VU la requête présentée par le MINISTRE DU BUDGET, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT ; elle a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 28 mars 1994 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 8909932/1 en date du 27 avril 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société anonyme Plurifinance France tendant à la réduction, à hauteur de 576.865,54 F en droits et pénalités confondus, des cotisations de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er septembre 1981 au 31 décembre 1984 ;
2°) de remettre à la charge de la société anonyme Plurifinance France la somme de 576.685,54 F dont il a été accordé le dégrèvement ;
3°) de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Paris ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87.1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 1995 :
- le rapport de Mme MARTIN, rapporteur,
- les observations du cabinet BEER, avocat, pour la société anonyme Plurifinance France,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à la société anonyme Plurifinance France la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mises à sa charge à raison de la cession consentie en 1984 par la société à un tiers de droits qu'elle détenait sur trois autres sociétés ; que, dans le dernier état de ses conclusions, le ministre demande à la cour de remettre à la charge de la société anonyme Plurifinance France les sommes de 11.566 F de taxe sur la valeur ajoutée figurant sur deux factures établies au nom de la société Plurifinance SA et 102.393,48 F de taxe qui auraient dû être facturées à la société Plurifinance Hellas, ainsi que 12.535,43 F de pénalités ;
Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales, le ministre dispose pour faire appel d'un délai de quatre mois à partir de la notification du jugement par le tribunal administratif au directeur qui a suivi l'affaire ; qu'il résulte de l'instruction que la décision du tribunal a été notifiée à l'administration le 3 décembre 1993 ; que, dès lors, la requête du ministre, enregistrée à la cour le 28 mars 1994, a été présentée dans le délai du recours contentieux et est recevable ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : "I- Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel" ; qu'aux termes de l'article 261 C du même code : "Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1°) les opérations bancaires et financières suivantes : ... c) les opérations y compris la négociation, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l'exception du recouvrement de créances" ; qu'aux termes de l'article 269-2 du même code : "La taxe est exigible ... pour les prestations de service ... lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ..." ; qu'aux termes de l'article 259 B du même code, les prestations de mise à disposition de personnel "ne sont pas imposables en France, même si le prestataire est établi en France, lorsque le bénéficiaire est établi hors de la Communauté économique européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté" ; qu'aux termes de l'article 283 du même code : "3°) Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture ou tout autre document en tenant lieu est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation" ;
Considérant que, par un acte du 21 mai 1984, la société anonyme Plurifinance France a cédé à la société Anciens établissements Raphaël Carbonel un ensemble de factures établies par elle au titre de prestations de service, correspondant essentiellement à la mise à disposition de personnel, fournies aux sociétés Plurifinance Hellas, Plurifinance Inc. et Plurifinance SA, moyennant un prix global de 3.314.470,20 F ; que la société cédante doit être regardée comme ayant obtenu, à la date susindiquée, l'encaissement du prix des prestations de service qu'elle a effectuées ; que, du fait de cet encaissement, la taxe correspondante est devenue immédiatement exigible à raison des opérations qui n'en sont pas exonérées ; que la société ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir de la réponse ministérielle à M. Y..., député, en date du 17 février 1986, dès lors que celle-ci concerne le cas d'une cession de créances par une société acquittant la taxe sur la valeur ajoutée sur les livraisons, taxe acquittée avant la cession des créances ;
Considérant que l'administration est en droit, comme elle le fait en appel, de substituer aux fondements de l'imposition, tels qu'ils résultent de la notification de redressements, les dispositions des articles 256 et 259 B du code général des impôts, dès lors que cette substitution ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi ;
Considérant que l'administration fait valoir à bon droit, en premier lieu, que la société est redevable de la taxe sur le fondement de l'article 259 B, et, en tout état de cause, de l'article 283-3 du code général des impôts, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée a été mentionnée sur les factures des 30 novembre 1982 et 1er février 1983 relatives aux prestations de service rendues à la succursale parisienne de la société suisse Plurifinance SA ; que, dès lors, la société française est redevable de la taxe pour un montant de 11.566 F en droits ; qu'elle n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à M. X..., sénateur, en date du 1er juin 1979, selon laquelle le redevable de bonne foi ayant facturé la taxe pour une opération exonérée ou à un taux erroné peut procéder, aux conditions du 1 de l'article 272 du code, à la régularisation prévue par ce texte, dès lors qu'il est constant que les prestations en cause n'étaient pas exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant, en second lieu, que si l'article 145, complété par l'annexe XII, de l'acte d'adhésion à la Communauté économique européenne, prévoit que la Grèce devra, en matière de fiscalité, se conformer à la sixième directive dès le 1er janvier 1984, les quinzième et vingt-et-unième directives du Conseil en date des 19 décembre 1983 et 16 juin 1986 ont reporté au 1er janvier 1987 l'introduction de la taxe sur la valeur ajoutée dans la législation hellénique ; que, de ce fait, la société Plurifinance Hellas n'était pas assujettie en 1984 à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de faire application de l'article 259 B qui exclut de l'imposition en France les prestations pour lesquelles le bénéficiaire est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté ; qu'ainsi, les services rendus par la société anonyme Plurifinance France à la société Plurifinance Hellas devaient être soumis à la taxe pour un montant de 102.393,48 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à la société la totalité de la décharge sollicitée ; qu'il y a lieu de remettre à la charge de la société 113.959,48 F de droits de taxe sur la valeur ajoutée et 12.535,42 F de pénalités ;
Sur la demande de remboursement de frais :
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Les cotisations supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles la société anonyme Plurifinance France a été assujettie au titre de la période du 1er septembre 1981 au 31 décembre 1984 sont remises à sa charge à hauteur de 113.959,48 F de droits et assorties de 12.535,42 F de pénalités.
Article 2 : Le jugement n° 8909932/1 en date du 27 avril 1993 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de la société anonyme Plurifinance France tendant au remboursement de frais sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.