VU la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour les 4 mars et 28 mai 1991 ; ils ont été présentés pour Mme Z... prise en sa qualité d'épouse de M. André Z... décédé le 7 août 1984, Y... Jacqueline MILLANT, M. Guy Z..., Melle X... MILLANT, Y... Elvire MILLANT ayants droit de leur père, et élisant domicile chez Mme Z..., ..., par Me A..., avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ; les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles M. Z... a été assujetti à l'impôt sur le revenu et à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 1979, 1981, 1982 et 1983 ;
2°) de leur accorder la décharge sollicitée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cour de l'audience publique du 14 avril 1994 :
- le rapport de Mme SICHLER, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision du 8 décembre 1993 postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine a accordé aux ayants-droit de M. Z... un dégrèvement de 702.168 F de l'impôt sur le revenu auquel le contribuable avait été assujetti au titre des années 1980, 1981, 1982 et 1983 ; que les conclusions de la requête sont devenues sans objet dans ces limites ;
Considérant que les conclusions dirigées contre le complément d'impôt sur le revenu réclamé au titre de l'année 1984, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompatibilité de l'assujettissement de mêmes sommes à l'impôt sur les sociétés au nom de la société versante et à l'impôt sur le revenu, en tant que bénéfices non commerciaux ainsi qu'à la taxe sur la valeur ajoutée au nom de leur bénéficiaire ; qu'ainsi le jugement en cause doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les héritiers de M. Z... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur l'imposition des revenus d'origine indéterminée :
Considérant, en premier lieu, que l'administration a produit à l'instance un avis de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble en date du 3 avril 1984 avec accusé de réception du 12 avril suivant ; que le moyen tiré du défaut d'avis de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble manque donc en fait ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'examen des comptes bancaires de M. Z..., le vérificateur a constaté un montant de crédits s'élevant à 334.069,86 F alors que le contribuable n'avait déclaré que 134.669 F de revenus au titre de l'année 1981 ; que l'écart ainsi relevé était suffisant pour permettre à l'administration de mettre en oeuvre la procédure prévue aux articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales alors applicables ;
Sur l'imposition des bénéfices non commerciaux :
En ce qui concerne la cession de créance de l'exercice 1979 :
Considérant que, titulaire d'une créance sur la société du Chèque-Restaurant constituée de redevances contractuellement dues par celle-ci à M. Z... pour la période du 1er janvier 1974 au 31 décembre 1976 à raison de son activité de mise au point et d'exploitation du Chèque-Restaurant en ses débuts, l'intéressé a cédé à un tiers pour une somme forfaitaire de 300.000 F ladite créance, payable sous forme de traites ; que, contrairement à ce qu'allèguent les requérants, la somme perçue en contrepartie de cette cession est de même nature que les redevances susdites, lesquelles constituent des bénéfices non commerciaux, imposables à l'impôt sur le revenu en application de l'article 92 du code général des impôts et à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 256 du code général des impôts ; qu'il est par ailleurs constant que M. Z... l'a effectivement perçue au cours de l'année 1979 ; que c'est dès lors à bon droit qu'elle a été imposée entre ses mains au titre de ladite année ;
En ce qui concerne l'année 1981 :
Considérant que l'administration a imposé d'office une somme de 200.000 F versée à M. Z... en 1981 par la société du Chèque-Restaurant en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 3 mars 1981 et que le contribuable ne conteste pas avoir effectivement perçue ; qu'ainsi c'est à bon droit que cette somme a été imposée dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
En ce qui concerne les années 1982 et 1983 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.47 du livre des procédures fiscales : "Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a découvert l'existence des bénéfices non commerciaux qu'il a taxés d'office au titre des années 1982 et 1983 lors de l'examen des relevés du compte courant de M. Z... dans les écritures de la société Le Chèque-Restaurant ; que ces relevés constituaient, pour M. Z... qui était en sa qualité de titulaire de bénéfices non commerciaux, astreint à l'obligation de tenir une comptabilité, un document comptable ; que l'administration était dès lors tenue, préalablement à l'examen de ces relevés, d'adresser au contribuable l'avis de vérification de comptabilité prévu à l'article L.47 du livre des procédures fiscales ; qu'il suit de là que la procédure étant irrégulière faute d'un tel envoi, les requérants sont fondés à demander la décharge des impositions supplémentaires résultant de la vérification de comptabilité litigieuse ;
Sur les pénalités :
Considérant que les pénalités pour absence de bonne foi ont été motivées par lettre du 19 novembre 1984 notamment en ce qui concerne les crédits bancaires non justifiés de l'année 1981 ; que le moyen tiré du défaut de motivation de ces pénalités manque en fait ; qu'il y a lieu de le rejeter ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à concurrence des dégrèvements accordés aux héritiers Z... à raison de l'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre des années 1980, 1981, 1982 et 1983, d'un montant total de 702.168 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 novembre 1990 est annulé.
Article 3 : Les héritiers Z... sont déchargés des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et à la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 1982 et 1983.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande des héritiers Z... est rejeté.