VU la requête présentée par le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; elle a été enregistrée au greffe de la cour le 5 mai 1989 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 9 décembre 1988 en tant que celui-ci a réduit d'une somme de 618.395 F la base de l'imposition sur les profits de construction à laquelle la société civile immobilière "Villiot 21" a été assujettie par avis de mise en recouvrement du 13 octobre 1982 ;
2°) de remettre l'imposition contestée à la charge de la contribuable ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience du 14 février 1991 :
- le rapport de M. GENESTE, conseiller,
- les observations de Me Francis BEER, avocat à la cour, pour la société civile immobilière "Villiot 21",
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET, forme appel du jugement du 9 décembre 1988 du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci a accordé à la société civile immobilière "Villiot 21" la décharge de l'imposition prévue à l'article 235 quater I du code général des impôts assise sur une somme de 618.395 F versée par la contribuable à un conseil immobilier ; que, par la voie de l'appel incident, la société demande, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, que l'imposition soit établie conformément aux instructions des 12 novembre 1973, 8 août 1975 et 25 juin 1982 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'après avoir constaté que la requête dont il était saisi était devenue sans objet à concurrence d'un dégrèvement de 36.504 F prononcé en cours d'instance, le tribunal administratif a omis, dans le dispositif de son jugement, de décider qu'il n'y avait lieu de statuer, dans cette limite, sur les conclusions dont il était saisi ; qu'il y a lieu d'annuler sur ce point le jugement du tribunal administratif, d'évoquer et de décider qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande devenues sans objet au cours de la procédure de première instance ;
Sur l'appel principal :
Considérant que la société civile immobilière "Villiot 21" avait, par convention conclue le 17 octobre 1974 avec un conseil immobilier, chargé celui-ci de négocier avec les occupants des immeubles sis ..., où elle envisageait de construire, les conditions de leur départ ; que cette convention stipulait que le conseil immobilier se chargeait de l'éviction des occupants par tout moyen à sa convenance ; que le coût des évictions était à la charge de la société, mais pour un montant maximum de 930.000 F ; que la convention stipulait encore que les règlements seraient effectués soit directement par chèques versés aux occupants par la société civile immobilière, soit par la remise de fonds au conseil immobilier qui en assurerait le paiement, sous sa responsabilité, pour le compte de la société civile immobilière ; que la rémunération du conseil immobilier était fixée à un montant forfaitaire de 30.000 F ; qu'enfin il était convenu que le coût global des dépenses exposées serait établi après la dernière éviction et que, dans le cas où ce coût serait inférieur à 930.000 F, la différence serait versée au conseil immobilier, contre remise d'une note d'honoraires, à titre de complément de rémunération pour ses peines et soins ; qu'en cas de dépassement du chiffre de 930.000 F, le conseil immobilier, qui garantissait le relogement de l'ensemble des occupants, s'engageait à prendre à sa charge le coût supplémentaire sans pouvoir réclamer une somme quelconque à la société civile immobilière ;
Considérant que le coût global des évictions s'étant élevé, selon un décompte arrêté entre les parties le 10 mars 1977, à 904.430 F, une somme de 55.570 F a, conformément aux stipulations susanalysées, été versée au conseil immobilier à titre d'honoraires ; que si le vérificateur a admis la déduction des sommes versées directement aux occupants par la société civile immobilière, le litige porte sur la réintroduction dans les bases imposables d'une somme de 618.395 F correspondant à des chèques au porteur remis par la société civile immobilière au conseil immobilier au titre de l'éviction de certains des occupants et dont il est établi qu'ils n'ont pas été reversés à ceux-ci ;
Considérant que les sommes versées au conseil immobilier et qui n'ont pas été rétrocédées par lui rémunérent l'intervention d'un intermédiaire et présentent ainsi le caractère d'honoraires ;
Considérant qu'aux termes de l'article 240 du code général des impôts : "1. Les chefs d'entreprise ... qui, à l'occasion de l'exercice de leur profession, versent à des tiers ne faisant pas partie de leur personnel salarié des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes dans les conditions prévues aux articles 87 et 89, lorsqu'elles dépassent 300 F pour le même bénéficiaire" ; qu'en vertu de l'article 238 du même code, les contribuables visés à l'article 240-1 qui n'ont pas déclaré les sommes ci-dessus perdent le droit de les porter dans leurs frais professionnels pour l'établissement de leurs propres impositions ; qu'enfin aux termes du quatrième alinéa du l de l'article 235 quater du code, le prélèvement sur les profits de construction "s'impute sur le montant de l'impôt sur le revenu dû par le cédant au titre de l'année de la réalisation des plus-values" ; qu'il résulte de cette disposition que le prélèvement a le caractère d'un acompte soumis aux règles particulières de liquidation de l'impôt sur le revenu dont le contribuable est redevable à raison de l'ensemble des revenus dont il a eu la disposition au cours de l'année concernée ; qu'il suit de là que les dispositions précitées des articles 238 et 240.1 du code sont applicables à la détermination de la base d'imposition au prélèvement sur les profits de construction ;
