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15/07/2025 | FRANCE | N°24NT01997

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 15 juillet 2025, 24NT01997


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... Benguedouar a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision née le 9 mai 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Annaba (Algérie) refusant de lui délivrer un visa dit " de retour " en France a, à son tour, implicitement refusé de délivrer le visa sollicité.

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Par un jugement n°2307928 du 29 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... Benguedouar a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision née le 9 mai 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Annaba (Algérie) refusant de lui délivrer un visa dit " de retour " en France a, à son tour, implicitement refusé de délivrer le visa sollicité.

Par un jugement n°2307928 du 29 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer à M. Benguedouar le visa de long séjour dit " de retour " sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 avril 2024 lui faisant injonction de délivrer le visa sollicité ;

2°) de réformer le jugement attaqué dans cette mesure ;

3°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. Benguedouar sur ce point.

Il soutient que :

- par un arrêté du 16 janvier 2024 du Préfet du Nord, M. Benguedouar a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, arrêté portant également retrait de son certificat de résidence algérien et que ces circonstances font, à la date à laquelle l'injonction en litige a été prononcée, obstacle à ce que puisse être délivré le visa sollicité, étant également précisé que l'intéressé fait l'objet d'une interdiction de retour d'un an.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2024, M. Benguedouar, représenté par Me Berradia, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué dans toutes ses dispositions, à ce qu'il soit enjoint au ministre de délivrer le visa sollicité et à ce que soit mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que le moyen soulevé n'est pas fondé ; que l'arrêté préfectoral du 16 janvier 2024 portant retrait de son certificat de résident, obligation de quitter le territoire français et interdiction du territoire ne lui est pas opposable car il a été pris de manière déloyale au cours de la procédure devant le tribunal dans le seul but de faire obstacle à l'exécution du jugement à intervenir ; subsidiairement, que cet arrêté est illégal par voie d'exception car fondé sur la décision de refus de visa illégale.

Un mémoire complémentaire a été présenté le 2 juillet 2025, après clôture de l'instruction, pour M. D... Benguedouar par Me Berradia et n'a pas été communiqué.

M. D... Benguedouar a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... Benguedouar, ressortissant algérien, qui résidait en France en qualité de conjoint de français sous couvert d'un certificat de résidence vie privée et familiale de dix ans expirant le 17 octobre 2028, a signalé la perte de ce document le 20 juin 2022. L'intéressé s'est ensuite rendu en Algérie et a sollicité le 30 novembre 2022 la délivrance d'un visa dit " de retour " auprès de l'autorité consulaire française à Annaba (Algérie), laquelle a, par une décision du 23 janvier 2023, rejeté sa demande. Saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre cette décision de refus consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) a, à son tour, implicitement refusé de délivrer le visa sollicité par une décision née le 9 mai 2023.

2. Par un jugement du 29 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes après avoir, dans son article 1er, annulé cette décision du 9 mai 2023 au motif que, titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans expirant le 17 octobre 2028, l'intéressé disposait d'un droit au séjour en France à la date à laquelle avait été faite sa demande de visa, a, dans son article 2, enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer à M. Benguedouar le visa de long séjour dit " de retour " sollicité, et ce, dans un délai de deux mois. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui ne conteste pas le motif d'annulation de la décision du 9 mai 2023, soutient cependant qu'il ne peut exécuter l'injonction qui lui a été adressée, et relève en conséquence appel de ce jugement en sollicitant la réformation de son article 2 pour tenir compte de l'évolution des circonstances de fait et de droit.

3. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

4. Il appartient au juge lorsqu'il est saisi, sur le fondement de ces dispositions, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution, de statuer sur celles-ci en tenant compte de la situation de droit ou de fait existant à la date de sa décision.

5. Il ressort des pièces versées au dossier par le ministre de l'intérieur en appel que, par un arrêté du 16 janvier 2024, qui a été notifié, selon les écritures de l'intimé, à son ancienne adresse à Lille sans que M. Benguedouar allègue ni établisse d'ailleurs devant la cour avoir fait les démarches et diligences nécessaires pour faire suivre son courrier en Algérie, le préfet du Nord a procédé au retrait du certificat de résidence algérien de M. Benguedouar aux motifs de l'absence de toute communauté de vie effective entre les époux et du caractère frauduleux du mariage conclu sur le territoire français. Par le même arrêté préfectoral du 16 janvier 2024, qui ne repose pas, contrairement à ce que fait valoir l'intimé, sur le refus de visa dont l'illégalité a été retenue par le tribunal, M. Benguedouar a fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que d'une interdiction de retour en France d'une durée d'un an. De telles circonstances de fait et de droit avérées à la date du jugement attaqué du 29 avril 2024, qu'aucun élément versé au dossier ne permet de remettre en question et qui remettent au demeurant en cause le bien-fondé du motif d'annulation retenu par les premiers juges et fondant l'injonction de délivrance prononcée, conduisent à estimer que l'exécution du jugement attaqué n'implique plus nécessairement la délivrance du visa sollicité. Enfin, la circonstance que l'arrêté précité du 16 janvier 2024 soit intervenu au cours de l'instance alors pendante devant le tribunal administratif demeure sans incidence.

6. Eu égard, à ce qui vient d'être dit, les conclusions tendant à la délivrance du visa sollicité ne peuvent qu'être rejetées.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes lui a enjoint de délivrer à M. Benguedouar un visa dit " de retour " en France et que ce jugement doit être annulé dans cette mesure.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. Bengedouar de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n°2307928 du tribunal administratif de Nantes du 29 avril 2024 est annulé en tant qu'il a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa dit " de retour " à M. Benguedouar.

Article 2 : Les conclusions tendant à la délivrance du visa sollicité et celles présentées sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par Me Berredia, avocate de M. Benguedouar, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. D... Benguedouar.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2025.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au Ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24NT01997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01997
Date de la décision : 15/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : BERRADIA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-15;24nt01997 ?
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