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06/05/2025 | FRANCE | N°24NT00301

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 06 mai 2025, 24NT00301


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... F... et Mme E... G... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision du 8 août 2022 par laquelle l'Ambassadeur de France en République démocratique du Congo a opposé un refus à la demande de visa présentée au titre de la réunification familiale pour le mineur D... F... et, d'autre part, la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours pr

alable formé contre ce refus de visa.



Mme E... G... a demandé au tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... et Mme E... G... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision du 8 août 2022 par laquelle l'Ambassadeur de France en République démocratique du Congo a opposé un refus à la demande de visa présentée au titre de la réunification familiale pour le mineur D... F... et, d'autre part, la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours préalable formé contre ce refus de visa.

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler d'une part, la décision du 8 août 2022 par laquelle l'Ambassadeur de France en République démocratique du Congo a opposé un refus à sa demande de visa présentée au titre de la réunification familiale et, d'autre part, la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours préalable formé contre ce refus de visa.

Par un jugement nos 2300765, 2300768 du 27 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a, après les avoir jointes, rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 février 2024, M. B... F... et Mme G..., représentés par Me Raynaud, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 novembre 2023 ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer les demandes de visas, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la réalité des liens familiaux invoqués ne saurait être remise en cause par les déclarations de M. F... devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui doivent être appréciées en tenant compte de son état de vulnérabilité et de son état de santé ;

- le lien de filiation entre le jeune D... F... et le réunifiant est établi au regard des critères de la possession d'état énoncés par l'article 311-1 du code civil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 5 mai 1978, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 7 octobre 2013. Des demandes de visas de long séjour ont été présentées au titre de la réunification familiale par Mme G..., qui se présente comme sa compagne et pour le jeune D... F..., présenté comme leur enfant. L'ambassadeur de France en République démocratique du Congo a rejeté ces demandes par des décisions du 8 août 2022. Les recours formés contre ces décisions ont été implicitement rejetés par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. F... et Mme G... relèvent appel du jugement du 27 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant, pour l'une, à l'annulation de la décision du 8 août 2022 opposant un refus à la demande de visa présentée pour D... F... ainsi que de la décision implicite de la commission maintenant ce refus de visa et, pour l'autre, à l'annulation de la décision du 8 août 2022 opposant un refus à la demande de visa présentée par Mme G... ainsi que de la décision implicite de la commission maintenant ce refus de visa.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les décisions de l'Ambassadeur de France en République démocratique du Congo :

2. Il résulte des dispositions de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui instituent un recours administratif préalable obligatoire que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à celle qui a été prise par les autorités diplomatiques ou consulaires. Par suite, les décisions implicites de la commission se sont substituées aux décisions de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo du 8 août 2022. Il suit de là que, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Nantes, les demandes doivent être regardées comme exclusivement dirigées contre les décisions implicites de la commission de recours.

En ce qui concerne les décisions de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

3. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire (...) ". L'article L. 561-5 de ce code dispose : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux ".

4. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil, aux termes duquel : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Aux termes de l'article 311-1 du code civil : " La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. / Les principaux de ces faits sont : / 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ; / 2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ; / 3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ; / 4° Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ; / 5° Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue. ".

S'agissant de D... F... :

6. Il ressort des écritures produites par le ministre de l'intérieur devant le tribunal administratif de Nantes que la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France concernant le jeune D... F... est fondée sur le motif tiré de ce que le lien de filiation entre le demandeur de visa et le réunifiant n'est établi ni par des documents d'état civil, ni par possession d'état.

7. En premier lieu, est versée au dossier une attestation de naissance établie le 16 février 2012 par le bourgmestre de la commune de Ndjili (République démocratique du Congo) selon laquelle le jeune D... F... est né le 24 décembre 2005 à Kinshasa de l'union de M. F... et de Mme G.... Ces mentions sont concordantes avec les renseignements portés en 2013 par M. F... dans sa fiche familiale de référence. Cependant, il ressort de la note établie le 15 janvier 2016 par les services de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que M. F... s'est initialement déclaré célibataire et père de deux enfants, nés en 1998 et 2005, de son union avec Mme C... A.... Une telle discordance est de nature à priver de valeur probante l'attestation du bourgmestre mentionnée ci-dessus. Il ressort, il est vrai, du compte rendu de l'entretien mené le 18 septembre 2012 par l'officier de protection chargé de l'examen de la demande d'asile de M. F... que ce dernier est revenu sur l'identité de la mère de ses enfants en indiquant se trouver dans un état de confusion dû aux séquelles qu'il a conservées des violences dont il a été victime. Le seul certificat médical du 21 février 2007, faisant état de difficultés de jugement, d'attention et de concentration consécutives à un traumatisme cranio-encéphalique survenu le 5 novembre 2006, ne suffit toutefois pas, à lui seul, à démontrer que les déclarations divergentes de l'intéressé, au sujet de l'identité de la mère de ses fils, seraient dues à son état de santé. Par ailleurs, si les requérants font valoir que Mme C... A... est, en réalité, la sœur de M. F..., ils ne l'établissent pas. Dans ces conditions, l'attestation du bourgmestre de la commune de Ndjili ne permet pas de tenir pour établi le lien de filiation de D... F... à l'égard M. B... F....

8. En second lieu, si les requérants soutiennent qu'il est satisfait à l'ensemble des critères de la possession d'état énoncés à l'article 311-1 du code civil pour révéler l'existence du lien de filiation entre le jeune D... F... et le réunifiant, ils ne présentent, à l'appui de leurs allégations, ni justification ni élément circonstancié.

9. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, confirmer le refus opposé à la demande de visa de D... F... au motif que son lien de filiation avec M. F... n'était pas établi.

S'agissant de Mme G... :

10. Il ressort des écritures en défense du ministre de l'intérieur devant le tribunal administratif de Nantes que la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France concernant Mme G... est fondée sur le motif tiré d'une absence de vie commune suffisamment stable et continue avec le réunifiant avant l'introduction par ce dernier de sa demande d'asile.

11. Alors que, pour les raisons évoquées au point 7, la valeur probante des attestations du bourgmestre de la commune de Ndjili selon lesquelles M. B... F... et Mme E... G... sont les parents de deux enfants, nés en 1998 et 2005, est sujette à caution, il n'est versé aux débats aucun autre élément de nature à établir la réalité d'une vie commune stable et continue entre Mme G... et M. B... F... à la date de l'introduction de la demande de protection de ce dernier.

12. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans faire une inexacte application des dispositions du 2° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, confirmer le refus opposé à la demande de visa présentée par Mme G....

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la qualité pour agir de M. F... et de Mme G... au nom de D... F..., devenu majeur, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

14. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... et Mme G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., Mme E... G... et M. D... F... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

K. Bougrine

Le président,

O. Gaspon

La greffière,

I. Petton

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT003012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00301
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : RAYNAUD VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24nt00301 ?
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