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11/07/2025 | FRANCE | N°24NT03081

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 11 juillet 2025, 24NT03081


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, les décisions implicites du préfet du Calvados rejetant sa demande de renouvellement de son titre de séjour ainsi que de délivrance d'une autorisation de travail et, d'autre part, l'arrêté du 20 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a p

rononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, les décisions implicites du préfet du Calvados rejetant sa demande de renouvellement de son titre de séjour ainsi que de délivrance d'une autorisation de travail et, d'autre part, l'arrêté du 20 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement nos 2401560,2401674 du 1er octobre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Lebey, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er octobre 2024 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler, d'une part, les décisions implicites du préfet du Calvados rejetant sa demande de renouvellement de son titre de séjour ainsi que de délivrance d'une autorisation de travail et, d'autre part, l'arrêté du 20 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer la carte de séjour pluriannuelle sollicitée dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le principe d'impartialité n'a pas été respecté ; en effet, le juge ayant précédemment statué en référés a également statué dans le cadre de l'instance au fond ayant donné lieu au jugement attaqué ;

- le tribunal n'a pas répondu, en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a pas non plus répondu au moyen tiré de l'illégalité du refus d'autorisation de travail au motif que la situation de l'emploi ne lui était pas opposable ;

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision portant refus de séjour a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a commis une erreur de droit en exigeant une nouvelle autorisation de travail ; en tout état de cause, des demandes d'autorisation ont été régulièrement déposées ; il n'a pas été informé que sa demande d'autorisation de travail était clôturée et n'était plus en cours d'instruction ; le lien hypertexte adressé par la préfecture pour accéder à l'élément relatif à la déclaration sociale nominative de l'employeur et à l'attestation d'activité professionnelle était inaccessible ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

sur la décision portant refus d'autorisation de travail :

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a commis une erreur de droit en exigeant une nouvelle autorisation de travail et la fourniture d'éléments relatifs à la situation de l'emploi ; en tout état de cause, des demandes d'autorisation ont été régulièrement déposées ; quand bien même la situation de l'emploi lui aurait été opposable, aucune candidature n'a été reçue par l'employeur.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant sont infondés.

La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 1er avril 2021 fixant la liste des pièces à fournir à l'appui d'une demande d'autorisation de travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sri-lankais né le 9 octobre 1987, a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler d'une part, les décisions implicites du préfet du Calvados rejetant sa demande de renouvellement de son titre de séjour ainsi que de délivrance d'une autorisation de travail et, d'autre part, l'arrêté du 20 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 1er octobre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur la portée des conclusions de la requête :

2. Lorsque le silence gardé par l'administration sur une demande dont elle a été saisie a fait naître une décision implicite de rejet, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à la première décision. Dans ce cas, des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde. Il en résulte que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision implicite par laquelle le préfet du Calvados a rejeté la demande de titre de séjour de M. A... doivent être regardées comme exclusivement dirigées contre l'arrêté du 20 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce ultérieurement sur la requête en qualité de juge du principal. Il n'en va différemment que lorsqu'il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, que le juge des référés aurait, dès le rejet de la demande de suspension, préjugé de l'issue du litige.

4. Il ressort des termes mêmes de l'ordonnance litigieuse du 9 juillet 2024 que le juge des référés du tribunal administratif de Caen n'a pas préjugé l'issue du litige. Par suite, il pouvait participer à la formation collégiale qui a rendu le jugement attaqué du 1er octobre 2024, sans entacher celui-ci d'irrégularité.

5. En deuxième lieu, le tribunal n'avait pas à répondre au moyen soulevé par M. A... et tiré de l'illégalité de la décision portant refus d'autorisation de travail, dès lors que la situation de l'emploi ne lui était pas opposable. En effet, le tribunal a jugé, en tout état de cause, qu'une telle décision n'était pas intervenue et qu'il y avait donc lieu, pour ce motif, de rejeter comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation dirigées contre celle-ci.

6. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans sa requête introductive d'instance, M. A... a soutenu devant le tribunal administratif que le préfet du Calvados, en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, avait méconnu les dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, le tribunal administratif de Caen ne s'est pas prononcé sur ces deux moyens, qui n'étaient pas inopérants. Par suite, son jugement doit être annulé comme irrégulier en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision fixant le pays destination. En conséquence, il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A... dirigées contre cette décision et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur ses conclusions à fin d'annulation présentées contre les autres décisions en litige.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 de leur jugement, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté contesté n'était pas compétent, moyen que M. A... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le renouvellement de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle est subordonné à la preuve par le ressortissant étranger qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte (...) ". Aux termes de l'article L. 433-4 du même code : " (...) L'étranger bénéficie, à sa demande, du renouvellement de cette carte de séjour pluriannuelle s'il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il été précédemment titulaire ". En outre, l'article L. 421-1 de ce code dispose : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail ". En application de l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorisation de travail correspondant au poste occupé doit être fournie lors de la demande de renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle prévue à l'article L. 421-1 précité. Par ailleurs, l'article R. 5221-1 du code du travail énonce : " I.- Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : / 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; (...) / II.- La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. / (...) / Tout nouveau contrat de travail fait l'objet d'une demande d'autorisation de travail ". Selon les dispositions de l'article R. 5221-20 de ce code : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : 1° S'agissant de l'emploi proposé : a) Soit cet emploi relève de la liste des métiers en tension prévue à l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et établie par un arrêté conjoint du ministre chargé du travail et du ministre chargé de l'immigration ; b) Soit l'offre pour cet emploi a été préalablement publiée pendant un délai de trois semaines auprès des organismes concourant au service public de l'emploi et n'a pu être satisfaite par aucune candidature répondant aux caractéristiques du poste de travail proposé ; (...) ". En vertu de l'article R. 5221-21 du même code : " Les éléments d'appréciation mentionnés au 1° de l'article R. 5221-20 ne sont pas opposables lorsque la demande d'autorisation de travail est présentée au bénéfice de :1° L'étranger visé au deuxième alinéa de l'article L. 233-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou au premier alinéa de l'article L. 421-4 du même code lorsque l'emploi sollicité figure sur l'une des listes visées par ces dispositions ; 2° L'étranger, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " délivrée en application des articles L. 422 10 ou L. 422-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui présente un contrat de travail en relation avec sa formation ou ses recherches et assorti d'une rémunération supérieure à un montant fixé par décret ; 3° L'étudiant visé au second alinéa de l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, titulaire d'un diplôme obtenu dans l'année, justifie d'un contrat de travail en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un montant fixé par décret ; 4° Le mineur étranger, pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, lorsqu'il remplit les conditions de l'article R. 5221-22 du code du travail. " Enfin, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 1er avril 2021 fixant la liste des pièces à fournir à l'appui d'une demande d'autorisation de travail : " Pour le recrutement d'un ressortissant dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée d'un étranger résidant régulièrement en France, l'employeur qui sollicite une autorisation de travail sur le fondement de l'article R. 5221-1 du code du travail, verse les pièces justificatives suivantes : 1° Une copie recto verso du titre de séjour en cours de validité du ressortissant étranger ; 2° Si le projet de recrutement est soumis à l'opposabilité de la situation de l'emploi : a) Un document attestant du dépôt de l'offre d'emploi auprès d'un organisme du service public de l'emploi et de sa publication pendant trois semaines ; b) Un document établi par l'employeur mentionnant le nombre de candidatures reçues et attestant de l'absence de candidat répondant aux caractéristiques du poste de travail proposé ; (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que la demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger qui est déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet, autorité investie du pouvoir décisionnel, par l'employeur et que, dans l'hypothèse où les services de la préfecture ou les services chargés de l'emploi ont été saisis d'une telle demande, le préfet ne peut refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente. En pareille hypothèse, il appartient en effet au préfet de faire instruire la demande d'autorisation de travail par ses services avant de statuer sur la demande d'admission au séjour.

