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20/10/1992 | FRANCE | N°91PA00142;92PA00070;92PA00083

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Pleniere, 20 octobre 1992, 91PA00142, 92PA00070 et 92PA00083


Vu, I) sous le n° 91PA00142, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la cour les 25 février et 22 octobre 1991, présentés pour l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris, dont le siège est situé 3, avenue Victoria, 75004 Paris, représentée par son directeur général, par Me Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8811717/4 du 11 janvier 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris l'

a déclarée responsable des conséquences dommageables de la contamination d...

Vu, I) sous le n° 91PA00142, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la cour les 25 février et 22 octobre 1991, présentés pour l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris, dont le siège est situé 3, avenue Victoria, 75004 Paris, représentée par son directeur général, par Me Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8811717/4 du 11 janvier 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée responsable des conséquences dommageables de la contamination de M. X. par le virus de l'immunodéficience humaine et ordonné, avant-dire droit, une expertise médicale ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X. devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu II) sous le n° 92PA00070, la requête enregistrée au greffe de la cour le 28 janvier 1992, présentée pour M. X. demeurant 16, Logis de la Pie, avenue Villette 94100 Saint-Maur-des-Fossés, par la SCP Huglo-Lepage et associés, avocat à la cour ; M. X. demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8811717/4 du 29 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a limité à 450.000 F la somme que l'administration générale de l'Assistance publique à Paris a été condamnée à lui verser en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine ;
2°) de condamner l'administration générale de l'Assistance publique à Paris à lui verser, soit une rente de 15.000 F par mois, réversible au profit de son épouse jusqu'à son décès, soit une indemnité de 3.304.841,60 F à titre de capital, ou enfin, subsidiairement, de lui allouer une provision de un million de francs, ces sommes étant augmentées des intérêts de droit et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de condamner l'administration générale de l'Assistance publique à Paris à lui verser la somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu III) sous le n° 92PA00083, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 29 janvier et 18 mars 1992, présentés pour l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris par Me Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8811717/4 du 29 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à M. X. la somme de 450.000 F augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des conséquences dommageables subies par ce dernier du fait de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X. devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) subsidiairement, de réduire l'indemnité allouée au titre des troubles dans les conditions d'existence et notamment du préjudice moral ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 1992 :
- le rapport de M. Merloz, conseiller,
- les observations de Me Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris et celles de la SCP Huglo-Lepage et associés, avocat à la cour, pour M. X.,
- et les conclusions de Mme Mesnard, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes de l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris et de M. X. sont relatives aux conséquences de la même intervention chirurgicale ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes de l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris :
Considérant que le dommage subi par un usager d'un établissement hospitalier public révèle, par le seul fait qu'il se soit produit, l'existence d'une faute commise à l'occasion des soins qui lui sont prodigués dans le seul cas où, bien que la preuve n'ait pu en être apportée, il a été nécessairement provoqué par une mauvaise organisation ou un fonctionnement défectueux du service, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques et des règles médicales s'imposant à tout praticien à l'époque des faits ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la contamination de M. X. par le virus de l'immunodéficience humaine à l'occasion de l'intervention chirurgicale effectuée le 7 septembre 1987 à l'hôpital Cochin à Paris n'a pas été, en l'état des connaissances scientifiques et des règles médicales s'imposant à tout praticien à cette époque, nécessairement provoquée par une faute dans l'organisation et le fonctionnement des services hospitaliers ; que, dès lors, l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris s'est fondé, pour engager sa responsabilité, sur le motif tiré de ce que la contamination de M. X. révélait, par elle-même, une faute dans l'organisation et le fonctionnement de l'établissement ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X. tant devant elle que devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour pallier le danger de transmission du virus de l'immunodéficience humaine à la suite de transfusions sanguines, l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris a, en procédant à un interrogatoire du donneur à l'origine de la contamination de M. X. et en pratiquant un test préalable de dépistage du virus dans le sang de ce donneur, pris les précautions qui s'imposaient en l'état de la connaissance médicale à l'époque des faits, pour les produits du sang dits "labiles" pour lesquels, par ailleurs, l'inactivation de ce virus par chauffage ne peut être réalisée ; que si de telles méthodes laissaient subsister, selon des études scientifiques produites au dossier et non contestées, un risque de contamination de l'ordre de 0,003 % correspondant à l'inefficacité des tests de dépistage pendant la période de latence précédant la séroconversion, il ne peut être reproché à l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris, comme le soutient M. X., d'avoir commis une faute en s'abstenant d'employer la technique de l'autotransfusion pour supprimer un tel risque, à supposer, au demeurant, que cette méthode ait pu être mise en oeuvre en l'espèce ; qu'il ne saurait pas davantage être reproché à l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris de n'avoir pas informé M. X. de l'existence de ce risque ; que, par suite, le défaut d'information allégué par M. X. ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, un fonctionnement défectueux du service public hospitalier ;
Considérant que la responsabilité des établissements hospitaliers ne peut être retenue qu'en cas de faute ; que, dès lors, le moyen tiré par M. X. de ce que la responsabilité de l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris peut être également engagée même sans faute en raison du danger que de tels établissements sont susceptibles de faire courir à leurs usagers en pratiquant des transfusions sanguines doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris l'a, d'une part, déclarée responsable des conséquences dommageables de la contamination de M. X. par le virus de l'immunodéficience humaine, d'autre part, condamnée à verser à l'intéressé une indemnité de 450.000 F augmentée des intérêts et de la capitalisation des intérêts ; qu'il y a lieu de rejeter la demande présentée par M. X. devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais à la charge de l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris ;

Sur les conclusions de M. X. tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant ... les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. X. la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Paris en date du 11 janvier 1991 et du 29 novembre 1991 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. X. devant le tribunal administratif de Paris, ses conclusions d'appel et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne sont rejetées.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de l'Administration générale de l'Assistance publique à Paris.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 91PA00142;92PA00070;92PA00083
Date de la décision : 20/10/1992
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - ABSENCE DE FAUTE - Contamination par un virus attribué à des transfusions - (1) Présomption de faute - Inapplicabilité en l'espèce - (2) Transfusion à un malade de sang contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine (V - I - H - ) - Caractère fautif du recours à un donneur - Absence en l'espèce.

60-02-01-01-01-02(1), 60-02-01-01-01-02(2) Le dommage subi par un usager d'un établissement hospitalier public ne révèle, par le seul fait qu'il se soit produit, l'existence d'une faute commise à l'occasion des soins qui lui ont été prodigués que dans le cas où, bien que la preuve n'ait pu en être apportée, il a été nécessairement provoqué par une mauvaise organisation et un fonctionnement défectueux du service, compte tenu des connaissances scientifiques et des règles médicales s'imposant à tout praticien à l'époque des faits. Condition non remplie pour la contamination d'un patient par le virus de l'immunodéficience humaine au cours d'une intervention chirurgicale effectuée le 7 septembre 1987.

60-02-01-01-01-02(2) Ne pas avoir utilisé la technique de l'autotransfusion ne constitue pas une faute dès lors que l'administration a pris les précautions qui s'imposaient en l'état des connaissances médicales à l'époque des faits et que les méthodes employées ne laissaient subsister qu'un risque de contamination de l'ordre de 0,003 %.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : M. Rivière
Rapporteur ?: M. Merloz
Rapporteur public ?: Mme Mesnard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1992-10-20;91pa00142 ?
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