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23/07/1991 | FRANCE | N°89PA02832

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 23 juillet 1991, 89PA02832


VU l'ordonnance en date du 6 octobre 1989, enregistrée au greffe de la cour le 27 octobre 1989, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la société des pétroles "SHELL" ;
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 7 juin et 3 juillet 1989, présentés pour la société des pétroles "SHELL", anciennement société "Shell française" prise e

n la personne de ses représentants légaux, par Me X..., avocat au Conseil...

VU l'ordonnance en date du 6 octobre 1989, enregistrée au greffe de la cour le 27 octobre 1989, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la société des pétroles "SHELL" ;
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 7 juin et 3 juillet 1989, présentés pour la société des pétroles "SHELL", anciennement société "Shell française" prise en la personne de ses représentants légaux, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n° 8802728/7 du 20 mars 1989 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'industrie des postes et télécommunications et du tourisme en date du 6 août 1987 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20.700.000 F avec intérêts de droit ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi du 30 mars 1928, modifiée, relative au régime d'importation du pétrole ;
VU le code des douanes ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 9 juillet 1991 :
- le rapport de Mme JEANGIRARD-DUFAL, président-rapporteur,
- les observations de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société anonyme "SHELL",
- et les conclusions de Mme MESNARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par lettre du 6 août 1987, le ministre de l'industrie des postes et télécommunications et du tourisme a informé la société "SHELL française" que l'accroissement des importations de pétrole brut en provenance d'Iran n'était pas compatible avec l'état actuel des relations entre la France et l'Iran et lui a demandé, "au nom du gouvernement, de ne plus faire entrer sur le territoire national à partir de maintenant du pétrole ou des produits pétroliers iraniens" ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la société "SHELL" tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice que lui aurait causé cette décision ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la lettre du 6 août 1987 :
Considérant qu'aux termes de l'article R.83 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat ressortit à la compétence d'une juridiction administrative, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ou pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions" ;
Considérant que les conclusions tendant à l'annulation de la lettre du 6 août 1987 ressortissent au contentieux de l'excès de pouvoir et que la cour administrative d'appel n'est donc pas compétente pour en connaître ; que cependant, la demande présentée par la société "SHELL" devant le tribunal administratif de Paris tendait uniquement à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'industrie des postes et télécommunications et du tourisme à la demande d'indemnité formée par la société et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 20.700.000 F ; qu'ainsi les conclusions susvisées, présentées pour la première fois en appel, sont manifestement irrecevables ; que, dès lors, il y a lieu pour la cour, en application de l'article R.83 précité, de rejeter ces conclusions ;
Sur la responsabilité pour faute :

