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27/06/2025 | FRANCE | N°25NT00238

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 27 juin 2025, 25NT00238


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Claude Jean Investissement a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision par laquelle la communauté de communes Cœur de Nacre a implicitement rejeté sa demande tendant au retrait ou à l'abrogation des délibérations des 13 décembre 2021 et 30 mars 2023 relatives à la répartition de l'enveloppe foncière annuelle moyenne pour l'habitat et d'enjoindre au président de la communauté de communes Cœur de Nacre de saisir son conseil communautaire

afin qu'il procède au retrait ou à l'abrogation de ces délibérations ou, à défaut, qu'il ré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Claude Jean Investissement a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision par laquelle la communauté de communes Cœur de Nacre a implicitement rejeté sa demande tendant au retrait ou à l'abrogation des délibérations des 13 décembre 2021 et 30 mars 2023 relatives à la répartition de l'enveloppe foncière annuelle moyenne pour l'habitat et d'enjoindre au président de la communauté de communes Cœur de Nacre de saisir son conseil communautaire afin qu'il procède au retrait ou à l'abrogation de ces délibérations ou, à défaut, qu'il réexamine sa demande de retrait ou d'abrogation de ces délibérations, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jours de retard.

Par un jugement n° 2302567 du 24 décembre 2024, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision de la communauté de communes Cœur de Nacre rejetant implicitement la demande de retrait des délibérations du 13 décembre 2021 et du 30 mars 2023 formulée par la société Claude Jean Investissement et a enjoint à la communauté de communes Cœur de Nacre de procéder au retrait de ces délibérations dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 et 31 janvier et 2 mai 2025 et un mémoire enregistré le 23 mai 2015 et non communiqué, la communauté de communes Cœur de Nacre, représentée par Me Gorand, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du

24 décembre 2024 et de rejeter la demande de la société Claude Jean Investissement ;

2°) à titre subsidiaire, de sursoir à statuer dans l'attente d'une mesure de régularisation destinée à effacer le (ou les) vice(s) de légalité que le juge aura au préalable constaté(s) après avoir écarté les autres moyens d'annulation ;

3°) à titre très subsidiaire, d'annuler la décision contestée avec effet différé à la date d'approbation du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes Cœur de Nacre ;

4°) de mettre à la charge de la société Claude Jean Investissement la somme de

3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a méconnu le principe du contradictoire en retenant d'office le moyen tiré de ce que la communauté de communes était incompétente, sans permettre préalablement aux parties de présenter leurs observations sur ce moyen ;

- le tribunal s'est fourvoyé en considérant que la communauté de communes n'aurait été compétente qu'en matière de plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) ;

- dès lors qu'il ne s'agit pas d'assurer juridiquement une " mise en compatibilité " des plans locaux d'urbanisme (PLU) communaux avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) comme l'a jugé à tort le tribunal administratif, la communauté de communes Cœur de Nacre était compétente pour fixer la répartition des enveloppes foncières par commune en dehors de toute procédure d'élaboration ou d'évolution d'un document d'urbanisme, et en tout état de cause, seule une procédure de modification simplifiée aurait été nécessaire ;

- en enjoignant à la communauté de communes de procéder au retrait des délibérations du 13 décembre 2021 et du 30 mars 2023 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement attaqué, le tribunal a délivré une injonction illégale dès lors que, par application de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration et du délai de 4 mois à compter de l'édiction qu'il fixe, un tel " retrait " ne peut être régulièrement effectué ;

- aucun des autres moyens soulevés en première instance par la société Claude Jean Investissement n'était fondé ;

- l'intérêt général commande que la répartition résultant des délibérations litigieuses soit maintenue car elle a permis et permet d'assurer un équilibre tant communal qu'intercommunal et une gestion économe de l'espace.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 mars et 15 mai 2025, la société Claude Jean Investissement, représentée par Me Duteil, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision de la communauté de communes Cœur de Nacre rejetant implicitement sa demande de retrait des délibérations du 13 décembre 2021 et du 30 mars 2023 et à ce qu'il soit enjoint à son président de saisir son conseil communautaire afin que, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, il procède à l'abrogation de la délibération du 13 décembre 2021 et au retrait de la délibération du 30 mars 2023 ou à défaut, qu'il examine sa demande de retrait ou a minima d'abrogation de ces délibérations, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des moyens soulevés par la communauté de communes Cœur de Nacre n'est fondé ;

- en l'absence du respect de la procédure de révision et en tout état de cause de modification simplifiée des PLU, les délibérations litigieuses sont entachées d'un vice de procédure de nature à entrainer leur retrait, ou a minima, leur abrogation ;

- elle était en droit d'exiger le retrait de la délibération du 30 mars 2023, tout comme l'abrogation des deux délibérations litigieuses.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Debuys, substituant Me Gorand, représentant la communauté de commune Cœur de Nacre et de Me Roche, représentant la société Claude Jean Investissement.

