à l'administration présente le caractère d'une faute lourde ; qu'au demeurant devant les premiers juges la société FORASOL s'était elle-même prévalue de l'existence d'une faute lourde ;
Considérant que si en prenant des décisions administratives illégales annulées par le juge administratif, l'administration commet une faute de nature à engager sa responsabilité, une telle faute n'est pas nécessairement constitutive d'une faute lourde ; qu'il appartient au juge de la responsabilité administrative encourue à raison de l'illégalité sanctionnée, par l'annulation de la décision, d'apprécier si, dans les circonstances particulières de chaque espèce, l'illégalité ainsi commise l'a été dans des conditions lourdement fautives ;

Considérant en premier lieu que si, comme l'a relevé le tribunal administratif de Versailles dans son jugement du 30 mars 1989, le motif retenu par le directeur du travail et de l'emploi des Yvelines dans sa décision du 10 décembre 1986 tiré de l'appréciation de la situation de Mme X... "au regard des responsabilités que celle-ci exerce au plan syndical" était, alors qu'il était constant que Mme X... n'avait pas la qualité de salarié protégé, étranger à ceux permettant à l'administration de refuser l'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié et qu'ainsi ladite décision était, en tant qu'elle concernait Mme X..., entachée d'erreur de droit, cette décision n'est intervenue qu'à la suite d'un "relevé de conclusions" d'une réunion entre l'administration, l'employeur et les représentants des organisations syndicales au comité d'entreprise organisée par l'administration dans le cadre de l'instruction de la demande, signé, sans que ne soit établie aucune manoeuvre de l'administration, par la société, le secrétaire du comité d'entreprise et le directeur départemental du travail le 8 décembre ; que les signataires de ce relevé y indiquaient expressément que "le directeur départemental du travail et de l'emploi précisera la suite à réserver aux demandes de licenciement concernant ... Mme X... au regard des responsabilités ... sur le plan syndical" ; qu'ainsi l'illégalité commise l'a été dans le cadre de la recherche par l'administration d'une solution consensuelle pour le traitement d'un dossier lourd de demande d'autorisation de licenciement économique concernant 206 salariés, de nature à ménager, avec l'accord des partenaires sociaux, une solution communément acceptée au regard des contraintes économiques et sociales s'attachant au traitement d'une telle demande ; que dans ces conditions, alors même que, contrairement à ce qu'a soutenu l'administration dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif, les termes du relevé n'ont pu induire en erreur le directeur département du travail et de l'emploi sur le fait que Mme X... n'était pas salariée protégée, l'illégalité dont est entachée la décision du 10 décembre 1986 ne revèle pas à elle seule l'existence d'une foute lourde ;
Considérant en second lieu que si, saisi par lettre du 5 janvier 1987 d'un recours gracieux concernant 10 salariés sur les 11 dont le licenciement avait été "refusé ... conformément" au "relevé de conclusions", le directeur départemental du travail et de l'emploi a en réponse à ce recours refusé le 4 mars 1987 de revenir sur sa décision du 10 décembre 1986 en ce qui concerne seulement Mme X..., au motif que cela ne lui "était pas possible compte tenu de la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation ... l'intéressée ayant été depuis régulièrement désignée comme représentant syndical au comité d'entreprise", et ainsi commis, comme l'a également jugé le tribunal administratif de Versailles dans son jugement du 30 mars 1989, une seconde erreur de droit en n'appréciant pas à la date de la décision du 10 décembre 1986 les circonstances de droit et de fait de nature à fonder légalement le licenciement, cette erreur a été commise dans l'interprétation d'une jurisprudence suffisamment complexe pour qu'elle ne puisse davantage être tenue comme conférant à l'illégalité qu'elle a induit le caractère d'une faute lourde ;

Considérant enfin que dans les circonstances de l'espèce, s'agissant de l'appréciation d'une demande d'autorisation d'un licenciement économique collectif important et portant sur des situations individuelles diversifiées et complexes, la conjonction des deux erreurs de droit sanctionnées par le jugement d'annulation du 30 mars 1989 n'est pas davantage que chacune seule desdites erreurs de nature à conférer aux fautes commises par l'administration en prenant successivement en tant qu'elles concernent Mme X... les deux décisions du 10 décembre 1986 et 4 mars 1987 le caractère d'une faute lourde ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société FORASOL n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement entrepris le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'indemnité ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE FORASOL est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94PA00995
Date de la décision : 20/02/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI - Refus illégal d'autoriser le licenciement économique d'un salarié non protégé - Absence de faute lourde en l'espèce (1).

60-02-013, 66-07-02-045 Refus du directeur départemental du travail et de l'emploi d'autoriser la requérante à licencier un salarié au motif que ce salarié, qui n'avait pas la qualité de salarié protégé, exerçait des responsabilités au plan syndical, confirmé sur recours gracieux en appréciant les circonstances de droit et de fait à la date de la décision statuant sur ce recours non obligatoire. Si ces décisions sont fondées sur des motifs entachés d'erreur de droit, les illégalités commises, la première à la suite de la signature d'un "relevé de conclusions" issu d'une réunion entre l'administration, l'employeur et les représentants des organisations syndicales au comité d'entreprise en vue de la recherche d'une solution consensuelle au regard des contraintes économiques et sociales inhérentes à une demande d'autorisation de licenciement économique concernant 206 salariés, la seconde dans l'interprétation d'une jurisprudence complexe, ne révèlent pas, même conjuguées, une faute lourde de l'administration dans l'exercice des pouvoirs de contrôle de l'emploi qu'elle tient de l'article L. 321-1 du code du travail.

- RJ1 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES NON PROTEGES - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE - RESPONSABILITE - Refus illégal d'autoriser le licenciement - Absence de faute lourde en l'espèce (1).


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R200
Code du travail L321

1.

Cf. CE, Assemblée, 1982-07-02, Mme Szczepaniach, p. 265 ;

CE, 1990-07-29, Ministre des affaires sociales et de l'emploi c/ Société Groupe C.E.R.P., p. 194


Composition du Tribunal
Président : M. Lévy
Rapporteur ?: M. Gipoulon
Rapporteur public ?: Mme Brin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-02-20;94pa00995 ?
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