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04/02/1992 | FRANCE | N°90PA00784;90PA00790;90PA00859

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 04 février 1992, 90PA00784, 90PA00790 et 90PA00859


VU I) Sous le n° 90PA00784, la requête présentée pour M. Y..., architecte, demeurant ... par la SCP d'avocat BERNARD SUR et MARTIN ; elle a été enregistrée à la cour administrative d'appel de Paris le 28 août 1990 ; M. Y... demande à la cour de prononcer sa mise hors de cause, de prononcer la réformation en ce sens du jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 juillet 1990, de condamner les consorts A... à leur verser en vertu de l'article 1er du décret du 20 septembre 1988 une somme de 15.000 F ;

VU II) Sous le n° 90PA00790, la requête présentée pour la soci

été entreprise FAYOLLE, dont le siège social est à Soisy-sous-Montmore...

VU I) Sous le n° 90PA00784, la requête présentée pour M. Y..., architecte, demeurant ... par la SCP d'avocat BERNARD SUR et MARTIN ; elle a été enregistrée à la cour administrative d'appel de Paris le 28 août 1990 ; M. Y... demande à la cour de prononcer sa mise hors de cause, de prononcer la réformation en ce sens du jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 juillet 1990, de condamner les consorts A... à leur verser en vertu de l'article 1er du décret du 20 septembre 1988 une somme de 15.000 F ;

VU II) Sous le n° 90PA00790, la requête présentée pour la société entreprise FAYOLLE, dont le siège social est à Soisy-sous-Montmorency 95230 ..., par la SCP d'avocat SIRAT, GILLI ; elle a été enregistrée à la cour administrative d'appel de Paris le 27 août 1990 ; la société demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris du 5 juillet 1990 en rejetant la demande dirigée à son encontre ;
2°) en tant que de besoin de condamner la commune de Montmagny à la garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre ;

VU III) sous le n° 90PA00859, la requête et le mémoire ampliatif présentés pour la commune de MONTMAGNY par Me Z... avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés à la cour administrative d'appel de Paris le 24 septembre 1990 et le 12 décembre 1990 ; la commune demande à la cour :
1°) de dire que l'action des consorts A... est prescrite ;
2°) subsidiairement de limiter la condamnation de la commune de MONTMAGNY vis à vis des consorts A... à la somme de 63.942,55 F ;
3°) en toute hypothèse, de maintenir la garantie de la Semeaso pour l'ensemble des condamnations susceptibles d'être mises à la charge de la commune de MONTMAGNY ;
VU les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 21 janvier 1992 :
- le rapport de M. DUHANT, conseiller,
- les observations de Me PUECHAVY, avocat à la cour, substituant Me CONFINO, avocat à la cour, pour les Consorts A..., celles de la SCP SIRAT-GILLI, avocat à la cour, pour les sociétés Semeaso et entreprise Fayolle,
- et les conclusions de M. GIPOULON, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
Sur la prescription quadriennale :
Considérant que la commune de MONTMAGNY soutient que le tribunal a écarté à tort la prescription quadriennale qu'elle avait opposée à la créance des consorts A... ;
Considérant que c'est seulement en raison de l'insolvabilité du concessionnaire que la responsabilité subsidiaire du concédant peut être poursuivie pour des dommages imputables au concessionnaire ; que le délai de la prescription quadriennale dont bénéficie le concédant ne saurait dès lors courir à l'encontre de créanciers du concessionnaire qu'à partir du moment où l'insolvabilité de celui-ci est clairement établie à leur égard ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, nonobstant leur connaissance dès 1977 d'un rapport d'expertise déterminant l'étendue de leur préjudice qui les avait conduit à intenter une action contre le concessionnaire devant les tribunaux judiciaires, les consorts A... ne pouvaient être réputés avoir connaissance de l'insolvabilité du concessionnaire, leur ouvrant une action contre le concédant à titre subsidiaire, qu'à compter, au plus tôt, de la mise en liquidation judiciaire du concessionnaire intervenue le 25 juillet 1981 ; que, dès lors, la commune de MONTMAGNY n'est pas fondée à soutenir que la prescription quadriennale pouvait être opposée à leur action introduite contre elle devant le tribunal administratif de Versailles le 23 décembre 1983 ;
Sur les responsabilités :
Considérant que M. Y... et l'entreprise FAYOLLE soutiennent que les désordres invoqués par les consorts A... ne pouvaient être imputés aux travaux de démolition auxquels ils ont participé pour le compte de la Semeaso, l'un comme architecte et l'autre comme entreprise de démolition comme cela résulte des rapports d'expertise ; que les consorts A... dans leurs conclusions déposées dans le délai d'appel soutiennent que les premiers juges auraient dû condamner les coauteurs des désordres à réparer ceux-ci dans leur intégralité ;
Considérant que tant le rapport de M. X... produit dans le cadre de l'instance judiciaire et qui peut être utilisé à titre d'information, que celui de M. B... produit dans le cadre de l'instance introduite devant le tribunal administratif de Versailles, imputent principalement les désordres à la présence d'une bétonnière qui a déversé pendant la période du chantier de construction des eaux qui se sont infiltrées sous l'immeuble des consorts A... ;