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la loi du 30 mars 1928, modifiée et complétée notamment par les lois du 14 avril 1932 et du 11 mars 1953, les décrets du 8 août 1935, du 2 février 1955, du 28 décembre 1979 et du 27 mars 1987, que les pouvoirs que ces textes confèrent au gouvernement ont pour but d'assurer, dans l'intérêt de la défense et de l'économie nationale, un contrôle étroit sur l'activité des entreprises qui se livrent à l'importation de produits pétroliers en France ; que ce contrôle s'exerce au moyen d'autorisations spéciales délivrées après avis de la commission prévue à l'article 2 de la loi du 30 mars 1928 ; que l'article 3 b de cette loi modifiée prévoit qu'en cours d'autorisation, et sous réserve que les titulaires en soient avisés un mois à l'avance, un arrêté interministériel pris après avis de la commission prévue à l'article 2 de la même loi peut modifier le montant maximum des importations autorisées, jusqu'à concurrence d'un cinquième en plus ou en moins ; que cette procédure ne saurait faire obstacle à ce que, eu égard au but en vue duquel, ainsi qu'il est dit ci-dessus, le contrôle susmentionné a été établi, le ministre chargé des hydrocarbures prenne à l'égard des importateurs, même dans le silence des textes, des mesures individuelles en fonction de la situation internationale, pour limiter provisoirement l'autorisation d'importation, laquelle ne crée pas de droit au maintien des conditions d'exploitation pendant toute la durée prévue ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'allègue la société, la lettre du 6 août 1987 n'a pas été prise en violation de la loi du 30 mars 1928 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 21 du code des douanes : "En cas de mobilisation, en cas d'agression manifeste mettant le pays dans la nécessité de pourvoir à sa défense, en période de tension extérieure lorsque les circonstances l'exigent, le gouvernement peut réglementer ou suspendre l'importation et l'exportation de certaines marchandises, par décrets pris en conseil des ministres. Ces décrets sont pris sur la proposition du ministre chargé de l'organisation économique de la nation pour le temps de guerre." ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 30 mars 1928 relative au régime d'importation du pétrole : "L'importation en gros du pétrole brut, de ses dérivés et résidus sera effectuée sous le contrôle de l'Etat, soit sous le régime de l'autorisation instituée par la loi du 10 janvier 1925, soit sous le régime de l'autorisation spéciale définie par les articles ci-après" ; qu'ainsi l'importation de pétrole se trouve placée sous un régime dérogatoire au droit commun des importations ; que la mesure prise le 6 août 1987 en application des pouvoirs conférés à l'administration par la loi du 30 mars 1928 n'avait donc pas à être prise selon la procédure de droit commun de limitation des importations prévue à l'article 21 du code des douanes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a estimé que la lettre du 6 août 1987 n'était pas entachée d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur la responsabilité sans faute :

Considérant que la société des pétroles "SHELL" ne pouvait ignorer, lors de la signature, le 18 juin 1987, des contrats de fourniture de pétrole brut avec l'Iran, les aléas que pouvait rencontrer la livraison de ces cargaisons, eu égard à l'évolution de la situation internationale qui devait aboutir, le 17 juillet 1987, à la rupture des relations diplomatiques entre la France et l'Iran ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée à son égard même en l'absence de faute, du fait de la décision du 6 août 1987 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société des pétroles "SHELL" ne peut qu'être rejetée ;
Article 1er : La requête de la société des pétroles "SHELL" est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA02832
Date de la décision : 23/07/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES ACTIVITES ECONOMIQUES - ACTIVITES SOUMISES A REGLEMENTATION - AUTRES ACTIVITES - Importation de produits pétroliers - Limitation provisoire de l'autorisation d'importation - Légalité (1).

14-02-01-07, 14-07-01 Il résulte de la loi du 30 mars 1928 modifiée que le Gouvernement détient le pouvoir d'assurer dans l'intérêt de la défense et de l'économie nationales, au moyen d'autorisations spéciales, un contrôle étroit sur l'activité des entreprises qui se livrent à l'importation de produits pétroliers. Eu égard au but en vue duquel ce contrôle a été établi, le ministre chargé des hydrocarbures est autorisé, même dans le silence des textes, à prendre envers un importateur une mesure individuelle en fonction de la situation internationale, pour limiter provisoirement l'autorisation d'importation accordée, laquelle ne crée pas de droit au maintien des conditions d'exploitation pendant toute la durée prévue.

- RJ1 COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - COMMERCE EXTERIEUR - IMPORTATIONS - Importations soumises à autorisation - Importation de produits pétroliers - Limitation provisoire de l'autorisation d'importation - Légalité (1).


Références :

Code des douanes 21
Code des tribunaux administratifs R83
Décret du 08 août 1935
Loi du 30 mars 1928 art. 2, art. 3, art. 1
Loi du 14 avril 1932
Loi 53-177 du 11 mars 1953

1.

Rappr. CE, Assemblée, 1964-06-19, Société des pétroles Shell-Berre et autres, Société "les garages de France", Société Esso-Standard, société Mobil-Oil Française, Société Française des Pétroles BP, p. 344


Composition du Tribunal
Président : M. Marlier
Rapporteur ?: Mme Jeangirard-Dufal
Rapporteur public ?: Mme Mesnard

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1991-07-23;89pa02832 ?
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