VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 mars 1994, présentée par le MINISTRE DU BUDGET, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 91/163 en date du 4 février 1994 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a annulé la décision du 6 février 1991 du ministre de l'économie, des finances et du budget rejetant la demande de M. Lucien X... tendant au versement de l'indemnité d'éloignement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Cayenne ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; le décret n° 92-245 du 17 mars 1992 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 1994 :
- le rapport de Mme MESNARD, conseiller,
- et les conclusions de M. MERLOZ, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 2 du décret du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonc-tionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer : "Les fonctionnaires de l'Etat qui recevront une affectation dans l'un des départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique ou de la Réunion, à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation et dont le précédent domicile était distant de plus de 3.000 kms du lieu d'exercice de leurs nouvelles fonctions, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de service de quatre années consécutives, une indemnité dénommée "indemnité d'éloignement des dépar-tements d'outre-mer" non renouvelable ... Nonobstant la condition de distance prévue au premier alinéa ci-dessus, les dispositions du présent article sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat domiciliés à la Martinique ou à la Guadeloupe et affectés à la Guyane française ou inversement" ; qu'aux termes de l'article 6 du même décret : "Les fonctionnaires de l'Etat domiciliés dans un département d'outre-mer qui recevront une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation, percevront, s'ils accom-plissent une durée minimum de services de quatre années consécutives en métropole, une indemnité d'éloignement non renouvelable ..." ; qu'enfin, selon l'article 7 du décret susmentionné : "Dans le cas où un même fonc-tionnaire de l'Etat serait amené à bénéficier de l'indemnité d'éloignement successivement dans les conditions fixées par les articles 2, 3 ou 6 ci-dessus, il ne pourra, en toute hypothèse, percevoir plus de trois des versements fractionnés prévus pour le paiement de ladite indemnité" ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un fonctionnaire peut être appelé, au cours de sa carrière, à percevoir plusieurs fois l'indemnité d'éloignement ; que celles de l'article 7 précité, qui s'appliquent aux seuls fonctionnaires effectuant des séjours successifs dans d'autres lieux que celui où se trouve le centre de leurs intérêts matériels et moraux, ne font pas obstacle à ce qu'un fonctionnaire, qui a perçu l'indemnité d'éloignement au titre de l'article 6 du décret du 22 décembre 1953, puisse la percevoir, à nouveau, au titre de l'article 2 de ce même décret lorsque le lieu du centre de ses intérêts matériels et moraux a, entre temps, été modifié ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. X..., originaire de la Martinique, recruté le 1er avril 1961 en qualité de préposé des douanes, a été affecté en métropole et titularisé le 1er avril 1962 ; qu'après avoir servi à Metz jusqu'au mois de février 1968, il a été affecté à Granville du 2 février 1968 au 23 juin 1983 puis à Dunkerque et au Havre où il est demeuré du 6 août 1984 au 28 octobre 1989 ; que sa femme est venue le rejoindre en métropole en 1962 ; que ses deux enfants y ont effectué leur scolarité et y sont demeurés après sa mutation en 1989 ; qu'il a acquis une maison successivement à Granville en 1975 puis au Havre en 1986 ; qu'il a été inscrit, dans cette commune, sur les listes électo-rales ; que son père est décédé en 1945 et sa mère en 1962 ;
Considérant que, dans ces conditions, et alors même qu'il a obtenu, en 1986, un congé bonifié passé en Martinique et qu'il a sollicité sa mutation dans l'un des départements d'outre-mer, dont la Martinique, M. X... devait être regardé, eu égard notamment à la durée de son séjour en métropole, comme ayant établi, à la date de sa mutation en Guyane le 28 octobre 1989, le centre de ses intérêts matériels et moraux en métropole ; que, bien qu'il ait bénéficié de l'indemnité d'éloignement au titre de l'article 6 du décret précité du 22 décembre 1953 lors de sa titu-larisation en métropole en 1962, il pouvait, en conséquence, prétendre au bénéfice de cette indemnité sur le fondement de l'article 2 de ce même décret à l'occasion de sa mutation en Guyane en 1989 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cayenne a annulé la décision du 6 février 1991 rejetant la demande de M. X... tendant au versement de l'indemnité d'éloignement ; que sa requête doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : La requête du MINISTRE DU BUDGET, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT est rejetée.