Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours contre la décision du 16 juin 2020 du préfet de Saône-et-Loire ajournant à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que cette dernière décision.
Par un jugement n° 2101058 du 12 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2024, M. A..., représenté par Me Meunier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 mars 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 16 juin 2020 du préfet de Saône-et-Loire ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.
Il soutient que :
- la décision du Préfet de Saône-et-Loire est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ; il est intégré depuis de nombreuses années et qu'il exerce la profession de restaurateur depuis longtemps ; son casier judiciaire ne fait mention d'aucune condamnation ; il conteste formellement toute " fausse facture " qu'il aurait établie ; c'est à tort que les premiers juges ont considéré comme établis des " faits, commis le 20 mars 2013, l'usage de faux en écriture " ; le rappel à la loi du Procureur de la République est dénué de valeur juridique.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 18 juin 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le moyen soulevé par M. A... n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant pakistanais né le 6 avril 1977, a sollicité l'acquisition de la nationalité française par naturalisation. Par une décision du 16 juin 2020, le préfet de la Saône-et-Loire a ajourné sa demande à deux ans. Saisi du recours préalable obligatoire prescrit par le décret du 30 décembre 1993, le ministre de l'intérieur l'a rejeté implicitement puis a confirmé la décision préfectorale d'ajournement par une décision du 25 janvier 2021 fondée sur le motif tiré de ce que le comportement du postulant ne permet pas de faire droit à sa demande.
2. M. A... a, le 29 janvier 2021, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours contre la décision du 16 juin 2020 du préfet de Saône-et-Loire ajournant à deux ans sa demande de naturalisation, et d'autre part, de cette décision préfectorale. Il relève appel du jugement du 12 mars 2024 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande et sollicite devant la cour l'annulation de la seule décision du 16 juin 2020 du préfet de la Saône-et-Loire.
Sur l'étendue du litige :
3. D'une part, il résulte des dispositions de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française que les décisions par lesquelles le ministre en charge des naturalisations statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles prises par le préfet. Il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que les conclusions de M. A... dirigées contre la décision préfectorale du 16 juin 2020 sont irrecevables.
4. D'autre part, si le silence gardé par l'administration sur un recours administratif préalable obligatoire fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à la première décision. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé sur son recours préalable devaient être regardées, comme l'ont justement apprécié les premiers juges, comme dirigées contre la décision expresse du 25 janvier 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a confirmé l'ajournement à deux ans de la demande de naturalisation de l'intéressé. Les conclusions dirigées contre la décision préfectorale du 16 juin 2020, réitérées en appel, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la légalité de la décision ministérielle du 25 janvier 2021 :
5. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Le dernier alinéa de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française dispose : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation (...) sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai (...). Ce délai une fois expiré (...), il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française au ressortissant étranger qui la sollicite.
6. Il ressort des pièces versées au dossier, d'une part, en particulier d'un extrait de casier judiciaire - Bulletin n°1 -, délivré au nom de l'intéressé, établi le 26 février 2019 que M. A... a été l'auteur d'emploi d'un étranger non muni d'autorisation de travail salarié et d'exécution de travail dissimulé du 1er février 2011 au 15 juin 2012, faits matériellement établis qui ont conduit au prononcé d'une amende à son encontre. D'autre part, M. A..., mis en cause pour usage de faux en écriture le 20 mars 2013, a également fait l'objet d'un rappel à la loi. Si la procédure a donné lieu à un classement sans suite, cette circonstance ne fait pas obstacle à la prise en considération des agissements incriminés. Compte tenu de ces différents faits, qui n'étaient ni excessivement anciens ni dépourvus de gravité pour apprécier le comportement de l'intéressé, le ministre a pu, pour le motif rappelé au point 1 et eu égard au large pouvoir d'appréciation dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, confirmer l'ajournement à deux ans de la demande de M. A... pour sans commettre d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2025, à laquelle siégeaient :
-M. Gaspon, président de chambre,
-M. Coiffet, président-assesseur,
-Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 mai 2025.
La rapporteure,
O. COIFFET
Le président,
O. GASPONLa greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°24NT01265 2