Considérant qu'il est constant que la société s'est abstenue de déclarer les honoraires litigieux dans les conditions fixées par les dispositions précitées ; qu'en application des mêmes dispositions, le service était fondé à introduire lesdites sommes dans les bases imposables ; qu'il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a réduit d'une somme de 618.395 F la base de l'imposition sur les profits de construction ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société civile tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Considérant que, bien que les personnes interrogées n'aient pas été soumises au droit de communication prévu aux articles 1987 et 1991 du code général des impôts alors en vigueur, l'administration était en droit, dès lors qu'elle ne leur imposait pas l'obligation de répondre à ses demandes, de demander aux locataires évincés de l'immeuble dont la reconstruction était l'objet social de la demanderesse, des informations sur la nature des sommes perçues par eux à l'occasion de leur relogement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société civile immobilière "Villiot 21" avait connaissance, avant la notification des redressements, des résultats de l'enquête à laquelle le vérificateur a procédé en juin 1977 auprès des locataires ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure d'imposition aurait été méconnue ;
Sur l'appel incident :
Considérant, en premier lieu, que les instructions de la direction générale des impôts des 12 novembre 1973 et 8 août 1975 relatives aux profits immobiliers réalisés par les entreprises, qui comportent une interprétation formelle de la loi fiscale, ont admis que les sociétés civiles immobilières liquident le prélèvement du tiers de l'impôt sur une assiette réduite de moitié à raison de la part revenant à des entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ; que, toutefois, cette faculté était subordonnée à l'engagement des entreprises participantes de placer les produits correspondants sous le régime spécial et d'acquitter personnellement, en cas de défaillance, le complément de prélèvement assorti des intérêts de retard correspondants ;
Considérant que la demanderesse a produit, devant les premiers juges, les engagements, exigés par les instructions invoquées, pour deux de ses associés ; qu'il n'est pas contesté que celles-ci ont été exactement appliquées pour la part revenant aux associés dont il s'agit ; que le moyen doit, par suite, dans cette limite, être écarté ; que, pour le surplus, la société, qui n'a pas produit les engagements exigés, n'est pas fondée à demander l'application des instructions invoquées ;
Considérant, en second lieu, que l'instruction de la direction générale des impôts du 25 juin 1982 relative au prélèvement de 50 % sur certains profits de construction, qui comporte une interprétation formelle de la loi fiscale, a admis de ne pas poursuivre le recouvrement du prélèvement sur les profits de construction assis sur la part de profits revenant aux entreprises de construction de logement globalement déficitaires avant toute application du régime simplifié prévu à l'article 209 quater A ; que, toutefois, le bénéfice de cette mesure était subordonné à la justification que la part du profit correspondant aux droits de l'entreprise a bien été prise en compte pour la détermination du résultat déficitaire de cette dernière ; que la société civile immobilière, qui n'a pas davantage produit les justificatifs exigés, n'est pas fondée à demander que le montant de l'imposition soit déterminé par application de l'instruction dont il s'agit ;
Considérant que, de l'ensemble de ce qui précède, il résulte que la société civile immobilière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté le surplus de sa demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 9 décembre 1988 est annulé en tant qu'il a statué sur le dégrèvement prononcé d'office par le directeur des services fiscaux.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande présentée par la société civile immobilière "Villiot 21" devant le tribunal administratif de Paris dans la limite de la somme de 36.504 F.
Article 3 : La base de l'imposition sur les profits de construction à laquelle a été assujettie la société civile immobilière "Villiot 21" au titre de l'année 1979 est fixée en y incluant la somme de 618.395 F.
Article 4 : Le prélèvement sur les profits de construction, au titre de l'année 1979, calculé conformément aux bases définies à l'article 3, est remis à la charge de la société civile immobilière "Villiot 21".
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 9 décembre 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 3 et 4.
Article 6 : Les conclusions présentées par la société civile immobilière "Villiot 21" sont rejetées.