VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif, présentés pour la société anonyme des ETABLISSEMENTS BALLANDE, par la SCP LEMAITRE, MONOD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés le 29 juin et 28 août 1992 au greffe de la cour ; la société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 5100104 en date du 29 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa demande tendant à ce que le territoire soit condamné à lui payer une somme de 3.622.100 F CFP ainsi que les intérêts moratoires ;
2°) de condamner le territoire à lui verser les sommes de 3.622.100 F CFP avec les intérêts de droit à compter de la demande d'indemnisation et les intérêts de ces intérêts ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n° 88-82 du 22 janvier 1988 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie ;
VU la loi n° 88-808 du 12 juillet 1988 relative à l'administration de la Nouvelle-Calédonie ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 1994 :
- le rapport de Mme MARTIN, conseiller,
- les observations de la SCP LEMAITRE, MONOD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société des ETABLISSEMENTS BALLANDE et celles de la SCP DELAPORTE, BRIARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie,
- et les conclusions de M. GIPOULON, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par jugement en date du 5 juillet 1990, le tribunal administratif de Nouméa, à la requête de la société anonyme des ETABLISSEMENTS BALLANDE, a annulé l'arrêté du 16 janvier 1989 en tant que le délégué du Gouvernement, Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, lui a refusé le bénéfice du régime fiscal privilégié à l'importation de café vert provenant du Vanuatu ; que la société requérante fait appel du jugement rejetant sa demande tendant à ce que le territoire soit condamné à lui verser la somme de 3.622.100 F CFP, avec les intérêts de droit ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la délibération du 4 octobre 1988 relative à l'instauration d'un régime fiscal privilégié à l'importation pour les matières premières et les emballages utilisés dans certaines fabrications locales : "Les entreprises des secteurs de l'industrie et de l'artisanat de production peuvent bénéficier d'une réduction de la taxe générale à l'importation pour les matières premières et les emballages qu'elles importent" ; qu'aux termes de l'article 2 de la même délibération : "Peuvent prétendre à l'octroi du régime fiscal privilégié les entreprises visées à l'article 1er ci-dessus dont l'activité est reconnue comme présentant un intérêt économique certain pour le développement du territoire. L'agrément ... est accordé ... après consultation d'un comité ..." ; enfin, qu'aux termes de l'article 4 de la délibération : "Par matières premières ..., il convient d'entendre les matériaux ou produits semi-finis devant subir une ouvraison suffisante" ;
Considérant que l'illégalité commise par l'exécutif du territoire, en refusant l'agrément au motif que les produits importés ne subissaient pas une ouvraison suffisante est constitutive d'une faute de nature à engager, vis-à-vis de la société anonyme des ETABLISSEMENTS BALLANDE, la responsabilité du territoire ; que toutefois, la société requérante ne peut justifier l'existence d'un préjudice résultant de l'illégalité de ce refus, dès lors que sa censure par le juge n'impliquait le bénéfice de l'agrément que si elle avait une chance sérieuse de l'obtenir, qui compte tenu du caractère discrétionnaire de son octroi résultant des dispositions précitées de la délibération du congrès de la Nouvelle-Calédonie, eût impliqué que le refus d'agrément fût entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que le territoire souligne qu'engagé depuis plusieurs années dans une politique de soutien de la production locale de café, il ne pouvait que s'opposer à une demande d'octroi du régime fiscal privilégié pour une importation qui la mettait en cause ; que si la société requérante fait valoir que cette politique de soutien n'avait plus de raison d'être à la date du refus, au début de l'année 1989, en raison de la baisse sensible de la production locale entre 1986 et 1988 et de son effondrement en 1988 et que d'ailleurs l'agrément a été accordé le 2 octobre 1990, ces circonstances n'étaient pas de nature, à une période où l'exécutif du territoire pouvait s'interroger sur les raisons de l'effondrement et sur ses conséquences sur sa politique d'aide à la production locale, à établir que le refus d'agrément eût été entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et que la société anonyme des ETABLISSEMENTS BALLANDE avait donc une chance sérieuse de l'obtenir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société anonyme des ETABLISSEMENTS BALLANDE n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouméa, ait, bien que pour un autre motif, rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de la société anonyme des ETABLISSMENTS BALLANDE est rejetée.