VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 18 mai 1992, présenté par le MINISTRE DU BUDGET ; le ministre demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 29 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société à responsabilité limitée La Bibliothèque des Arts la réduction de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices 1981 à 1983 ;
2°) de rétablir la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société à responsabilité limitée, à concurrence de l'intégralité des montants auxquels la société avait été assujettie ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 1993 :
- les observations de Me KARPIK, avocat à la cour, pour la société à responsabilité limitée La Bibliothèque des Arts ;
- le rapport de Mme ALBANEL, conseiller,
- et les conclusions de Mme MOUREIX, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société à responsabilité limitée La Bibliothèque des Arts qui a pour objet l'édition et la diffusion de livres d'art n'a pas retenu dans ses valeurs réalisables au bilan de clôture des exercices 1981 à 1983 la valeur d'une certaine quantité des ouvrages qu'elle détenait en stock ; que l'administration a, par suite, réintégré à ce titre dans les résultats imposables de la société à responsabilité limitée les sommes de 315.000 F pour 1981, 89.000 F pour 1982 et 359.770 F pour 1983 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38-3 du code général des impôts : " ... Les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice si ce cours est inférieur au prix de revient" ;
Considérant qu'une entreprise qui comme en l'espèce, a omis d'user de la faculté de constituer une provision pour dépréciation de son stock dans les conditions prévues au 1-5° de l'article 39 du code général des impôts, ne doit pas, du seul fait de cette omission, être privée du droit qu'elle tient du 3 de l'article 38 du même code d'évaluer son stock au cours du jour à la clôture de l'exercice si ce cours est inférieur au prix de revient ;
Mais considérant que la société à responsabilité limitée requérante n'apporte pas la preuve dont la charge lui incombe que, le stock en question se fût, à la clôture des exercices en cause, déprécié au point d'atteindre un cours du jour nul ou même inférieur à celui arrêté par le service par voie de décote sur les prix de revient ;
Considérant, il est vrai, que la société à responsabilité limitée La Bibliothèque des Arts se prévaut sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales de l'accord relatif à l'évaluation des stocks dans l'industrie de l'édition du livre conclu le 21 février 1942 et dont la modification du 31 juillet 1979 a été reprise dans une note n° 4.A-16-80 publiée au BODGI du 15 décembre 1980, lequel définit dans ses articles 5 à 8 un régime d'évaluation au prix du vieux papier des ouvrages dont la vie normale est terminée, voire, à condition de justification de leur mévente certaine, d'ouvrages dont la vie normale n'est pas terminée, et, pour ces derniers, dans ses articles 11 à 13 un régime de constitution de provisions pour risques de mévente considérés comme probables en fonction d'un barème prenant en compte la cadence de vente d'un ouvrage et sa catégorisation ;
Considérant que dans le dernier état du dossier, il n'est plus contesté, que la société requérante entre dans les prévisions de cet accord, pour exercer, comme l'a jugé le tribunal administratif, une activité d'éditeur et non point seulement de diffuseur de livres ; que, cependant, elle ne pourrait prétendre, sur ce fondement, à une évaluation du stock litigieux inférieure à celle arrêtée par l'administration - sans que la valeur à retenir puisse toutefois, en toute hypothèse, descendre en deçà de celle du vieux papier - que si étaient apportées, sur ceux des ouvrages en cause dont elle a été l'éditeur, les précisions systématiques propres à les classer par rapport aux catégories et aux rythmes de vente-type définis par ledit accord en ses articles 5 à 8 ; que la cour ne trouvant pas au dossier ces précisions, il y a lieu de désigner un expert à l'effet de lui fournir tous éléments de fait de nature à lui permettre d'apprécier si, et dans quelle mesure, la société est susceptible de les apporter, comme elle soutient pouvoir le faire ;
Article 1er : Il sera avant de statuer sur la demande du MINISTRE DU BUDGET procédé à une expertise à l'effet décrit dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : L'expert prêtera serment par écrit ; le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour dans le délai de trois mois suivant la prestation de serment.
Article 3 : Les droits et moyens des parties sont réservés pour autant qu'il n'y est pas statué par le présent arrêt.