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19/11/1992 | FRANCE | N°91PA00629

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 19 novembre 1992, 91PA00629


VU le recours du MINISTRE DELEGUE AU BUDGET, enregistré au greffe de la cour le 12 juillet 1991 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°8803712/3 du 27 février 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société anonyme Delas Weir la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la société anonyme Delas Weir a été assujettie au titre de l'année 1983 dans les rôles de la commune de Levallois-Perret, et des pénalités y afférentes à raison de la réintégration dans ses résultats d'une provision pour perte sur t

ravaux en cours ;
2°) de remettre intégralement à la charge de la société an...

VU le recours du MINISTRE DELEGUE AU BUDGET, enregistré au greffe de la cour le 12 juillet 1991 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°8803712/3 du 27 février 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société anonyme Delas Weir la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la société anonyme Delas Weir a été assujettie au titre de l'année 1983 dans les rôles de la commune de Levallois-Perret, et des pénalités y afférentes à raison de la réintégration dans ses résultats d'une provision pour perte sur travaux en cours ;
2°) de remettre intégralement à la charge de la société anonyme Delas Weir les compléments d'impôt ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 1992 :
- le rapport de M. GAYET , conseiller,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société anonyme Delas Weir, qui exerce une activité d'études et de construction d'échangeurs thermiques pour centrales nucléaires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant notamment, en matière d'impôt sur les sociétés, sur l'exercice clos en 1983 ; qu'à la suite de cette vérification des provisions pour pertes futures au titre de travaux en cours sur certains chantiers ont été réintégrées dans les résultats imposables à hauteur de la somme de 35.189.370 F, ramenée sur réclamation de la société à 23.966.000 F, les services fiscaux n'ayant accepté que la déductibilité de la provision pour la perte correspondant à la différence, à la date de clôture de l'exercice 1983, entre le prix de revient des travaux déjà exécutés et le prix stipulé dans chaque contrat ; que, toutefois, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a admis dans son principe la déductibilité intégrale de la provision pour perte litigieuse mais ne l'a regardée comme justifiée dans son montant qu'à concurrence de 12.266.000 F, dès lors que le surplus, correspondant à des pertes provenant de "coûts indirects de production constitués par des frais administratifs, financiers et commerciaux" avait été calculé sur la base d'un coefficient forfaitaire ne permettant pas d'obtenir leur évaluation avec une approximation suffisante ; que le ministre du budget fait appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement donné satisfaction à la société anonyme Delas Weir qui, par voie d'appel incident, sollicite la décharge totale de l'imposition en litige ;
Sur l'appel principal :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1 - Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles ci comprenant ... notamment ... 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que les événements en cours rendent probables ..." ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà engagées à cette date par l'entreprise ; que, toutefois, les provisions pour perte ne peuvent être déduites que si la perspective de perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations, suffisamment homogènes, entre les coûts restant à supporter et les recettes escomptées ;

Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient le ministre, les dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts concernant notamment, les règles de comptabilisation dans le temps des créances relatives à l'exécution de travaux d'entreprise, ne font pas obstacle au principe de la constatation, par voie de provision, d'une perte probable affectant une opération dont les produits ne pourront être comptabilisés qu'ultérieurement, au cours de l'exercice d'achèvement des travaux ; qu'en effet, si ces dispositions permettent de déterminer l'exercice au cours duquel le caractère effectif et le montant de la perte sont définitivement révélés, elles ne peuvent que rester sans incidence sur la possibilité ouverte par les dispositions précitées de l'article 39, de constater par voie de provision et dès lors qu'elle est suffisamment probable, la perte liée à l'exécution d'opérations en cours ;
Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées de l'article 39 du code ont pour objet, ainsi qu'indiqué ci-dessus, de permettre de provisionner des pertes nettement individualisées résultant de l'exécution d'un chantier déterminé ou se rapportant à des opérations ponctuelles suffisamment homogènes pour se rattacher à une branche d'activité spécifique de l'entreprise ; qu'il s'ensuit que le ministre n'est pas fondé à soutenir que la société aurait dû procéder à l'appréciation du risque de perte en prenant en compte l'ensemble des chantiers en cours à la clôture de l'exercice et non seulement, comme elle l'a fait, ceux lui paraissant susceptibles d'être exécutés dans des conditions déficitaires ;
Sur l'appel incident :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la partie de provision de 11.700.000 F que l'administration a réintégrée dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 1983 a été constituée par la société anomyme Delas Weir pour tenir compte des pertes futures correspondant à des coûts indirects de production qu'elle devait supporter à raison des chantiers litigieux ; qu'il résulte de l'instruction que la somme ainsi provisionnée a été évaluée par le contribuable par application d'un coefficient forfaitaire tiré de sa comptabilité analytique ; que la cour ne trouvant pas au dossier des précisions suffisantes pour se prononcer sur le bien-fondé de cette méthode, il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction entre les parties aux fins que celle-ci examinent contradictoirement la méthode susrappelée et ses modalités d'application ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET est rejeté.
Article 2 : Avant de statuer sur l'appel incident de la société anonyme Delas Weir, il sera procédé à un supplément d'instruction aux fins précisées dans les motifs de la présente décision.
Article 3 : Il est accordé aux parties un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt pour faire parvenir au greffe de la cour les informations définies à l'article 2.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 91PA00629
Date de la décision : 19/11/1992
Sens de l'arrêt : Rejet supplément d'instruction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - PROVISIONS -Principes - Provisions pour pertes - Provisions pour pertes futures au titre de travaux en cours - Absence d'incidence de l'article 38-2 bis du C.G.I. pour l'application de l'article 39-1-5° - Prise en compte des coûts indirects de production.

19-04-02-01-04-04 Les dispositions de l'article 38-2 bis du code général des impôts concernant, notamment, les règles de comptabilisation dans le temps des créances relatives à l'exécution de travaux d'entreprise ne font pas obstacle à la constatation par voie de provision des pertes mentionnées à l'article 39-1-5° et affectant une opération dont les produits ne pourront être comptabilisés qu'ultérieurement au cours de l'exercice d'achèvement des travaux. Par suite, sont admises les provisions pour pertes nettement individualisées, résultant de l'éxécution d'un chantier déterminé ou se rapportant à des opérations ponctuelles suffisamment homogènes pour se rattacher à une tranche d'activité spécifique de l'entreprise, sans qu'il soit necessaire d'apprécier le risque de pertes probables par rapport à l'ensemble des chantiers en cours à la clôture de l'exercice. La provision peut tenir compte des pertes futures correspondant à des coûts indirects de production que l'entreprise doit supporter à raison des chantiers litigieux.


Références :

CGI 39, 209, 38


Composition du Tribunal
Président : M. Chanel
Rapporteur ?: M. Gayet
Rapporteur public ?: Mme de Segonzac

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1992-11-19;91pa00629 ?
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