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20/06/1989 | FRANCE | N°89PA00373

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Pleniere, 20 juin 1989, 89PA00373


Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par M. X... ; Vu, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 11 août et 18 novembre 1986, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. Antoine X..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de son épouse et de leur fils mineur Ludovic, dem

eurant ..., par la S.C.P. LYON-CAEN, FABIANI, LIARD, avocat au C...

Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par M. X... ; Vu, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 11 août et 18 novembre 1986, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. Antoine X..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de son épouse et de leur fils mineur Ludovic, demeurant ..., par la S.C.P. LYON-CAEN, FABIANI, LIARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 13353/4 - 36088/4 en date du 24 avril 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Administration générale de l'assistance publique à Paris soit déclarée responsable de l'accident anesthésique dont Mme Gisèle X... a été victime le 27 février 1980 à l'hôpital Paul Brousse et condamnée à lui verser une indemnité ; 2°) de déclarer l'Administration générale de l'assistance publique à Paris responsable de l'accident susmentionné et de la condamner à lui verser une indemnité de 1.733.665 F, augmentée des intérêts et des intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le décret du 26 octobre 1849, modifié par le décret du 25 juillet 1960 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 6 juin 1989 :
- le rapport de Mme MESNARD, conseiller ;
- les observations de Maître Z..., substituant la S.C.P. LYON-CAEN, FABIANI, avocat de M. X..., celles de Maître FOUSSARD, avocat de l'Administration générale de l'assistance publique à Paris, et celles de la S.C.P. DESACHE-GATINEAU, avocat de la caisse régionale d'assurance-maladie de l'Ile-de-France et de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise ;
- et les conclusions de M. ARRIGHI de CASANOVA commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le moyen tiré par le requérant de l'irrégularité du jugement attaqué n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier la portée ; qu'il ne peut, par suite, qu'être écarté ;
Sur la régularité de l'expertise effectuée par le docteur Y... :
Considérant que l'expert, s'il a recueilli l'avis d'un tiers, ne s'est pas borné à entériner cet avis ; qu'ainsi, l'Administration générale de l'assistance publique à Paris n'est pas fondée à demander que son rapport soit écarté pour irrégularité ; Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 680 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits : "Les hôpitaux peuvent être autorisés, dans les limites et conditions prévues par décret en Conseil d'Etat : ... 2°) A réserver des lits pour la clientèle personnelle des médecins, chirurgiens, spécialistes de l'établissement lorsque ceux-ci lui consacrent toute leur activité professionnelle et à permettre à ces praticiens de recevoir en consultation des malades qui leur sont adressés personnellement" ; qu'il résulte de ces dispositions que les actes accomplis par les médecins, chirurgiens et spécialistes au profit des malades hospitalisés dans le secteur privé le sont en dehors de l'exercice des fonctions hospitalières, que les rapports qui s'établissent entre les malades hospitalisés dans ces conditions et les médecins, chirurgiens et spécialistes appelés à leur donner des soins relèvent du droit privé, et que l'hôpital ne saurait être rendu responsable des dommages causés à de tels malades qu'au cas où il est établi que ces dommages ont pour cause un mauvais fonctionnement résultant soit d'une mauvaise installation des locaux, soit d'un matériel défectueux, soit d'une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l'hôpital mis à la disposition des médecins, chirurgiens et spécialistes ;
Considérant que Mme X..., hospitalisée dans le secteur privé du service de chirurgie digestive de l'hôpital Paul BROUSSE à Villejuif, dépendant de l'Administration générale de l'assistance publique à Paris, a été victime, au cours de l'anesthésie dont elle a été l'objet le 27 février 1980 en vue de subir une opération de la vésicule biliaire, d'un collapsus circulatoire ayant entraîné une anoxie cérébrale, cause de graves séquelles puis du décès de la malade ; que les conséquences dommageables de ce collapsus sont imputées par le requérant tant à un défaut d'organisation et de fonctionnement du service public hospitalier qu'à des fautes lourdes d'ordre médical qui auraient été commises par le médecin ayant pratiqué l'anesthésie ;

