VU la requête, enregistrée le 23 avril 1992 au greffe de la cour, présentée par Me Y..., pour M. X... ; il demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8901098/3 du 20 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge ou subsidiairement en réduction des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 16 mars 1981 au 31 décembre 1983 par avis de mise en recouvrement du 12 avril 1988 ;
2°) de lui accorder la décharge ou la réduction demandée ;
3°) de condamner l'Etat à le rembourser des frais exposés tant en première instance qu'en appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 1993 :
- le rapport de M. GAYET, conseiller,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. X... demande la décharge des suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 16 mars 1981 au 31 décembre 1983 ;
Considérant que M. X..., docteur en médecine, a été radié de l'ordre par une décision de la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins du 15 mars 1981, mais a néanmoins poursuivi illégalement l'exercice de la profession de médecin et a fait l'objet de poursuites judiciaires à ce titre ; qu'il fait valoir qu'en utilisant pour reconstituer les recettes qu'il a perçues les fiches médicales de ses clients sur lesquelles il portait la date de la consultation et la nature du traitement l'administration a violé le secret médical et, de ce fait, entaché d'irrégularité la procédure d'imposition ;
Considérant qu'aux termes de l'article 378 du code pénal : "Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions temporaires ou permanentes, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets seront punis d'un emprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende ..." ; que la protection du secret médical prévue par la disposition susrappelée a été édictée d'une manière générale et dans le seul intérêt des patients qui sont amenés à confier des secrets sur leur vie et leur état de santé ; que le respect du secret médical s'impose donc à toute personne dépositaire dudit secret quelle que soit sa profession et sans qu'il soit fait exception au cas où cette profession est exercée illégalement ; que, par suite, dès lors que M. X... a continué après sa radiation en 1981 de l'ordre des médecins à faire des actes médicaux et, à cette occasion, à être dépositaire des secrets qui lui étaient confiés, son activité médicale, même exercée illégalement, restait couverte par le secret médical ; qu'il suit de là que pour toute la période d'imposition en litige la régularité de la procédure d'imposition est subordonnée au respect de ce principe ;
Considérant qu'il résulte du mémoire en défense du ministre que pour reconstituer les recettes perçues par M. X..., l'administration a comparé à la comptabilité présentée par celui-ci au vérificateur des documents qu'elle qualifie de comptabilité occulte ; que ces documents, parmi une série d'information à caractère médical, fournissaient des informations sur le paiement des actes lesquelles ont permis les recoupements à l'origine de la reconstitution des recettes ; qu'il ressort d'un extrait du rapport de l'administration à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que ces documents portaient également le nom des patients ; qu'ainsi le vérificateur a utilisé des fiches nominatives portant des indications de caractère médical pour reconstituer les recettes perçues par M. X... ; que dès lors et même si le vérificateur n'a pas divulgué à des tiers le nom des patients et même si ces fiches médicales portaient des indications de nature comptable, il a, en les utilisant méconnu le principe du secret médical ; que le ministre n'est pas fondé à soutenir que les exigences découlant du respect de ce principe auraient pour effet de priver l'administration de son pouvoir de contrôle dès lors que les indications médicales en cause ne figuraient par sur les documents comptables que M. X... a présentés spontanément à un vérificateur comme étant la comptabilité qu'il était tenu d'avoir en vertu de l'article 92 du code général des impôts, mais sur des fiches médicales nominatives qualifiées ensuite de comptabilité occulte, par le vérificateur ; qu'il suit de là que la procédure d'imposition suivie à l'encontre de M. X... est entachée d'une irrégularité de nature à entraîner la décharge des impositions contestées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés :
Considérant que lesdites conclusions ne sont pas chiffrées ; qu'elles sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées ;
Article 1er : Le jugement n° 8901098/3 du 20 décembre 1991 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : M. X... est déchargé des suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 16 janvier 1981 au 31 décembre 1983 par avis de mise en recouvrement.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.