Une note en délibéré, présentée pour la communauté de communes Cœur de Nacre, a été enregistrée le 12 juin 2025.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la modification, le 14 janvier 2020, du schéma de cohérence territoriale de Caen Métropole, la communauté de communes Cœur de Nacre a, par délibérations du 13 décembre 2021 puis du 30 mars 2023, fixé la répartition de l'enveloppe foncière annuelle moyenne pour l'habitat entre les communes qui la composent. La société Claude Jean Investissement a demandé à la communauté de communes, par courrier reçu le 31 mai 2023, de retirer ou d'abroger ces deux délibérations. La communauté de communes Cœur de Nacre a implicitement rejeté sa demande. La société Claude Jean Investissement a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cette dernière décision. Par un jugement du 24 décembre 2024, le tribunal a annulé la décision de la communauté de communes Cœur de Nacre rejetant implicitement la demande de retrait des délibérations du 13 décembre 2021 et du 30 mars 2023 formulée par la société Claude Jean Investissement et a enjoint à la communauté de communes Cœur de Nacre de procéder au retrait de ces délibérations dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement. La communauté de communes Cœur de Nacre fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a retenu la méconnaissance de l'étendue de sa compétence par l'auteur des décisions contestées. Ce moyen était soulevé par la demanderesse de première instance, la société Claude Jean Investissement. Cette dernière soutenait en particulier que les délibérations avaient été adoptées " hors de toute procédure de modification des PLU " communaux. Le tribunal a retenu la méconnaissance de l'étendue de sa compétence par la communauté de communes, c'est-à-dire une erreur de droit, en particulier en l'absence de révision des plans locaux d'urbanisme de ses communes membres. Ainsi, au vu du moyen tel qu'il avait été soulevé par la société Claude Jean Investissement, la communauté de communes Cœur de Nacre ayant pu présenter ses observations sur ce moyen, le tribunal n'avait ni à soulever d'office un moyen d'ordre public, ni a fortiori à mettre à même les parties de faire des observations sur ce moyen relevé d'office. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier au motif qu'il aurait méconnu le principe du contradictoire en retenant d'office le moyen tiré de ce que la communauté de communes avait méconnu l'étendue de sa compétence, sans permettre préalablement aux parties de présenter leurs observations sur ce moyen, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen retenu par les premiers juges :

S'agissant de la légalité de la décision refusant de retirer la délibération du

13 décembre 2021 :

3. Aux termes de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction ". Aux termes de l'article L. 243-1 du même code : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration. ".

4. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des écritures en défense présentées devant la cour que la communauté de communes Cœur de Nacre s'est estimée, et était effectivement, en situation de compétence liée pour rejeter la demande de retirer la délibération du 13 décembre 2021, le délai de quatre mois mentionné à l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration étant expiré à la date de la décision contestée. Par conséquent, les moyens invoqués par la société Claude Jean Investissement contre la décision de refus de retrait de la délibération du 13 décembre 2021 doivent être écartés comme étant inopérants et c'est à tort que le tribunal, par le jugement attaqué, a annulé cette décision.

S'agissant de la légalité de la décision refusant d'abroger la délibération du

13 décembre 2021 et de la décision refusant de retirer la délibération du 30 mars 2023 :

5. Aux termes de l'article L. 141-7 du code de l'urbanisme : " Dans le respect d'une gestion économe de l'espace, afin de lutter contre l'artificialisation des sols, et pour répondre aux besoins en logement des habitants, le document d'orientation et d'objectifs définit les objectifs et les principes de la politique de l'habitat participant à l'évolution et à l'optimisation de l'usage des espaces urbains et ruraux, en cohérence avec les perspectives démographiques et économiques du territoire, en privilégiant le renouvellement urbain. Il décline l'exigence de mixité sociale, en prenant en compte l'évolution démographique et économique ainsi que les projets d'équipements et de desserte en transports collectifs. / Il fixe: 1o Les objectifs d'offre de nouveaux logements, répartis, le cas échéant, entre les établissements publics de coopération intercommunale ou par secteur géographique; (...) ". Le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT Caen-Métropole mentionne, page 64 : " Répartir l'enveloppe foncière annuelle moyenne pour l'habitat, dans le respect des dispositions du présent SCoT, dans le cadre d'un PLUi. Une délibération d'approbation de PLH sera considérée comme répondant au présent objectif. A défaut, la répartition par commune historique sera définie au regard de la position dans l'armature urbaine, du principe de polarisation recherché dans le SCoT et des critères d'accessibilité, de desserte en transports en commun et en réseaux, de niveau d'équipement public (notamment scolaire), d'équipement commercial et d'emploi. A défaut de PLUi ou de PLH, répartir l'enveloppe foncière annuelle moyenne pour l'habitat par des délibérations concordantes EPCI - Communes, de manière cohérente en fonction de l'armature urbaine, et selon le principe de polarisation recherché par le SCoT et les autres dispositions présentes dans le DOO (cf. 2.3, 2.4 et 2.6). Dès qu'elle est exécutoire, notifier cette délibération au Président du Pôle Métropolitain Caen Normandie Métropole, Maître d'Ouvrage du SCoT. ". Pour les objectifs de construction de logements, la page 65 du DOO comporte également deux objectifs :

