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18/04/1989 | FRANCE | N°89PA00008

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 18 avril 1989, 89PA00008


Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par Me B..., avocat au Conseil d'Etat, pour l'Office départemental d'habitations à loyer modéré de la Seine-Saint-Denis ;
Vu cette requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 décembre 1986 et 16 avril 1987 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; l'

Office départemental d'habitations à loyer modéré de la Seine-Saint-D...

Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par Me B..., avocat au Conseil d'Etat, pour l'Office départemental d'habitations à loyer modéré de la Seine-Saint-Denis ;
Vu cette requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 décembre 1986 et 16 avril 1987 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; l'Office départemental d'habitations à loyer modéré de la Seine-Saint-Denis demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 1986 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que la Société métropolitaine de constructions et de travaux publics (SMCTP), Mme X... et M. Y..., architectes, le Bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne (BERIM) ainsi que la Société de contrôle technique (SOCOTEC) soient condamnés solidairement à lui payer la somme de 59 296,84 F avec intérêts de droit à compter du 23 décembre 1982 ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, présenté pour la Société de contrôle technique par Me A..., avocat au Conseil d'Etat, et enregistré le 29 octobre 1987 ; la Société de Contrôle Technique conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que sa responsabilité soit limitée à 5 % du montant des réparations de six loggias et, par la voie de l'appel provoqué, à ce que les architectes et le bureau d'études la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 28 mars 1989 :
- le rapport de DACRE-WRIGHT, conseiller,
- les observations de Me B..., Me Z... et de la SCP PEIGNOT-GARREAU, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation,
- et les conclusions de M. ARRIGHI de CASANOVA, commissaire du Gouvernement,

Considérant que, par un marché en date du 10 janvier 1979, l'Office départemental d'habitations à loyer modéré de la Seine-Saint-Denis a confié à la Société métropolitaine de constructions et de travaux Publics (SMCTP), à Mme X... et à M. Y..., architectes, et au Bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne (BERIM), sous le contrôle de la Société de contrôle technique (SOCOTEC), la construction de deux bâtiments d'habitation et d'un parking dans l'ilôt Carnot à Stains ; que les réceptions du bâtiment dit "sur cour", du bâtiment dit "sur rue " et du parking ont été prononcées, pour le premier, le 5 septembre 1980 et, pour les seconds, le 25 septembre 1980 ;
Considérant d'une part que si, au cours du délai de garantie d'un an fixé par l'article 44-1 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché, un décompte définitif incluant les travaux d'étanchéité a été établi, cette circonstance n'a pas eu pour effet d'exonérer la SMCTP de sa responsabilité contractuelle à l'égard des réserves formulées par l'office au titre du parfait achèvement de l'ouvrage et ce jusqu'à la levée de toutes ces réserves ;
Considérant d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, dans une lettre adressée à la SMCTP le 30 octobre 1980 au nom du maître de l'ouvrage, M. Y... a émis des réserves en raison de malfaçons à l'origine d'infiltrations ; qu'en juin 1981 ces dernières se produisaient sous l'étanchéité des terrasses et loggias, dégradaient les façades des immeubles et provoquaient des désordres dans divers logements ; que les réserves n'ont été levées qu'au fur et à mesure de la réalisation des travaux de réparation effectués soit, en juillet 1981, par l'entreprise sous-traitante de la SMCTP sur certaines loggias du bâtiment "sur rue" soit, au cours de l'expertise, par la SMCTP elle-même notamment sur les façades ; que la levée des réserves à laquelle se réfère l'expert ne se rapporte qu'aux travaux ainsi réalisés ; qu'en revanche, à la date du dépôt de son rapport, des malfaçons affectant l'étanchéité de 26 loggias ainsi que quelques désordres mineurs subsistaient ; que les réserves correspondantes n'avaient pas été levées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par l'article 2 du dispositif du jugement attaqué, écarté la responsabilité contractuelle de la SMCTP aux motifs que le décompte définitif avait été établi et que les réserves avaient été levées ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administratif d'appel de Paris saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'office tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la responsabilité
En ce qui concerne l'étanchéité défectueuse des loggias :
Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que 26 loggias ne disposent pas d'un dispositif d'étanchéité suffisant pour éviter tout risque d'infiltrations dans les logements attenants ; que la circonstance que six logements seulement aient subi des désordres ne peut exonérer les constructeurs de leur responsabilité à l'égard de ces malfaçons ;