Considérant cependant que ces rapports n'écartent pas expressément toute relation de causalité avec les travaux de démolition et mentionnent même que les travaux ont eu des conséquences sur le sous sol de l'immeuble concerné en raison de l'obturation d'une cave ; que par ailleurs il ressort des pièces versées au dossier et notamment du rapport d'un architecte antérieur aux travaux de reconstruction, que des désordres significatifs étaient visibles qui étaient apparus pendant les travaux de démolition de l'immeuble contigu au fonds des époux A... ; que dans ces conditions les désordres litigieux ne sauraient être imputés au seuls travaux de reconstruction ; qu'en estimant que les travaux de démolition avaient concouru pour un tiers dans la survenance des désordres, les premiers juges ne se sont pas livrés à une appréciation erronée des circonstances de l'espèce ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant que la commune de MONTMAGNY et l'entreprise FAYOLLE soutiennent que le montant de l'indemnité calculé selon les principes posé par le jugement ne saurait excéder la somme de 63.947,55 F ; que les consorts A... contestent l'abattement de vétusté de 30 % retenu par les premiers juges ;
Considérant qu'il n'est pas établi par les débiteurs que les réparations étaient en partie imputables à l'état du bâtiment ou qu'elles étaient de nature à permettre, en cas de location, des revenus sensiblement supérieurs à ceux qui auraient pu être perçus antérieurement aux désordres ; que dès lors les consorts A... sont fondés à soutenir qu'aucun abattement de vétusté ne pouvait être retenu ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réformer sur ce point le jugement du tribunal administratif de Versailles, de fixer, compte tenu du partage de responsabilités précédemment effectué, l'indemnité à 95.824 F toutes taxes comprises compte tenu des erreurs de calcul justement invoquées par les appelants et de la non prise en compte de la plus-value retenue par l'expert que le tribunal n'avait pas déduite avant d'appliquer l'abattement de 30 % et de condamner l'entreprise FAYOLLE, la Semeaso, M. Y... et la commune de MONTMAGNY à payer conjointement et solidairement ladite indemnité aux consorts A... ;
Considérant que si ces derniers invoquent, en raison de la lenteur de la procédure, la méconnaissance des dispositions de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen reste sans influence sur le montant de l'indemnité qu'ils peuvent réclamer aux auteurs des dommages ;
Sur les appels en garanties :
Sur l'appel incident de la Semeaso et de son assureur la société d'Assurances Mutuelles contestant la condamnation de la Semeaso à garantir la commune de MONTMAGNY ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des appels :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention de concession passée le 11 avril 1962 entre la commune de MONTMAGNY et la Semeaso, le concessionnaire exécutait "sous sa seule responsabilité" les opérations de démolition ; que la commune de MONTMAGNY est fondée à opposer ces dispositions à la Semeaso en l'absence de l'invocation d'un cas de force majeure ou d'une faute lourde qui lui serait imputable, dès lors que la seule mise en liquidation judiciaire de la société concessionnaire n'est pas de nature à interrompre les relations contractuelles et qu'il n'est pas établi par les pièces versées au dossier que la concession aurait pris fin dans les conditions prévues par l'article 17 de la convention susmentionnée, à la date de l'introduction de l'instance devant le tribunal administratif ;
Sur l'appel de l'entreprise FAYOLLE contestant le rejet de son appel en garantie contre la commune de MONTMAGNY :
Considérant que l'entreprise FAYOLLE soutient que la commune de MONTMAGNY, concédante, devait la garantir en raison de l'insolvabilité du concessionnaire dès lors qu'aucune faute ne pouvait lui être imputée dans les opérations de démolition menées pour le compte de ce dernier ;
Considérant que la responsabilité du concédant qui n'a pas pris part aux opérations de démolition ne peut être recherchée à titre subsidiaire qu'en cas d'insolvabilité du concessionnaire ; que cette responsabilité subsidiaire peut être poursuivie en raison de toutes les obligations que l'insolvabilité du concessionnaire ne lui permet pas d'assumer ; qu'elle peut donc être recherchée dans le cadre de l'appel en garantie que l'entreprise chargée de la démolition peut diriger contre le concessionnaire qui l'a chargée d'effectuer les travaux ;
Considérant qu'à défaut de toute faute imputée à l'entreprise de démolition, celle-ci est fondée à demander la garantie du concessionnaire qui lui a imposé les travaux de démolition qui sont partiellement à l'origine des désordres ; qu'en raison de l'insolvabilité du concessionnaire elle peut demander que la ville concédante la garantisse à titre subsidiaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'entreprise FAYOLLE est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté son appel en garantie contre la commune de MONTMAGNY ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu de porter à 20.000 F, la somme accordée par les premiers juges aux consorts A... et, dans les circonstances de l'espèce de rejeter les autres demandes présentées sur le fondement de cet article ;
Article 1er : La somme que la commune de MONTMAGNY, la Semeaso, l'entreprise FAYOLLE et M. Y... ont été condamnés à payer conjointement et solidairement aux consorts A..., par le tribunal administratif de Versailles, en raison des désordres subis par leur immeuble est portée à 95.824 F et celle qu'elles ont été condamnées à payer au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à 20.000 F.
Article 2 : La commune de MONTMAGNY est condamnée à garantir l'entreprise FAYOLLE de toute condamnation.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 juillet 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes et les appels incidents et provoqués sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 90PA00784;90PA00790;90PA00859
Date de la décision : 04/02/1992
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITE PUBLIQUE - DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE - REGIME DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1968 - POINT DE DEPART DU DELAI - Dettes d'une collectivité publique à l'égard de ses cocontractants et de leurs créanciers - Concédant poursuivi en raison de l'insolvabilité du concessionnaire - Délai de prescription à l'encontre des créanciers du concessionnaire courant du moment où son insolvabilité est connue d'eux.

