Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Neovia Technologies a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer sans délai la résiliation du marché conclu entre le département de la Vendée et la société Eurojoint le 4 mars 2019 pour la rénovation des routes départementales, de condamner le département de la Vendée à lui verser la somme de 44 418 euros, augmentée des intérêts au taux légal et capitalisés, en réparation de son manque à gagner et d'enjoindre au département de la Vendée d'engager les actions en vue d'obtenir le remboursement de la somme de 179 784,90 euros auprès de la société Eurojoint au titre du coût du traitement des déchets.
Par un jugement n° 2108543 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat conclu entre le département de la Vendée et la société Eurojoint et a rejeté le surplus de la demande des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 juin et 16 décembre 2024,
14 février et 12 mars 2025, la société Neovia Technologies, représentée par Me Le Mière, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 avril 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 25 mai 2021 du département de la Vendée refusant de résilier le contrat et d'en prononcer la résiliation ;
3°) de condamner le département de la Vendée à lui verser la somme de
44 418 euros, augmentée des intérêts au taux légal et capitalisés, en réparation de son manque à gagner ;
4°) d'enjoindre au département de la Vendée d'engager les actions en vue d'obtenir le remboursement de la somme de 179 784,90 euros auprès de la société Eurojoint au titre du coût du traitement des déchets ;
5°) de mettre à la charge du département de la Vendée la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, en l'absence de signature de la minute ;
- le jugement est irrégulier au motif qu'un non-lieu à statuer ne pouvait pas être prononcé ;
- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a pas répondu au moyen selon lequel le litige n'est pas dépourvu d'objet car le contrat produit n'a pas épuisé ses effets ;
- le jugement est irrégulier au motif que les premiers juges n'ont pas statué sur les conclusions tendant à la condamnation du département de la Vendée à lui verser la somme de 44 418 euros en réparation du préjudice subi à raison du refus de résilier le marché ;
- le jugement attaqué est irrégulier au motif qu'il est entaché d'une contradiction de motifs et d'une dénaturation des faits ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'elle avait intérêt à agir ;
- la décision de refus de résilier le marché n'est pas suffisamment motivée ;
- la poursuite du marché compromet manifestement l'intérêt général ;
- le marché aurait dû être résilié ;
- elle est fondée à réclamer la somme de 44 418 euros au titre de son manque à gagner dès lors qu'elle aurait eu des chances sérieuses de remporter le marché de substitution qui aurait été conclu à la suite de la résiliation qui s'imposait ;
- l'exécution du marché par la société Eurojoint a causé au département de la Vendée un préjudice financier à hauteur de 179 784,90 euros ;
- ses mémoires ne contiennent aucun passage injurieux.
Par des mémoires, enregistrés les 11 octobre et 20 décembre 2024 et 27 février 2025, le département de la Vendée, représenté par Me Briec, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la suppression, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, des passages litigieux diffamatoires de la requête d'appel ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable car tardive ;
- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;
- en tout état de cause, les conclusions à fin d'indemnisation de la requérante étaient irrecevables en première instance ;
- les moyens soulevés en première instance et repris en appel étaient inopérants et en tout état de cause, ne sont pas fondés ;
- en tout état de cause, si des manquements devaient être reconnus de la part du titulaire du contrat, il ne s'agit pas d'inexécutions d'une gravité ou d'une portée telle qu'elles compromettraient l'intérêt général ;
- le préjudice de la société Neovia technologies n'est pas établi ;
- les conclusions aux fins d'injonction au département de la Vendée d'engager des actions indemnitaires visant au remboursement par la société Eurojoint au département de la Vendée de la somme de 179 784,90 euros sont manifestement irrecevables et infondées ;
- des passages de la requête d'appel sont diffamatoires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Mière, représentant Neovia Technologies et de Me Leconte, représentant le département de la Vendée.
Considérant ce qui suit :
1. Par un accord-cadre conclu le 4 mars 2019, le département de la Vendée a confié à la société Eurojoint la rénovation des routes départementales par hydro-décapage. La société Neovia Technologies, candidate évincée lors de la passation du marché, a sollicité la communication des documents relatifs au traitement des déchets générés par les opérations d'hydro-régénérations. Sur le fondement des documents qui lui ont été communiqués, la société Neovia Technologies a demandé, le 15 janvier 2021, au département de la Vendée de résilier le marché en raison de manquements graves commis dans son exécution et compromettant l'intérêt général. Par un courrier du 25 mai 2021, le département de la Vendée a refusé de résilier le contrat. La société Neovia Technologies a demandé au tribunal administratif de Nantes de mettre fin à l'exécution du marché et la condamnation du département de la Vendée à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi. Par un jugement du 24 avril 2024, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat conclu entre le département de la Vendée et la société Eurojoint et a rejeté le surplus de la demande des parties. La société Neovia Technologies fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la minute du jugement attaqué comporte la signature de la présidente de la formation de jugement, de la rapporteure et de la greffière d'audience. Par suite, elle est régulière au regard des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative qui prévoit que la minute comporte ces trois signatures en cas de formation collégiale. Dès lors, la société Neovia technologies n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité sur ce point.
3. En deuxième lieu, la société Neovia technologies ne peut utilement soutenir que la réponse apportée, au point 4 du jugement attaqué, à la question de son intérêt à agir, révèle une contradiction de motifs, laquelle affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité.