Considérant qu'il résulte du même rapport que la SMCTP a omis de prévoir dans les plans de détail d'exécution du gros oeuvre qu'elle a conçus, les dispositions indispensables pour la mise en place des procédés d'étanchéité prévus au descriptif technique du marché par les architectes et le BERIM alors même que la SOCOTEC avait attiré son attention en juillet 1979 sur la nécessité d'une "protection lourde" ; que c'est en raison de l'absence des dispositions précitées que la décision a été prise verbalement d'alléger le système d'étanchéité originellement prévu ; que, toutefois, cette modification n'a pu être ignorée du maître de l'ouvrage qui, en l'acceptant alors qu'il disposait de services techniques qualifiés, a commis une imprudence ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce, en mettant à la charge de la seule entreprise 80 % du coût des réparations des malfaçons subsistant dans les 26 loggias en cause ;
En ce qui concerne les autres désordres :
Considérant que la reprise de la contrepente d'une terrasse, le repositionnement de deux gargouilles d'évacuation des eaux pluviales et la réfection d'un faux plafond doivent être totalement imputés à la SMCTP qui, d'ailleurs, ne le contestait pas devant les premiers juges ;
Sur le préjudice :
Considérant que les coûts non contestés des réparations des malfaçons et des désordres indiqués ci-dessus sont de 54 959,24 F pour l'étanchéité des loggias et 4 338 F pour le reste ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la SMCTP à verser à l'office les sommes de 43 967 F et 4 338 F, soit 48 305 F au total ;
Sur les intérêts :
Considérant que l'office a droit aux intérêts de la somme de 48 305 F à compter du 23 décembre 1982, date de l'enregistrement de sa première demande devant le tribunal administratifs de Paris ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que, contrairement au jugement attaqué, les frais d'expertise d'un montant de 80 624 F doivent être mis à la charge de l'entreprise ;
Sur les conclusions aux fins de garantie présentées par la SMCTP :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la responsabilité des architectes, du BERIM et de la SOCOTEC n'est pas engagée dans le présent litige ; que les conclusions de la SMCTP tendant à être garantie par eux de toute condamnation prononcée à son encontre doivent donc être rejetées ;
Sur les conclusions d'appels provoqués des architectes et de la SOCOTEC :
Considérant que la situation de Mme X..., de M. Y... et de la SOCOTEC n'est pas aggravée par le présent arrêt ; que, dès lors, leurs conclusions d'appels provoqués ne sont pas recevables ;

Article 1 : Les articles 2 et 3 du dispositif du jugement du 15 octobre 1986 du tribunal administratif de Paris statuant sur la requête de l'Office départemental d'habitations à loyer modéré de Seine-Saint-Denis, sont annulés.

Article 2 : La Société métropolitaine de construction et de travaux publics versera à l'office précité la somme de 48305 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 1982.

Article 3 : Les frais d'expertise s'élevant à la somme de 80 624 F sont mis à la charge de la Société métropolitaine de construction et de travaux publics.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l'office et les conclusions d'appels provoqués de Mme X... et de M. Y..., et de la Société de contrôle technique sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office départemental d'habitations à loyer modéré de la Seine-Saint-Denis, à la Société métropolitaine de construction et de travaux publics, à Mme X... et à M. Y..., au Bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne, à la Société de contrôle technique, et au ministre d'Etat, ministre de l'équipement et du logement.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA00008
Date de la décision : 18/04/1989
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REGLEMENT DES MARCHES - DECOMPTE GENERAL ET DEFINITIF - Caractère définitif du décompte - Effet des réserves non levées - Décompte ne mettant pas fin à la responsabilité contractuelle du constructeur à raison de malfaçons (1).

39-05-02-01, 39-06-01-01-01-02, 39-06-01-02-005 Nonobstant l'intervention du décompte définitif, les réserves formulées par le maître de l'ouvrage au cours du délai de garantie de parfait achèvement de deux bâtiments d'habitation et d'un parking, sont de nature à engager la responsabilité contractuelle du constructeur dès lors qu'elles n'avaient pas été levées au sujet des malfaçons à l'origine des désordres et qu'elles ont d'ailleurs été rappelées par l'architecte au constructeur dans une lettre adressée à ce dernier.

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - QUESTIONS GENERALES - RECEPTION DES TRAVAUX - RECEPTION DEFINITIVE - Réception avec réserves - Absence d'effet de l'intervention du décompte définitif sur la responsabilité contractuelle du constructeur à raison de malfaçons ayant donné lieu à réserves non levées (1).

39-06-01-02-02 Absence de la part du constructeur de prévision dans les plans de détails d'exécution du gros oeuvre, de la mise en place de procédés d'étanchéité prévus au descriptif du marché par les architectes et le bureau d'études et alors même qu'un conseiller technique avait attiré l'attention sur la nécessité d'une "protection lourde". Décision, en cours de chantier, d'alléger le système d'étanchéité. Si ces faits sont de nature à engager la responsabilité de l'entreprise quant aux conséquences dommageables qui s'ensuivirent, il y a lieu de laisser 20 % à la charge du maître d'ouvrage en raison de l'imprudence qu'il a commise en acceptant les modifications et alors qu'il disposait de conseillers techniques qualifiés pour en mesurer les effets.

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - CHAMP D'APPLICATION - Fin de la responsabilité contractuelle - Effet de la réception - Absence - malgré l'intervention du décompte définitif des travaux intervenus - dès lors que des réserves avaient été formulées au cours du délai de garantie d'un an prévu par l'article 44-1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés (1).

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - FAITS DE NATURE A ENTRAINER LA RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - Existence - Décision du constructeur - en cours de chantier - d'alléger le système d'étanchéité - Responsabilité partagée entre ce dernier et le maître de l'ouvrage.


Références :

1.

Rappr. CE, 1975-01-31, ville de Toulon, n° 91102


Composition du Tribunal
Président : M. Massiot
Rapporteur ?: M. Dacre-Wright
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1989-04-18;89pa00008 ?
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