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28/03/1995 | FRANCE | N°94PA00513

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 28 mars 1995, 94PA00513


VU la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 27 avril 1994, présentée pour le CONSEIL REGIONAL DE LA GUADELOUPE par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le CONSEIL REGIONAL DE LA GUADELOUPE demande à la cour d'annuler le jugement du 25 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé la décision du 21 juin 1993 du président du CONSEIL REGIONAL DE LA GUADELOUPE ayant mis fin aux fonctions de directeur des affaires financières et budgétaires exercées par M. David Y... ;
VU les autres pièces d

u dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cou...

VU la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 27 avril 1994, présentée pour le CONSEIL REGIONAL DE LA GUADELOUPE par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le CONSEIL REGIONAL DE LA GUADELOUPE demande à la cour d'annuler le jugement du 25 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé la décision du 21 juin 1993 du président du CONSEIL REGIONAL DE LA GUADELOUPE ayant mis fin aux fonctions de directeur des affaires financières et budgétaires exercées par M. David Y... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;
VU le décret n° 83-224 du 22 mars 1983 ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 1995 :
- le rapport de M. GIPOULON, conseiller,
- les observations de la SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. David Y...,
- et les conclusions de Mme BRIN, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. Y... est entré au service du CONSEIL REGIONAL DE LA GUADELOUPE en qualité d'agent contractuel pour y exercer du 1er juillet 1986 au 30 juin 1989 les fonctions de contrôleur financier adjoint et du 1er juillet 1989 au 31 décembre 1991 celle de directeur des affaires financières et budgétaires de l'administration régionale ; qu'il s'est vu confier à compter de cette date, en application d'un contrat conclu pour une période de 3 ans renouvelable par tacite reconduction, l'emploi de directeur des services financiers de l'administration régionale ; qu'il conteste la décision du 21 juin 1993 par laquelle le président du conseil régional a mis fin à son contrat en raison de fautes professionnelles graves ;
Considérant que la décision de résiliation du contrat n'étant motivée que par l'existence de fautes professionnelles et l'autorité publique ne se trouvant pas dans une situation de compétence liée, le conseil régional n'est pas fondé à se prévaloir devant le juge à ce que la résiliation pouvait en toute hypothèse être prononcée, indépendamment des fautes reprochées, en raison du caractère discrétionnaire de l'emploi occupé par M. Y... ;
Considérant que si, pour justifier le licenciement, le président du conseil régional fait état, dans sa décision du 21 juin 1993, du défaut de régularisation dans les plus brefs délais des mandats rejetés ainsi que de l'absence de réponse aux lettres adressées par le payeur général, ces manquements qui n'ont d'ailleurs donné lieu à aucune observation antérieure ne sont pas justifiés par les pièces produites ; qu'il en va de même pour les reproches concernant le défaut d'expédition des documents comptables permettant à la région de percevoir des recettes, les erreurs dans la comptabilisation desdites recettes et les irrégularités dans le mandatement de certaines opérations ; que l'affirmation selon laquelle M. Y... n'aurait pas communiqué au président du conseil régional l'évolution financière de la collectivité régionale, programme par programme, n'est pas établie, non plus que la matérialité des rappels relatifs à la carence ainsi alléguée ;
Considérant que si, par ailleurs, la décision du 21 juin 1993 fait grief à M. Y... d'avoir "remis à un tiers, sans aucune autorisation et sans en obtenir décharge, un document interne à la région ...", il ressort des pièces du dossier que le document concerné, relatif à l'état des restes à réaliser de l'année 1992 avait été demandé au chef des services financiers de la région par le magistrat rapporteur de la chambre régionale des comptes dans le cadre du contrôle budgétaire diligenté à l'initiative du préfet de la Guadeloupe sur le fondement des articles 51 et 83 de la loi du 2 mars 1982 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 du décret n° 83-224 du 22 mars 1983 : "les ordonnateurs, les comptables, les dirigeants des organismes vérifiés et les représentants de l'Etat dans le département ou la région sont tenus de communiquer sur leur demande aux rapporteurs tous documents et de fournir tous renseignements relatifs à la gestion des services et organismes soumis au contrôle de la chambre régionale des comptes. Les rapporteurs peuvent se rendre dans les services et organismes. Ceux-ci ont à prendre toutes dispositions pour leur permettre de prendre connaissance des écritures et documents tenus et en particulier des pièces préparant et justifiant le recouvrement des recettes, l'engagement, la liquidation et le paiement des dépenses. Les rapporteurs se font délivrer copie des pièces nécessaires à leur contrôle." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... a communiqué le document établi par son service et relatif à "l'état des restes à réaliser", visé par le comptable, au magistrat instructeur de la chambre régionale des comptes lors de la réunion tenue à l'initiative de ce dernier le 6 mai 1993 et de la tenue de laquelle M. Y... avait préalablement informé le vice-président du Conseil régional en charge du suivi de la procédure, mettant ainsi l'exécutif régional à même d'assister à la réunion s'il l'entendait ; qu'il résulte des termes mêmes des dispositions précitées dans leur second alinéa qu'il était tenu à cette communication, alors même que le document aurait revêtu un caractère préparatoire, ainsi que l'a d'ailleurs expressément relevé le président de la chambre régionale des comptes dans sa lettre n° 93 versée au dossier ; que M. Y... a immédiatement rendu compte au vice-président de la tenue de la réunion en relevant notamment dans son compte-rendu que les demandes du rapporteur avaient porté sur "le paiement des arriérés de la région" ; que dans ces conditions et alors même qu'il n'aurait pas expressément sollicité une autorisation spécifique préalable de remise du document litigieux établi dans ses services et que le compte rendu de la réunion du 6 mai immédiatement établi et transmis ne faisait pas expressément mention de sa remise, M. Y... ne peut être regardé comme ayant dans les circonstances susprécisées commis une faute de nature à justifier la sanction intervenue ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le président du conseil régional de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé la décision du 21 juin 1993 par laquelle il a été mis fin aux fonctions de M. Y... ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à la demande présentée par M. Y... sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner la région de la Guadeloupe à payer à M. Y... la somme de 20.000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête présentée par le CONSEIL REGIONAL DE LA GUADELOUPE est rejetée.
Article 2 : Le CONSEIL REGIONAL DE LA GUADELOUPE versera à M. Y... 20.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94PA00513
Date de la décision : 28/03/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPTABILITE PUBLIQUE - BUDGETS - CONTROLE DES BUDGETS DES COLLECTIVITES LOCALES PAR LES CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES - Communication à un magistrat de la chambre régionale des comptes d'un document budgétaire par un agent contractuel de la région de la Guadeloupe - sans autorisation préalable du président du conseil régional - Faute justifiant le licenciement - Absence.

