VU l'ordonnance en date du 30 janvier 1989 par laquelle le président de la 6ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour Mme Y... ;
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 février et 24 juin 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Anne Y... née X..., demeurant ... (La Réunion) par la SCP DESACHE-GATINEAU, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 18 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion l'a condamnée à faire démolir un mur et à verser une amende de 1.200 F pour contravention de grande voirie ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code du domaine de l'Etat ;
VU l'ordonnance sur la marine d'août 1681 ;
VU la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963 ;
VU la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ;
VU la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 ;
VU le décret du 13 janvier 1922 ;
VU le décret n° 55-885 du 30 juin 1955 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juillet 1991 :
- le rapport de Mme JEANGIRARD-DUFAL, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme MESNARD, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme Y..., née X..., propriétaire puis usufruitière d'une parcelle sise en bordure de mer sur la commune de Saint-Paul, au lieu-dit Saint-Gilles-les-Bains, sur la côte ouest de l'île de la Réunion, a fait l'objet d'un procès-verbal de contravention de grande voirie le 29 juillet 1985 pour avoir contrevenu aux dispositions de l'article L.28 du code du domaine de l'Etat en occupant, par l'édification d'une clôture, le domaine public ;
Sur la condamnation à l'amende :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie : "Sont amnistiées les contraventions de grande voirie lorsqu'elles ont été commises avant le 22 mai 1988" ; qu'à la suite du procès-verbal de contravention de grande voirie qui a été dressé le 29 juillet 1985 à l'encontre de Mme Y..., le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion l'a condamnée à une amende de 1.200 F ; qu'il ne ressort pas de l'instruction que Mme Y... ait acquitté le montant de cette amende avant la publication de la loi d'amnistie ; que, par suite, la requête de Mme Y... est devenue sans objet en tant qu'elle est dirigée contre ladite condamnation ;
Sur la condamnation à la remise en état du domaine public :
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la clôture se trouverait édifiée sur la propriété de la requérante :
Considérant que Mme Y... soutient que la clôture litigieuse aurait été construite sur sa propriété, sur la limite basse de la zone des cinquante pas géométriques qui la définit ;
Considérant qu'il ressort de l'instruction que la parcelle de Mme Y..., issue de la zone des cinquante pas géométriques et acquise, en application du décret du 13 janvier 1922 par M. A..., a été revendue le 27 décembre 1926 à M. X..., père de la requérante, par un acte aux termes duquel cette parcelle, "d'environ 70 m de largeur, est bornée à l'est par la voie ferrée, à l'ouest par le rivage de la mer, au nord par M. Z... et au sud par le surplus du terrain du vendeur" ; que l'acte de propriété de Mme Y..., en date du 8 juillet 1947, mentionne cette même largeur de 70 m ; que l'acte de donation en date du 31 décembre 1982 indique comme contenance de cette parcelle 3.631 m2 ; que, compte tenu de cette surface et de la largeur de 70 m, et en admettant même que celle-ci se soit trouvée réduite à 68,50 m du fait de la création, côté sud, d'un chemin d'accès à la plage, la dimension de la parcelle de Mme Y... dans le sens est-ouest, soit de l'emprise du chemin de fer au rivage, ne pouvait excéder une cinquantaine de mètres ; que ces dimensions d'environ 50 et 70 m sont celles qui figurent sur les relevés des pas géométriques dressés en 1878 ; que ces dimensions n'ont pu se trouver modifiées par le retrait de la mer ; qu'il résulte de la superposition du plan des pas géométriques, seule zone sur laquelle Mme Y... ait établi un droit de propriété, et de l'emprise actuelle de la parcelle close par la requérante, que cette parcelle dépasse la limite basse des pas géométriques vers le rivage, et que la clôture édifiée en 1985 se situe donc sur un terrain n'appartenant pas à Mme Y... mais à la collectivité publique ;
Considérant que ni la circonstance qu'une clôture sommaire aurait déjà été implantée par M. X... à cet emplacement, ni celle que cette clôture se trouverait dans l'alignement de celles des voisins, ni celle que des plantations de filaos âgés de trente ans recouvriraient cette zone ne sont de nature à établir que la propriété de Mme Y... se serait étendue au-delà de la limite précitée ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le terrain litigieux n'appartiendrait pas au domaine public :
Considérant que la zone sur laquelle est édifiée la clôture litigieuse, située au-dessus de la limite des plus hautes eaux et donc non incluse dans le domaine public naturel, correspond à des lais et relais de la mer ; que, comme telle, elle appartenait, avant l'intervention de la loi du 3 janvier 1986, au domaine privé de l'Etat ; que cependant, l'ensemble des terrains sableux situés entre la limite basse des cinquante pas géométriques, limite des propriétés privées, et la mer a toujours été utilisé comme plage publique et qu'un chemin d'accès à cette plage a été aménagé le long de la parcelle de Mme Y... ; qu'ainsi cette zone, affectée à l'usage du public et aménagée en conséquence, faisait à la date du procès-verbal, en totalité partie du domaine public ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis, qui n'a pas statué selon une procédure irrégulière, l'a condamnée à la démolition du mur édifié dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement avec autorisation d'y procéder d'office donnée à l'administration à défaut d'exécution ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre l'amende à laquelle le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a condamné Mme Y....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.