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20/06/1989 | FRANCE | N°89PA00257

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Pleniere, 20 juin 1989, 89PA00257


Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour Mme Germaine Y... et Melle Augustine Y... ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 22 mai 1987 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la S.C.P. Nicolay, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour Mm

e Y..., agissant tant en son nom personnel, qu'en qualité d'hériti...

Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour Mme Germaine Y... et Melle Augustine Y... ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 22 mai 1987 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la S.C.P. Nicolay, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour Mme Y..., agissant tant en son nom personnel, qu'en qualité d'héritière de sa fille Geneviève X... et de tutrice légale de sa fille majeure Isabelle X..., et pour Melle Augustine Y..., demeurant ... ; celles-ci demandent :
1°) d'annuler le jugement n° 42215/4 - 42491/4 du tribunal administratif de Paris du 22 mai 1986 condamnant l'administration générale de l'assistance publique à Paris à leur verser des indemnités qu'elles estiment insuffisantes à raison des fautes commises au préjudice de Melle Geneviève X..., décédée le 16 avril 1981, à l'occasion des soins dont elle a fait l'objet à l'hôpital Ambroise Paré à Boulogne-Billancourt,
2°) de condamner l'Administration générale de l'assistance publique à Paris à leur verser des indemnités s'élevant globalement à 4.110.000 F, augmentées des intérêts et des intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 6 juin 1989 :
- le rapport de Mme Mesnard, conseiller ;
- Les observations de la S.C.P. Nicolay, avocat de Mme et Melle Y..., et de Me Foussard, avocat de l'Administration générale de l'assistance publique à Paris ;
- et les conclusions de M. Arrighi de Casanova , commissaire du gouvernement ,

Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif, que Melle X..., qui se plaignait de violentes douleurs au genou droit, a été hospitalisée le 27 novembre 1978 à l'hôpital Ambroise Paré à Boulogne-Billancourt ; que des hémocultures ont été effectuées ; que le résultat positif aux streptocoques de l'une d'entre elles a été connu dès le lendemain 28 novembre ; que le traitement antibiotique puissant qui a été appliqué n'a, toutefois, été mis en oeuvre que le 1er décembre suivant ;
Considérant que, eu égard aux risques d'aggravation extrêmement rapides de l'infection que révélaient la présence de streptocoques et une température en "clocher", le retard constaté par l'expert dans la mise en oeuvre d'un traitement antibiotique a, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, été constitutif d'une faute lourde de nature à compromettre les chances d'éviter à la malade l'arthrodèse du genou dont elle a dû être l'objet et, par là, de lui permettre de recouvrer un meilleur usage de sa jambe ; que ce retard est, contrairement à ce qu'à jugé le tribunal administratif, et bien que le suicide soit un acte volontaire, la cause directe du décès de l'intéressée qui, ne pouvant supporter les conséquences de la grave infirmité dont elle était atteinte, a mis fin volontairement à ses jours le 16 avril 1981, après qu'une nouvelle opération, faisant suite aux nombreuses interventions dont elle avait été l'objet depuis le 1er décembre 1978, lui ait été proposée ;
Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le droit à la réparation des préjudices, tant matériels que personnels, subis, de son vivant, par Melle X..., était entré, lors de son décès, dans le patrimoine de sa mère, son héritière, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la victime avait, avant cette date, introduit une action tendant à faire reconnaître ce droit ; qu'il sera fait une équitable appréciation de l'ensemble des préjudices allégués de ce chef, en fixant à 150.000 F l'indemnité destinée à les réparer ;
Considérant, en second lieu, qu'il sera fait une juste évaluation de la douleur morale éprouvée par la mère et la soeur de Melle X... du fait de son décès en portant, dans les circonstances de l'espèce, les indemnités qui leur ont été accordées par le tribunal administratif respectivement à 30.000 F et à 10.000 F ; que la tante de la victime ne saurait, en revanche, prétendre à une indemnité supérieure à celle qui lui a été allouée par le tribunal administratif ;
Considérant, enfin, que les différents préjudices matériels qu'auraient subis les requérantes à raison du décès de Melle X... ne sont pas suffisamment établis pour leur permettre d'en obtenir l'indemnisation ;
Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée en appel, les 23 janvier 1987, 4 février 1988 et 21 février 1989 ; qu'à chacune de ces dates il était dû, au moins, une année d'intérêts ; qu'ainsi, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit auxdites demandes ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que, du fait de sa condamnation, l'Administration générale de l'assistance publique à Paris n'est pas fondée à demander, par la voie du recours incident, à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge des requérantes ;
Article 1er : Les indemnités que l'Administration générale de l'assistance publique à Paris a été condamnée à verser à Mme Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice légale de sa fille Melle Isabelle X..., par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris du 22 mai 1986 sont portées respectivement à 180.000 F et à 10.000 F.
Article 2 : Les intérêts échus les 23 janvier 1987, 4 février 1988 et 21 février 1989 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 22 mai 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y... et de Melle Augustine Y... et le recours incident de l'Administration générale de l'assistance publique à Paris sont rejetés;


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89PA00257
Date de la décision : 20/06/1989
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - EXISTENCE - Suicide - Suicide imputable à un état pathologique résultant d'un retatrd à mettre en oeuvre un traitement.

60-04-01-03-02 Jeune fille ayant mis fin à ses jours alors qu'une nouvelle opération du genou, faisant suite aux nombreuses interventions dont elle avait été l'objet, venait de lui être proposée. Bien que le suicide soit un acte volontaire, le décès de l'intéressée, qui ne pouvait supporter les conséquences de la grave infirmité dont elle était atteinte, a pour cause directe la faute lourde résultant d'un retard à mettre en oeuvre un traitement antibiotique, dès lors que ce retard, ayant compromis ses chances de recouvrer un meilleur usage de sa jambe, était lui-même à l'origine de cette infirmité.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - CREANCIER DU DROIT A INDEMNITE - Créancier décédé - Transmission de la créance - Caractère transmissible aux héritiers de la victime du préjudice subi par elle avant son décès (1).

60-04-06 Le droit à réparation des préjudices, tant matériels que personnels, subis, de son vivant, par la victime est entré, lors de son décès, dans le patrimoine de ses héritiers, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la victime avait, avant cette date, introduit une action tendant à faire reconnaître ce droit. Les héritiers peuvent, par suite, obtenir l'indemnisation des préjudices correspondants.


Références :

Code civil 1154

1.

Cf. CAA de Nantes, 1989-02-22, Centre hospitalier régional d'Orléans c/ Fichon, 89NT00011 ;

rappr. CE, Section, 1971-01-29, Association "jeunesse et reconstruction", p. 81


Composition du Tribunal
Président : M. Rivière
Rapporteur ?: Mme Mesnard
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1989-06-20;89pa00257 ?
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