18-04-02-04 Le délai de la prescription quadriennale dont bénéficie le concédant poursuivi en raison de l'insolvabilité du concessionnaire, pour des dommages imputables à ce dernier, ne saurait courir à l'encontre de créanciers du concessionnaire qu'à partir du moment où l'insolvabilité de celui-ci est clairement établie à leur égard.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - ACTIONS EN GARANTIE - Action en garantie de l'entrepreneur contre le maître de l'ouvrage - Entreprise solidairement condamnée à réparer avec le concédant - le concessionnaire et l'architecte des dommages liés à l'exécution d'une concession de travaux publics - a) Garantie du concessionnaire accordée à l'entreprise à laquelle aucune faute n'est imputée - b) Insolvabilité du concessionnaire appelé en garantie - Garantie subsidiaire du concédant - Délai de prescription quadriennale à l'encontre des créanciers du concessionnaire courant du moment où son insolvabilité est connue d'eux.

39-06-01-06 Une entreprise de démolition est solidairement condamnée avec le concédant, le concessionnaire et l'architecte à réparer les désordres survenus à l'occasion d'un chantier. A défaut de toute faute imputable à l'entreprise, celle-ci est fondée à demander la garantie du concessionnaire qui lui a imposé les travaux de démolition partiellement à l'origine des désordres. En raison de l'insolvabilité du concessionnaire, elle peut demander que la ville concédante la garantisse à titre subsidiaire. Le délai de la prescription quadriennale dont bénéficie le concédant poursuivi en raison de l'insolvabilité du concessionnaire, pour des dommages imputables à ce dernier, ne saurait courir à l'encontre de créanciers du concessionnaire qu'à partir du moment où l'insolvabilité de celui-ci est clairement établie à leur égard.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : M. Lévy
Rapporteur ?: M. Duhant
Rapporteur public ?: M. Gipoulon

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1992-02-04;90pa00784 ?
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