4. En troisième lieu, si la société Neovia technologies soutient que les premiers juges ont dénaturé les faits du litige, ce moyen ne relève pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation.
5. En quatrième lieu, un tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l'exécution du contrat est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat.
6. Il résulte de l'instruction que le marché litigieux a été conclu le
5 mars 2019 pour une durée initiale d'un an, pouvant être tacitement reconduite sans que la durée totale du marché ne puisse excéder quatre ans. Les travaux faisant l'objet du marché ont été réceptionnés sans réserve le 19 juin 2023, pour une date d'achèvement fixée au 16 mai 2023 et le décompte général et définitif du marché a été notifié le 19 juillet 2023. Dès lors, à la date à laquelle ont statué les premiers juges, le 24 avril 2024, le marché avait été entièrement exécuté et les conclusions tendant qu'il soit mis fin à son exécution étaient devenues dépourvues d'objet, les arguments de la requérante tirés de ce que cela revient à vider de sa substance l'intérêt d'un recours dit " A... " et que les effets produits par le marché doivent perdurer pendant plusieurs années n'étant pas fondés à cet égard. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier au motif qu'un non-lieu à statuer ne pouvait pas être prononcé doit être écarté.
7. En cinquième lieu, il ressort du jugement attaqué que le département de la Vendée avait opposé le non-lieu à statuer et que les premiers juges l'ont accueilli, au point 3, en se fondant sur le fait que le marché avait été entièrement exécuté. Ce faisant, ils ont répondu avec la précision nécessaire alors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la société Neovia technologies, en particulier celui tiré de ce que les effets produits par le marché doivent perdurer pendant plusieurs années. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a pas répondu au moyen selon lequel le litige n'est pas dépourvu d'objet car le contrat produit n'a pas épuisé ses effets doit être écarté.
8. En sixième lieu, les premiers juges ont statué sur les conclusions indemnitaires présentées par la société Neovia technologies au point 5 des motifs et à l'article 2 du dispositif du jugement attaqué. Par conséquent, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier au motif que les premiers juges n'ont pas statué sur les conclusions tendant à la condamnation du département de la Vendée à lui verser la somme de 44 418 euros en réparation du préjudice subi à raison du refus de résilier le marché doit être écarté.
9. En septième et dernier lieu, à l'appui de sa demande de résiliation du contrat, la société Neovia technologies se prévaut à la fois du fait qu'elle est un des acteurs majeurs de l'activité d'hydro-régénération en France, particulièrement sensible aux variations de prix imposées par ses concurrents, et de sa qualité de candidat évincé du marché et de candidat potentiel du marché de substitution. Elle produit notamment une attestation d'expert-comptable du 24 janvier 2025 faisant état d'une baisse sensible de ses bénéfices pour les années 2019 à 2023. Toutefois, les éléments produits n'établissent pas un lien direct et certain entre les conditions d'exécution du contrat passé par le département de la Vendée et les pertes financières de la société requérante, alors qu'il résulte de l'instruction que cette-dernière a perdu a minima cinq autres marchés de 2021 à 2023. Les qualités et intérêts invoqués ne suffisent ainsi pas à justifier que la poursuite de l'exécution de la convention, dont la durée ne pouvait excéder quatre ans, serait de nature à léser la société demanderesse dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine, de telle sorte qu'elle soit recevable à demander au juge du contrat de mettre fin à la poursuite de l'exécution de cette convention. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité en ce qu'il aurait rejeté à tort sa demande de résiliation pour défaut d'intérêt à agir doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
10. Il résulte de l'instruction que la société Eurojoint a respecté ses obligations contractuelles en émettant tous les bordereaux de suivi des déchets produits, et en ayant répondu aux questions et contrôles du département en cours d'exécution du marché. Contrairement à ce qu'allègue la société requérante, tous les déchets issus de l'hydro-décapage ne constituent pas des déchets dangereux. La requérante n'établit pas, notamment par la circonstance que certains bordereaux contiendraient des imprécisions ou erreurs matérielles, que la société Eurojoint aurait rejeté ces déchets dans les réseaux d'eaux usées, dans le cadre de l'exécution du contrat en cause. Par conséquent, il n'est pas établi que le refus de résilier le contrat ne serait pas justifié au fond. Dans un tel contexte, il ne résulte pas davantage de l'instruction que le département de la Vendée aurait commis une faute dans le contrôle de l'exécution du marché. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par la société Neovia technologies doivent être rejetées.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le département de la Vendée, que la société Neovia technologies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette la requête de la société Neovia technologies, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à la suppression d'écrits sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
13. En vertu de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, reprenant les dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, les juges peuvent " prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires " d'écrits produits devant eux.
14. Contrairement à ce que soutient le département de la Vendée, le passage contenu à la page 30 de la requête présentée par la société Neovia technologies, dont il demande la suppression, n'excède pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse et ainsi ne présente pas un caractère injurieux ou diffamatoire qui justifierait qu'il soit supprimé en application des dispositions citées au point précédent. Dans ces conditions, les conclusions tendant à cette suppression doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Vendée, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Neovia technologies demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de cette dernière la somme de
1 500 euros au titre des frais exposés par le département de la Vendée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Neovia technologies est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de la Vendée présentées sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Neovia technologies versera au département de la Vendée la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Neovia Technologies et au département de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Derlange, président de la formation de jugement,
- Mme Picquet, première conseillère,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
S. DERLANGE
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01944