18-02-05, 36-09-03-02 Licenciement d'un agent contractuel, qui occupait un emploi de directeur des services financiers de l'administration régionale de la Guadeloupe, motivé par le fait qu'il avait communiqué sans autorisation préalable du président du conseil régional "l'état des restes à réaliser de l'année 1992" au magistrat rapporteur de la chambre régionale des comptes et à la demande de ce dernier dans le cadre du contrôle budgétaire diligenté à l'initiative du préfet de la Guadeloupe sur le fondement des articles 51 et 83 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982. L'intéressé ne peut être regardé comme ayant commis une faute de nature à justifier cette sanction dès lors, d'une part, qu'il résulte des termes de l'article 13 alinéa 2 du décret n° 83-224 du 22 mars 1983 qu'il était tenu à cette communication, alors même que le document aurait revêtu un caractère préparatoire, et, d'autre part, qu'il avait préalablement informé le vice-président du conseil régional de la tenue d'une réunion avec le magistrat de la chambre régionale des comptes et qu'il lui en a immédiatement rendu compte, même si le compte-rendu n'a pas fait mention expressément de la remise de ce document.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - MOTIFS - FAITS N'ETANT PAS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION - Licenciement d'un directeur des services financiers de l'administration régionale pour avoir communiqué - sans autorisation préalable du président du conseil régional - un document budgétaire dans le cadre du contrôle de la chambre régionale des comptes.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 83-224 du 22 mars 1983 art. 13
Loi 82-213 du 02 mars 1982 art. 51, art. 83


Composition du Tribunal
Président : M. Lévy
Rapporteur ?: M. Gipoulon
Rapporteur public ?: Mme Brin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1995-03-28;94pa00513 ?
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