VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 26 août 1991, présentée pour la société anonyme COMPAGNIE NATIONALE DE NAVIGATION (CNN) dont le siège social est ... par Me Michel GUENAIRE, avocat à la cour ; la société anonyme COMPAGNIE NATIONALE DE NAVIGATION demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8905408/7 du 11 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation des ordres de reversement émis à son encontre le 9 mai 1989 pour des montants de 1.265.753 F et 1.799.178 F, par le ministre délégué chargé de la mer ;
2°) de la décharger des sommes précitées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n° 72-196 du 10 mars 1972 ;
VU l'arrêté interministériel du 24 septembre 1975 instituant une prime d'équipement en faveur de la flotte de commerce ;
VU la circulaire du secrétaire d'Etat aux transports du 24 septembre 1975 relative au régime des primes d'équipement du plan de développement en faveur de la flotte de commerce ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 1993 :
- le rapport de M. PAITRE, conseiller,
- les observations de Me GUENAIRE, avocat à la cour, pour la COMPAGNIE NATIONALE DE NAVIGATION,
- et les conclusions de M. MENDRAS, commissaire du Gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que, par lettre du 10 avril 1989, le ministre délégué chargé de la mer a signifié à la COMPAGNIE NATIONALE DE NAVIGATION qu'elle devait reverser une fraction des primes d'équipement qui avaient été octroyées en 1978, à l'occasion de la livraison des navires porte-conteneurs-rouliers "Ville de Dunkerque" et "Ville du Havre", à leurs acquéreurs, la Société dunkerquoise d'armement et la Société française des transports maritimes (SFTM), copropriétaires quirataires ; que les ordres de reversement correspondants ont été émis le 9 mai 1989, pour un montant de 1.265.753 F au titre de la prime intéressant le "Ville de Dunkerque", et pour un montant de 1.799.178 F au titre de la prime intéressant le "Ville du Havre" ; que la COMPAGNIE NATIONALE DE NAVIGATION conteste les reversements qui lui sont ainsi réclamés ;
Considérant que pour prescrire les reversements litigieux, le ministre délégué chargé de la mer s'est fondé sur la circonstance que les navires "Ville de Dunkerque" et "Ville du Havre" ont été vendus à l'étranger par leurs nouveaux propriétaires, la COMPAGNIE NATIONALE DE NAVIGATION et une de ses filiales, alors que, compte tenu d'un "gel de francisation" accordé en 1987 à la suite de leur affrêtement à des compagnies étrangères, ils n'avaient pas été maintenus sous pavillon français pendant dix ans à compter de leur livraison ; qu'il résulte de l'instruction que le ministre a ainsi fait application d'une circulaire du secrétaire d'Etat aux transports du 24 septembre 1975 relative au régime d'attribution de la prime créée par l'arrêté interministériel du même jour, et aux termes de laquelle : "Au cas où se produirait, au cours des dix ans suivant la livraison, une vente à l'étranger, une perte totale du navire, ou un changement de son affectation, susceptible d'entraîner un remboursement de la prime accordée ... il sera procédé à l'émission d'un ordre de reversement calculé prorata temporis sur cette période de dix années postérieure à la livraison" ;
Considérant que si le secrétaire d'Etat aux transports, chargé de l'attribution des primes et qui, en application de l'article 13 du décret n° 72-196 du 10 mars 1972 portant réforme du régime des subventions d'investissement accordées par l'Etat, avait la faculté d'en demander le remboursement lorsque l'affectation des navires était modifiée sans son autorisation, pouvait, par voie de directive, en se réservant la possibilité d'un examen de la situation individuelle des bénéficiaires, préciser que le reversement des primes pourrait être ordonné dans un certain nombre de cas, il ne pouvait légalement prescrire, comme il l'a fait dans la circulaire susmentionnée, qui présente sur ce point un caractère réglementaire, l'émission systématique d'un ordre de reversement calculé prorata temporis en cas de vente à l'étranger avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la livraison ; que la COMPAGNIE NATIONALE DE NAVIGATION est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 11 avril 1991, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa contestation des reversements qui lui ont été réclamés en application de ces dispositions de la circulaire du 24 septembre 1975 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 11 avril 1991, ensemble les ordres de reversement émis le 9 mai 1989 par le ministre délégué chargé de la mer à l'encontre de la COMPAGNIE NATIONALE DE NAVIGATION, sont annulés.
Article 2 : La COMPAGNIE NATIONALE DE NAVIGATION est déchargée du paiement des sommes de 1.265.753 F et 1.799.178 F qui lui ont été réclamées par les ordres de reversement mentionnés à l'article 1er ci-dessus.