10. Il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de l'instruction de la demande de renouvellement du titre de séjour que M. A... a présentée le 4 décembre 2023 en qualité de salarié, les services de la préfecture du Calvados lui ont demandé la production d'une autorisation de travail, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 5221-1 du code du travail. Son employeur, la société Fruit Plus, a alors déposé une telle demande le 28 mars 2024, pour un emploi de cuisinier, dans le cadre de laquelle l'administration a sollicité, le même jour, des pièces complémentaires, avec un délai de 14 jours pour y répondre, au terme duquel sa demande pourrait être considérée comme incomplète et de ce fait clôturée, puis le 12 avril 2024, faute de réception des compléments annoncés, de nouveau leur production, en l'informant qu'en l'absence de retour de sa part sous 14 jours, sa demande serait clôturée. Il était notamment demandé à son employeur de fournir un document mentionnant le nombre de candidatures reçues et attestant de l'absence de candidat répondant aux caractéristiques du poste de travail proposé, conformément aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 1er avril 2021. En effet, le projet de recrutement poursuivi en l'espèce était soumis à l'opposabilité de la situation de l'emploi, dès lors qu'il n'est pas établi que A... entrerait dans l'un des cas prévus par l'article R. 5221-21 précité du code du travail dans lesquels cette situation ne lui serait pas opposable. Or, il n'est pas justifié que l'employeur de l'intéressé aurait produit les pièces demandées, ou qu'il aurait été placé dans l'impossibilité de le faire en raison de dysfonctionnements informatiques. Ainsi, la demande d'autorisation de travail sollicitée a été rejetée à bon droit par l'administration compte tenu de son caractère incomplet. Par ailleurs, il ressort des termes mêmes de la demande de pièces précitée du 28 mars 2024, mais aussi d'un courriel du 25 juin 2024 de la plateforme interrégionale de main d'œuvre étrangère de Béthune, que cette décision de rejet est intervenue avant la date de la décision contestée de refus de titre de séjour du 20 juin 2024, et ce en dépit de la circonstance qu'elle n'aurait pas été notifiée à M. A... avant cette date. Dans ces conditions, le préfet du Calvados pouvait légalement refuser la délivrance du titre de séjour en litige au motif que M. A... ne produisait aucune autorisation de travail, dès lors que l'instruction de celle-ci était close à la date à laquelle il a pris la décision contestée du 20 juin 2024.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France sans visa le 24 mai 2013 à l'âge de 26 ans, qu'il s'y est maintenu irrégulièrement pendant environ quatre ans avant d'obtenir, en 2017, la délivrance de titres de séjour en qualité de salarié. Toutefois, l'intéressé ne produit aucun élément de nature à justifier des liens personnels qu'il aurait développés sur le territoire, ou de l'insertion en France de son épouse qui l'a rejoint en 2021 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. Par ailleurs, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Sri Lanka, pays dans lequel il a vécu la majorité de son existence et où vit sa mère. En outre, compte tenu notamment du jeune âge de ses enfants, nés en 2023 et 2024, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas être transférée dans le pays d'origine du requérant et de son épouse. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. En quatrième et dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

14. Compte tenu notamment du jeune âge de ses enfants, nés en 2023 et 2024, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas être transférée dans le pays d'origine M. A... et de son épouse. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Calvados aurait méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.

16. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 à 14, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

Sur la décision portant fixation du pays de destination :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions de refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

18. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 à 14, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

19. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions de refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

21. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 à 14, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

22. En dernier lieu, selon l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...). ".

23. Compte tenu de la situation personnelle et familiale de M. A..., telle que décrite au point 12 ci-dessus, les moyens tirés de ce que la décision contestée portant interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et apparaît entachée d'erreur d'appréciation doivent être écartés comme infondés.

Sur la décision portant refus d'autorisation de travail :

24. Si M. A... soutient que la décision contestée portant refus d'autorisation de travail méconnaît les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet a commis une erreur de droit en exigeant une autorisation de travail et la fourniture d'éléments relatifs à la situation de l'emploi et, qu'en tout état de cause, sa demande d'autorisation de travail a été régulièrement déposée et qu'aucune candidature n'a été reçue par son employeur, de tels moyens doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 8 à 10.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé, d'une part, à demander l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2024 du préfet du Calvados en tant qu'il oppose une décision fixant le pays de destination et, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français et refus d'autorisation de travail. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 1er octobre 2024 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 20 juin 2024 du préfet du Calvados en tant que celui-ci fixe le pays de destination.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Caen contre l'arrêté du 20 juin 2024 du préfet du Calvados en tant qu'il fixe le pays de destination ainsi que le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Derlange, président,

- Mme Picquet, première conseillère,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

S. DERLANGE

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT03081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03081
Date de la décision : 11/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DERLANGE
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LEBEY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-11;24nt03081 ?
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