Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour Mme Jacqueline A... ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 janvier et 5 mai 1987 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SCP NICOLAS, MASSE-DESSEN-GEORGES, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour Mme Jacqueline A..., demeurant ... ; Mme A... demande :
1°) d'annuler le jugement du 5 novembre 1986 du tribunal administratif de Paris rejetant sa requête tendant à l'annulation d'une décision implicite du directeur général de l'administration générale de l'assistance publique à Paris refusant de lui accorder une indemnité à raison du décès de sa fille, Isabelle X..., survenu le 9 octobre 1980 à l'hôpital de la Salpétrière ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur sa demande par le directeur général de l'assistance publique à Paris et de condamner l'administration générale de l'assistance publique à Paris à lui verser une indemnité de 150 000 F en réparation de son préjudice moral ainsi qu'une somme de 6 290 F au titre des frais d'obsèques, augmentées des intérêts à compter du 25 juillet 1984 et des intérêts des intérêts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 28 mars 1989 :
- le rapport de Mme MESNARD, conseiller,
- les observations de la SCP MASSE-DESSEN, de Me Z... et de Me Y..., avocats au Conseil d'Etat et à la cour de cassation,
- et les conclusions de M. ARRIGHI de CASANOVA, commissaire du Gouvernement.
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Melle Isabelle X..., hospitalisée depuis le 21 janvier 1980 dans le service de psychiatrie de l'hôpital de la Salpétrière après plusieurs autres séjours, y est décédée le 9 octobre 1980 ; que, selon le rapport d'expertise toxicologique joint au dossier, son décès est dû à une intoxication aiguë résultant d'un apport brutal de neuroleptiques supérieur au traitement prescrit ; que cet apport, qu'il soit imputable à une absorption volontaire de la part de la malade ou à l'administration d'une dose excessive par une infirmière, révèle un défaut dans le fonctionnement du service hospitalier ou une défaillance de surveillance de nature à engager la responsabilité de l'administration générale de l'assistance publique à Paris ; que Mme A... est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de déclarer cet établissement public responsable du décès de sa fille ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il y a lieu de condamner l'administration générale de l'assistance publique à Paris à verser à Mme A... une somme de 6 290 F représentant le montant non contesté des frais d'obsèques qu'elle a exposés et une somme de 20 000 F en réparation de la douleur morale qu'elle a subie du fait du décès de sa fille ;
Sur les intérêts :
Considérant que les sommes susmentionnées devront porter intérêts à compter du 25 juillet 1984, date de réception par l'administraiton générale de l'assistance publique à Paris de la demande d'indemnisation présentée par Mme A... ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 5 janvier 1987 ; qu'à cette date il était dû plus d'une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, par suite, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à ladite demande ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 5 novembre 1986, ensemble la décision implicite résultant du silence gardé par l'administration générale de l'assistance publique à Paris sur la demande de Mme A..., sont annulés.
Article 2 : L'administration générale de l'assistance publique à Paris versera à Mme A... une somme de 26 290 F.
Article 3 : La somme susmentionnée de 26 290 F portera intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 1984.
Article 4 : Les intérêts échus le 5 janvier 1987 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : Le surplus de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., à l'administration générale de l'assistance publique à Paris et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.