VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 19 septembre 1994, présentée pour M. Jean-Claude Y... par Me Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; elle a été enregistrée au greffe de la cour le 13 septembre 1994 ; M. Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 décembre 1991 du directeur général du Centre national de la cinématographie mettant un terme au contrat qui le liait à cet établissement depuis 1982, ensemble la décision de licenciement du 8 janvier 1992 ;
2°) d'annuler la décision du 8 janvier 1992 et du 2 décembre 1991 émanant du directeur général du Centre national de la cinématographie ;
3°) de condamner le Centre national de la cinématographie à lui payer la somme de 15.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 11 janvier 1996 :
- le rapport de Mme HEERS, conseiller,
- les observations de la SCP Z..., BARTHELEMY, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. Y... et celles de la SCP PIWNICA, MOLINIE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le Centre national de la cinématographie,
- et les conclusions de Mme BRIN, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement entrepris :
Considérant qu'il ne ressort d'aucune des mentions de ce jugement que l'audience du tribunal administratif du 13 décembre 1993 a été publique ; qu'ainsi, alors même qu'il mentionne que le rapporteur, les avocats de M. Y... et du Centre national de la cinématographie et le commissaire du Gouvernement ont été entendus, ce jugement ne fait pas la preuve que la procédure à l'issue de laquelle il est intervenu a été pour l'application des articles R.195 et R.200-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel régulière ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et d'évoquer la demande ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant qu'en admettant que lors des entrevues avec le directeur du Centre national de la cinématographie et ses collaborateurs antérieures à la lettre du 2 décembre 1991, laquelle, comme le fait valoir le Centre national de la cinématographie, est une décision de licenciement et non une notification d'une simple intention de licencier, M. Y..., qui avait été, ainsi qu'il n'est pas contesté, invité à démissionner, alors qu'au surplus la vacance de son emploi avait été diffusée dans les services du Centre national de la cinématographie dès le 20 novembre 1991, a été mis à même de demander, comme il l'a du reste fait le 25 novembre 1991, communication de son dossier, il ressort des pièces versées au dossier, notamment de l'attestation du chef du service du personnel et des ressources humaines du Centre national de la cinématographie en date du 31 juillet 1992 et de la liste des pièces jointes qui y est annexée, que le dossier consulté ne comportait pas l'ensemble des pièces au vu desquelles est intervenue la décision du 2 décembre 1991, prise en toute hypothèse en considération de la personne du requérant, de nature à permettre à celui-ci de présenter utilement ses observations sur la mesure envisagée ; que s'il est vrai en particulier que le rapport d'audit de la société IDHR au vu duquel notamment, cette mesure est intervenue a été communiqué à l'ensemble des chefs de service dès le 1er octobre 1991 cette communication précisait que "ce document est un instrument de travail et d'aide à la réflexion, là s'arrête son rôle et je ne fais pas automatiquement miennes les analyses et les propositions qu'il inclut" ; qu'en outre la décision de licenciement a été prise au vu non seulement de ce rapport, mais encore d'un rapport complémentaire de M. Alain X..., chef adjoint du département de l'organisation et des systèmes d'information du ministère de la culture et de la communication, accompagné d'une note du directeur de l'administration générale de ce ministère, établi en date du 15 novembre 1991 et qui, ainsi qu'il n'a pas été contesté, n'a été diffusé que le 2 décembre 1991, selon les dires mêmes du Centre national de la cinématographie, soit le jour même de la décision de licenciement de M. Y... ; qu'il n'est pas établi que ce dernier en aurait eu connaissance ou aurait pu aisément en avoir connaissance avant cette date ; qu'il résulte des propres observations du Centre national de la cinématographie et de l'examen de ce second rapport qu'il mettait en cause le fonctionnement "cahotique" et "déresponsabilisant" pour les autres services du service informatique dont le requérant assumait la responsabilité, et se rapportait ainsi à sa gestion personnelle ; qu'en outre, si selon la lettre du 2 décembre 1991 les conclusions du rapport IDRH étaient "confortées par l'analyse et les recommandations d'Alain X..." auquel avait été confiée, "une mission d'expertise complémentaire centrée sur l'informatique" il ressort de la comparaison entre les deux rapports que ce second rapport "complémentaire", émanant d'ailleurs de l'administration de tutelle, comportait des éléments nouveaux d'une importance non négligeable par rapport au premier ; qu'en particulier, il relève que la conduite de projets informatiques n'est ni organisée ni structurée, que le processus d'information dans l'institution n'est pas piloté par le Centre national de la cinématographie mais plus ou moins par la société sous-traitante ou le service informatique, que le service informatique a poursuivi sa propre stratégie sans contrôle réel du
Centre national de la cinématographie, que la politique de management du système d'information est inexistante de même que la formation des utilisateurs et l'évolution technique du personnel informaticien, que les objectifs poursuivis par le service informatique ne sont pas cohérents entre eux, que le service privilégie encore des applications anciennes non cohérentes avec les nouvelles, des choix techniques dépassés et une stratégie de développement des nouvelles applications inadaptée ; qu'ainsi la communication du dossier qui ne comportait pas ces éléments décisifs n'a pas été en toute hypothèse intégrale ; qu'il résulte de ce qui précède que le licenciement de M. Y... est intervenu sans qu'il ait été mis à même de prendre connaissance d'un dossier complet de nature à lui permettre de contester utilement l'ensemble des motifs de la décision envisagée ; que ladite décision doit être en conséquence annulée ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner le Centre national de la cinématographie à payer à M. Y... la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que le Centre national de la cinématographie, partie perdante, n'est pas fondé à demander qu'il soit fait application dudit article à son bénéfice ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 janvier 1994, ensemble les décisions du directeur du Centre national de la cinématographie des 2 décembre 1991 et 8 janvier 1992 sont annulées.
Article 2 : Le Centre national de la cinématographie paiera 10.000 F à M. Y....
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. Y... et les conclusions présentées par le Centre national de la cinématographie sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.