En ce qui concerne la mise en jeu de la responsabilité de l'Administration générale de l'assistance publique à Paris à raison d'une organisation et d'un fonctionnement défectueux du service public hospitalier :
Considérant que les différentes mesures d'instruction auxquelles il a été procédé en première instance ne permettent pas d'établir que les conséquences dommageables de l'accident anesthésique dont Mme X... a été victime ont eu pour cause un défaut d'organisation du service public hospitalier ou un fonctionnement défectueux de celui-ci, résultant soit d'une mauvaise installation des locaux, soit d'un matériel défectueux, soit d'une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l'hôpital mis à la disposition des médecins, chirurgiens et spécialistes ; qu'ainsi, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant, de ce chef, à la mise en jeu de la responsabilité de l'Administration générale de l'assistance publique à Paris ;
En ce qui concerne la mise en jeu de la responsabilité de l'Administration générale de l'assistance publique à Paris à raison des fautes lourdes d'ordre médical qui auraient été commises par le médecin ayant pratiqué l'anesthésie :
Considérant qu'aux termes de l'article 34 ajouté au décret du 26 octobre 1849 par l'article 6 du décret du 25 juillet 1960 portant réforme de la procédure des conflits d'attribution : "Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre saisie du même litige, si elle estime que ledit litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par un jugement motivé qui n'est susceptible d'aucun recours, même en cassation, renvoyer au tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal" ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les actes médicaux accomplis par les médecins, chirurgiens et spécialistes au profit des malades hospitalisés dans le secteur privé le sont en dehors de l'exercice des fonctions hospitalières et que les rapports qui s'établissent entre les malades hospitalisés dans ces conditions et les médecins, chirurgiens et spécialistes appelés à leur donner des soins relèvent du droit privé ; que, dans ces conditions, il apparaît que le litige né de conclusions de la demande de M. X... tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l'Administration générale de l'assistance publique à Paris à raison de fautes lourdes d'ordre médical qui auraient été commises par l'anesthésiste ressortit, bien que lesdites conclusions ne soient pas dirigées contre le médecin lui-même, à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Mais considérant qu'il résulte de l'instruction que, par ordonnance du 4 février 1981, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a, à l'occasion du même litige, écarté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, en tant qu'elles concernaient le médecin anesthésiste, les conclusions de la requête à fin d'expertise dont il était saisi par M. X... ;
Considérant qu'il convient, dans ces conditions et par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849, de renvoyer au tribunal de conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal ;
Article 1er : En tant qu'elle concerne la mise en jeu de la responsabilité de l'Administration générale de l'assistance publique à Paris à raison des fautes lourdes d'ordre médical qui auraient été commises par le médecin ayant pratiqué l'anesthésie dont Mme X... a été l'objet le 27 février 1980 à l'hôpital Paul BROUSSE à Villejuif, l'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête de M. X... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 24 avril 1986 en tant qu'il rejette les conclusions de sa demande relatives à la mise en jeu de la responsabilité de l'Administration générale de l'assistance publique à raison des fautes lourdes qui auraient été commises par le médecin ayant pratiqué l'anesthésie dont Mme X... a été l'objet jusqu'à ce que le tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître d'un tel litige.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89PA00373
Date de la décision : 20/06/1989
Sens de l'arrêt : Sursis à statuer renvoi au tribunal des conflits
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 - RJ2 COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - CONFLITS DE COMPETENCE - TRIBUNAL DES CONFLITS - SAISINE SUR RENVOI D'UNE JURIDICTION - PREVENTION DES CONFLITS NEGATIFS - Risque de conflit négatif - Existence - Identité de litige - Action en responsabilité à raison de fautes imputées à un médecin exerçant dans le secteur privé d'un hôpital - alors même que la juridiction administrative a été saisie de conclusions dirigées contre l'hôpital - et la juridiction judiciaire contre le médecin (1) (2).

17-03-03-02-005, 54-09-02 Les actes médicaux accomplis au profit des malades hospitalisés dans le secteur privé des hôpitaux publics le sont en dehors de l'exercice, par les praticiens appelés à leur donner des soins, de fonctions hospitalières, et les rapports qui s'établissent dans ces conditions entre les malades et les médecins relèvent du droit privé. Par suite, incompétence de la juridiction administrative pour connaître d'une demande fondée sur des fautes imputées au médecin anesthésiste, alors même que les conclusions sont dirigées contre l'établissement public et non contre le médecin. Dès lors que l'autorité judiciaire, saisie d'une action dirigée contre le médecin, a précédemment décliné sa propre compétence pour connaître d'une demande ayant le même objet, la juridiction administrative doit renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence en application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849.

- RJ1 - RJ2 PROCEDURE - TRIBUNAL DES CONFLITS - CONFLIT NEGATIF - Conditions du conflit négatif - Identité de litige - Notion (1) (2).


Références :

Code de la santé publique L680
Décret du 26 octobre 1849 art. 34
Décret 60-728 du 25 juillet 1960 art. 6

1.

Cf. TC, 1957-03-25, Gohin, p. 815 ;

Cf. TC, 1979-03-19, Babsky, p. 563. 2. Arrêt confirmé sur l'identité de litige mais infirmé sur la compétence par TC, 1990-02-19, Hervé, p. 390.


Composition du Tribunal
Président : M. Rivière
Rapporteur ?: Mme Mesnard
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1989-06-20;89pa00373 ?
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