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24/06/2025 | FRANCE | N°24NT01240

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 24 juin 2025, 24NT01240


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 mars 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours dirigé contre la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 28 juin 2019 ajournant pour une durée de deux ans sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 2005695 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



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Par une requête, enregistrée le 23 avril 2024, Mme E..., représentée par la SCP Tertio demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 mars 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours dirigé contre la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 28 juin 2019 ajournant pour une durée de deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 2005695 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2024, Mme E..., représentée par la SCP Tertio demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 décembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 6 mars 2020 du ministre de l'intérieur contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pereira, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le signataire de la décision attaquée ne justifie pas de sa compétence ;

- la décision du ministre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens ne sont pas fondés et doivent être écartés ;

- il s'en rapporte, subsidiairement, à ses écritures de première instance.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante azerbaïdjanaise née le 30 juin 1977, réfugiée politique, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 mars 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 28 juin 2019 du préfet de la Meurthe-et-Moselle ajournant sa demande de naturalisation, ainsi que cette dernière décision. Elle relève appel du jugement du 14 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du ministre de l'intérieur du 6 mars 2020 maintenant l'ajournement de sa demande de naturalisation.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, le directeur de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité dispose de la délégation pour signer, au nom du ministre chargé des naturalisations, l'ensemble des actes relatifs aux affaires des services placés sous son autorité, à l'exception des décrets. Par un décret du 28 septembre 2016, publié au Journal officiel de la République française du 29 septembre 2016, Mme B... a été nommée directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité. Par une décision du 30 août 2018, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 2 septembre 2018, Mme B... a accordé à Mme C... D..., adjointe à la cheffe du bureau des affaires juridiques, du précontentieux et du contentieux ainsi que signataire de la décision attaquée, une délégation de signature à cet effet. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée qui manque ainsi en fait doit être écarté.

3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 44, dans sa rédaction applicable au litige, du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française: " Si le préfet compétent à raison de la résidence du demandeur ou, à Paris, le préfet de police estime, même si la demande est recevable, qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. ". Aux termes de l'article 45 du même décret : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles (...) et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours (...) constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier (...) ". D'autre part, le dernier alinéa de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 mentionné ci-dessus dispose : " (...) / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ".

4. L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation, ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, elle peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle du postulant et le niveau et la stabilité de ses ressources.

5. Pour rejeter le recours formé par Mme E... et confirmer l'ajournement à deux ans de sa demande de naturalisation, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le défaut de pleine insertion professionnelle de la postulante, en l'absence de ressources suffisantes et stables.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, Mme E... travaillait en qualité d'aide-ménagère à temps partiel et percevait à ce titre de faibles revenus, la requérante n'ayant déclaré, au titre de ses revenus salariaux, que 4 645 euros en 2016, 4 593 euros en 2017 et 4 452 euros en 2018, et que ses ressources étaient pour l'essentiel constituées de prestations sociales. Si elle fait valoir que son état de santé ne lui permet ni de travailler davantage, ni de se former afin de prétendre à un emploi plus rémunérateur, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet état de santé aurait fait l'objet d'une reconnaissance au titre d'une invalidité ou d'une situation de handicap ou constituerait un obstacle à l'emploi. En outre, le certificat médical produit par la requérante ne permet pas d'établir que celle-ci serait empêchée de travailler à temps plein ou de suivre une formation à raison de son état de santé. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur a pu, eu égard au large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la naturalisation dont il dispose, estimer que le degré d'insertion professionnelle de Mme E... n'était pas suffisant et ajourner sa demande de naturalisation pour ce motif, sans entacher sa décision, laquelle n'est pas entachée de discrimination, d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur le surplus des conclusions :

8. Ne peuvent qu'être rejetées, par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2025.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 24NT01240 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01240
Date de la décision : 24/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : TERTIO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-24;24nt01240 ?
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