" A défaut de PLUi ou de PLH, répartir la production de nouveaux logements à l'intérieur de chaque type d'espace par commune historique par des délibérations concordantes EPCI - Communes, de manière cohérente en fonction de l'armature urbaine, et selon le principe de polarisation recherché par le SCoT. Dès qu'elle est exécutoire, notifier cette délibération au Président du Pôle Métropolitain Caen Normandie Métropole, Maître d'Ouvrage du SCoT. ".

6. Aux termes de l'article 136 de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, tel que modifié par l'article 7 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 : " (...) II - La communauté de communes ou la communauté d'agglomération existant à la date de publication de la présente loi, ou celle créée ou issue d'une fusion après la date de publication de cette même loi, et qui n'est pas compétente en matière de plan local d'urbanisme, de documents d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale le devient le lendemain de l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la publication de ladite loi. Si, dans les trois mois précédant le terme du délai de trois ans mentionné précédemment, au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population s'y opposent, ce transfert de compétences n'a pas lieu. / Si, à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, la communauté de communes ou la communauté d'agglomération n'est pas devenue compétente en matière de plan local d'urbanisme, de documents d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, elle le devient de plein droit le 1er juillet de l'année suivant l'élection du président de la communauté consécutive au renouvellement général des conseils municipaux et communautaires, sauf si les communes s'y opposent dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date des délibérations en litige : " L'établissement public de coopération intercommunale compétent engage une procédure d'élaboration ou de révision d'un plan local d'urbanisme couvrant l'intégralité de son territoire lorsqu'il le décide et, au plus tard, lorsqu'il révise un des plans locaux d'urbanisme applicables dans son périmètre en application du 1° de l'article

L. 153-31. " Aux termes de l'article L. 153-31 du même code : " I.- Le plan local d'urbanisme est révisé lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide : 1° Soit de changer les orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables ; (...). ". Aux termes de l'article L. 153-49 du même code : " Lorsqu'un plan local d'urbanisme doit être rendu compatible avec [le SCOT] l'autorité administrative compétente de l'Etat en informe l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes Cœur de Nacre est compétente de plein droit depuis le 1er juillet 2021 en matière " d'étude, d'approbation, de révision et de suivi d'un plan local d'urbanisme intercommunal, de plan local d'urbanisme, de document d'urbanisme en tenant lieu et carte communale ". Il est constant que la communauté de communes Cœur de Nacre, par délibération du 13 juillet 2021, a prescrit l'élaboration d'un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) mais qu'en l'absence d'approbation de ce document, les plans locaux d'urbanisme de ses communes membres étaient toujours applicables. En application de l'article L. 153-2 du code de l'urbanisme cité au point précédent, la communauté de communes Cœur de Nacre était compétente, à la date des décisions contestées, pour notamment réviser ou mettre en compatibilité les PLU de ses communes membres.

8. Par les délibérations litigieuses, le conseil communautaire a approuvé, comme exigé par le document d'orientations et d'objectifs du SCoT Caen-Métropole, la répartition, par communes, de l'enveloppe foncière annuelle moyenne pour l'habitat et la répartition, par communes, de la production de nouveaux logements par an, telle que présentée dans des tableaux annexés. Ces délibérations comportaient également, en annexe, des tableaux de synthèse qui indiquaient, pour la plupart des PLU communaux, la nécessité d'une modification ou d'une révision des PLU communaux en raison des modifications nécessaires du volet habitat du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) des PLU pour tenir compte de cette répartition. Au vu des effets et du caractère détaillé des délibérations en cause, la communauté de communes, si elle ne souhaitait pas attendre l'approbation du plan local d'urbanisme intercommunal qui était en cours d'élaboration, ne pouvait pas prendre de telles décisions en dehors d'une révision ou d'une mise en compatibilité des PLU de ses communes membres, comme l'exigent les dispositions de l'article L. 153-31 et L. 153-49 du code de l'urbanisme, procédures qui associent le public et les communes concernées. En outre, les délibérations des 13 décembre 2021 et 30 mars 2023, prises par la seule communauté de communes, ne peuvent être regardées comme des " délibérations concordantes EPCI - Communes " au sens du DOO du SCoT Caen-Métropole cité au point 5. En tout état de cause, il ressort par ailleurs des pièces du dossier que ces PLU communaux n'étaient pas soumis à l'ordonnance du 17 juin 2020 visée ci-dessus relative à la rationalisation de la hiérarchie des normes applicable aux documents d'urbanisme et ne pouvaient donc pas faire l'objet, pour une mise en compatibilité avec le SCoT, d'une modification simplifiée, contrairement à ce que soutient la communauté de communes Cœur de Nacre. Par conséquent, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Caen a accueilli, dans le jugement attaqué, le moyen tiré de ce qu'en adoptant les délibérations du 13 décembre 2021 et du 30 mars 2023, la communauté de communes Cœur de Nacre avait méconnu l'étendue de sa compétence, et ainsi commis une erreur de droit, pour annuler la décision de la communauté de communes Cœur de Nacre refusant d'abroger la délibération du 13 décembre 2021 et la décision de la communauté de communes refusant de retirer la délibération du 30 mars 2023 .

9. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes Cœur de Nacre est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision de la communauté de communes Cœur de Nacre rejetant implicitement la demande de retrait de la délibération du 13 décembre 2021 formulée par la société Claude Jean Investissement.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu ni de surseoir à statuer dans l'attente d'une mesure de régularisation, ni de procéder à une annulation avec effet différé.

En ce qui concerne l'injonction prononcée par le tribunal :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

12. Aux termes de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction ". Aux termes de l'article L. 243-1 du même code : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration. ".

13. Si le juge doit s'assurer qu'à la date à laquelle elle s'est prononcée sur une demande de retrait d'un acte règlementaire l'administration respectait le délai prévu à l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration, il n'a pas à s'assurer que ce délai est respecté à la date à laquelle il statue, lorsqu'il exerce ses pouvoirs d'injonction prévus à l'article L. 911-1 du code de justice administrative.

14. En premier lieu, les délibérations par lesquelles le conseil communautaire a approuvé, comme exigé par le document d'orientations et d'objectifs du SCoT Caen-Métropole, la répartition, par communes, de l'enveloppe foncière annuelle moyenne pour l'habitat et la répartition, par communes, de la production de nouveaux logements par an, sont des actes réglementaires. A la date de la décision de refus de retirer la délibération du 30 mars 2023, le délai de quatre mois prévu à l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration n'était pas expiré. La circonstance qu'à la date du jugement attaqué, ce délai était expiré, ne faisait pas obstacle à ce que les premiers juges enjoignent à la communauté de communes de procéder au retrait de la délibération du 30 mars 2023 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en tant qu'il aurait prononcé une injonction illégale doit être écarté.

15. En second lieu, s'agissant de la délibération du 13 décembre 2021, la société Claude Jean Investissement a demandé son retrait ou à défaut son abrogation par un courrier reçu le 30 mai 2023 par la communauté de communes, soit au-delà du délai de quatre mois prévu à l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration, contrairement à la délibération du 30 mars 2023. Ainsi, la communauté de communes était en situation de compétence liée pour refuser le retrait de la délibération du 13 décembre 2021 et ne pouvait que l'abroger. C'est donc à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a enjoint à la communauté de communes Cœur de Nacre de procéder au retrait de la délibération du 13 décembre 2021 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. L'annulation d'une décision refusant d'abroger un acte réglementaire illégal implique nécessairement l'abrogation de cet acte. Au vu du moyen d'annulation de la délibération du 13 décembre 2021 retenu, l'exécution du présent arrêt implique que la communauté de communes Cœur de Nacre abroge la délibération du 13 décembre 2021. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la communauté de communes Cœur de Nacre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Claude Jean Investissement, qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance, la somme que la communauté de communes Cœur de Nacre demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Claude Jean Investissement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 24 décembre 2024 est annulé en tant qu'il a annulé la décision implicite de la communauté de communes Cœur de Nacre refusant de retirer la délibération du 13 décembre 2021 et lui a enjoint de procéder au retrait de cette délibération.

Article 2 : La décision implicite de la communauté de communes Cœur de Nacre refusant d'abroger la délibération du 13 décembre 2021 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la communauté de communes Cœur de Nacre d'abroger la délibération du 13 décembre 2021 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus de la demande et des conclusions de la requête de la communauté de communes Cœur de Nacre est rejeté.

Article 5 : La communauté de communes Cœur de Nacre versera à la société Claude Jean Investissement la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Cœur de Nacre et à la société Claude Jean Investissement.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Derlange, président de la formation de jugement,

- Mme Picquet, première conseillère,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2025.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

S. DERLANGE

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 25NT00238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 25NT00238
Date de la décision : 27/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DERLANGE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SELARL CABINET GRIFFITHS DUTEIL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-27;25nt00238 ?
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