Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 février 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2400724 du 1er octobre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre et 5 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Cujas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er octobre 2024 ;
2°) de faire droit à sa demande d'annulation présentée en première instance devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dès lors que la communauté de vie entre époux est établie, qu'il dispose de liens personnels et familiaux en France, qu'il justifie de son insertion professionnelle et ne présente pas de menace à l'ordre public ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2025, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 25 janvier 1995, déclare être entré en France le 17 novembre 2018. Le 22 mars 2021, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 9 juin 2022, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Caen du 30 septembre 2022 et une ordonnance du 8 février 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. A la suite de son interpellation le 20 juillet 2023, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, par un arrêté du 21 juillet 2023, annulé par un jugement du 8 septembre 2023 du tribunal administratif de Caen. Le 22 janvier 2024, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Une autorisation provisoire de séjour valable du
24 janvier 2024 au 23 juillet 2024 lui a été délivrée. Par un arrêté du 16 février 2024 dont M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du
1er octobre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. M. B... fait appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 visé ci-dessus : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. M. B... établit sa présence en France à compter de son mariage à Orbec avec une ressortissante française le 24 octobre 2020, soit plus de trois ans à la date de l'arrêté contesté, en produisant notamment deux attestations de ses beaux-parents et des documents administratifs établis aux noms des deux époux, ces éléments étant de nature, en l'absence d'éléments précis mentionnés par le préfet, à attester de la communauté de vie entre les époux. Il ressort d'ailleurs des écritures de première instance du préfet du Calvados que l'épouse de M. B... s'est présentée à la préfecture le 24 janvier 2024 dans le cadre de l'instruction de la demande de titre litigieuse. Il ressort également des pièces du dossier que plusieurs membres de sa famille, dont quatre sont de nationalité française, résident régulièrement en France. Enfin, M. B... a travaillé, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée signé le 10 septembre 2021 et s'il n'a pas exercé d'activité professionnelle pendant une partie de l'année 2022 et la totalité de l'année 2023, il justifie d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée signé le 25 janvier 2024. Ainsi, alors même qu'il n'est pas démuni d'attaches familiales en Algérie, le préfet du Calvados a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect à la vie privée et familiale en prenant la décision contestée. Par conséquent, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être accueillis.
4. En conséquence, la décision du 16 février 2024 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B... doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui interdisant de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2024 du préfet du Calvados.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. B... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu, pour la cour, de prononcer cette injonction, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 1er octobre 2024 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 16 février 2024 du préfet du Calvados est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. B... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Derlange, président,
- Mme Picquet, première conseillère,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
S. DERLANGE
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT03004