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20/05/2025 | FRANCE | N°23NT03195

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 20 mai 2025, 23NT03195


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... G... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite née le 3 mars 2020 et la décision expresse du 1er septembre 2022 par lesquelles le ministre des armées a rejeté sa demande de protection fonctionnelle.



Par un jugement n° 2004084 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le

7 novembre 2023, M. A... G..., représenté par Me Moreau-Verger, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... G... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite née le 3 mars 2020 et la décision expresse du 1er septembre 2022 par lesquelles le ministre des armées a rejeté sa demande de protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 2004084 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2023, M. A... G..., représenté par Me Moreau-Verger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 septembre 2023 ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui accorder la protection fonctionnelle, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal, qui n'a ni visé ni fait référence à la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et au code général de la fonction publique, a méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- il n'a pas suffisamment motivé son jugement ;

- la décision du 1er septembre 2022 n'est pas motivée ;

- en se fondant sur les articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique, qui n'étaient pas alors applicables, le ministre des armées a commis une erreur de droit ;

- eu égard aux événements ayant conduit à la survenue de son accident de service et à la manière dont sa situation administrative a été gérée, il avait droit au bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par une ordonnance du 6 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mars 2025 à douze heures.

Un mémoire produit par le ministre des armées a été enregistré le 24 mars 2025 à douze heures et seize minutes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique,

- et les observations de Me Delaunay, substituant Me Moreau-Verger et représentant M. A... G....

Une note en délibéré présentée par M. A... G... a été enregistrée le 14 mai 2025.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... G..., ingénieur civil, relève appel du jugement du 14 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre des armées du 1er septembre 2022, qui s'est substituée à sa décision implicite antérieure, rejetant sa demande de protection fonctionnelle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, les visas et les motifs du jugement attaqué mentionnent, avec suffisamment de précision, les dispositions législatives ou réglementaires dont il fait application, conformément aux exigences qui découlent de l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Si le point 7 du jugement indique à tort citer les dispositions de l'article L. 133-2 du code des relations entre le public et l'administration alors qu'il s'agit de celles de l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique, cette simple erreur de plume n'affecte pas la régularité du jugement.

3. En second lieu, le tribunal qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments avancés par les parties, a suffisamment précisé les considérations de fait sur lesquelles il entendait se fonder. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 134-5 du code général de la fonction publique : " La collectivité publique est tenue de protéger l'agent public contre les atteintes volontaires à l'intégrité de sa personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. / (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. En premier lieu, en faisant application des dispositions précitées du code général de la fonction publique, qui étaient entrées en vigueur à la date de la décision contestée du 1er septembre 2022, laquelle s'était substituée à la décision implicite antérieure ainsi qu'il a été dit au point 1, le ministre des armées n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En deuxième lieu, M. A... G..., ingénieur d'études et de fabrication du ministère de la défense, exerçait depuis le 1er novembre 2008 les fonctions de chef de projets à la direction interarmées des réseaux d'infrastructures et des systèmes d'information (DIRISI) de Brest. Le 12 novembre 2012, en apprenant la suppression du poste de E... pilotage, il a subi un traumatisme psychique à l'origine d'une symptomatologie anxiodépressive ayant nécessité la prescription d'arrêts de travail et son placement en congé de maladie. L'imputabilité au service de l'accident survenu le 12 octobre 2012 a été reconnu par un arrêté du 30 juillet 2013. Le 9 septembre 2019, il a déposé auprès du procureur de la République une plainte dirigée contre le directeur du centre ministériel de gestion de Rennes pour des faits de harcèlement moral, mise en danger d'autrui, homicide ou blessures involontaires, extorsion et vol, violences et dégradations, menaces, abus de faiblesse, violation du secret médical et recel. Le 20 décembre suivant, il a saisi le ministre des armées d'une demande de protection fonctionnelle au titre de cette action judiciaire en faisant valoir l'" acharnement intentionnel et répété " dont ferait preuve à son encontre le directeur du centre ministériel de gestion, ainsi directement mis en cause, dans le traitement de sa situation administrative, à compter de son placement en congé de maladie en 2012. Par la décision contestée du 1er septembre 2012, le ministre des armées a rejeté sa demande, motif pris de ce que les éléments produits par l'intéressé à l'appui de sa demande ne permettaient pas de présumer un quelconque harcèlement moral.

8. Le requérant soutient, tout d'abord, qu'après avoir tardé à faire droit à sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service, le centre ministériel de gestion a tenté à plusieurs reprises de faire obstacle aux droits découlant de cette reconnaissance en le convoquant à des visites médicales injustifiées, en orientant les questions soumises à la commission de réforme ou aux experts et en le plaçant de manière irrégulière en congé de maladie ordinaire.

9. Il ressort des pièces du dossier que le centre ministériel de gestion a, il est vrai, commis des irrégularités dans la gestion de la situation administrative du requérant ayant eu des répercussions sur la rémunération versée. Outre un placement en congé de maladie non imputable au service, qui a été retiré, le service a, en particulier, interrompu le versement du traitement du requérant, sur le fondement de l'article 25 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, au motif que celui-ci ne s'était pas soumis en 2014 à un examen médical dont l'objet n'était pourtant pas celui prévu par ces dispositions. Si l'appelant dénonce la multiplication de " contrôles frustratoires " visant à remettre en cause l'imputabilité au service de son accident, le centre ministériel de gestion s'est cependant borné à organiser, à trois reprises, des visites médicales permettant de connaître la consolidation de son état de santé et de s'assurer que cet état de santé ne lui permettait pas de reprendre ses fonctions et était toujours en lien avec la pathologie résultant de l'accident de service du 12 novembre 2012. Enfin, les nombreux courriers et convocations adressés à M. A... G... résultent pour l'essentiel du refus persistant de ce dernier de se soumettre à de telles visites. Ces considérations ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

10. Ensuite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le centre ministériel de gestion aurait tenté, contrairement à ce qui est avancé, d'influencer le Docteur B... ou le Docteur D.... La violation du secret médical que M. A... G... impute à ce dernier pour avoir fait état de ce que, selon M. A... G..., la notion d'expertise doit être distinguée de celle de la contre-visite, ne révèle, par elle-même, aucune " collusion " entre ce médecin et l'administration.

11. Enfin, si M. A... G... évoque divers faits qu'il estime constitutifs du harcèlement moral dont sa hiérarchie à la DIRISI aurait été l'auteur entre 2010 et 2012, ces faits sont étrangers au harcèlement moral qu'il impute au directeur du centre ministériel de gestion et au titre duquel, dans les suites des éléments énumérés dans sa plainte déposée le 9 septembre 2019, il a formé sa demande de protection fonctionnelle du 20 décembre 2019 dont le rejet fait l'objet du présent litige.

12. Il suit de là qu'en rejetant la demande de protection fonctionnelle de M. A... G... au motif énoncé au point 7, le ministre des armées n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 134-5 et L. 133-2 du code général de la fonction publique.

13. En dernier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges le moyen que M. A... G... réitère en appel, sans apporter d'élément nouveau, tiré du défaut de motivation de la décision du ministre des armées du 1er septembre 2022.

14. Il résulte de tout de ce qui précède que M. A... G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

15. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... G... doivent être écartées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions à fin d'annulation.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... G... d'une somme au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... G... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président de la formation de jugement,

- M. Pons, premier conseiller,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.

La rapporteure,

K. BOUGRINELe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03195
Date de la décision : 20/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : MOREAU-VERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-20;23nt03195 ?
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