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18/03/2025 | FRANCE | N°24NT00250

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 18 mars 2025, 24NT00250


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 octobre 2022 par laquelle les autorités consulaires françaises en poste à Oran ont refusé de délivrer le visa de long séjour sollicité pour la jeune A... C... ainsi que la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours.

Par un jugement n° 2302653 du 29 décembre 2023, le tribunal adm

inistratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 octobre 2022 par laquelle les autorités consulaires françaises en poste à Oran ont refusé de délivrer le visa de long séjour sollicité pour la jeune A... C... ainsi que la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours.

Par un jugement n° 2302653 du 29 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2024, M. D..., représenté par Me Pamponneau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 décembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que ses revenus ne lui permettaient pas d'accueillir la jeune A... dans des conditions conformes à son intérêt supérieur ;

- l'enfant, qui ne vit ni auprès de sa mère ni auprès de sa fratrie, a été, dans l'attente de son entrée en France, confiée à ses grands-parents dont l'état de santé décline.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève appel du jugement du 29 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant implicitement son recours dirigé contre le refus de visa opposé par les autorités consulaires françaises en poste à Oran (Algérie) à la demande de visa de long séjour présentée pour l'enfant A... C..., de nationalité algérienne.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que la décision implicite en litige est fondée sur le motif tiré de ce que les informations communiquées pour justifier de l'objet et des conditions du séjour étaient incomplètes ou non fiables. Après avoir jugé ce motif illégal, le tribunal administratif de Nantes a considéré que le seul et nouveau motif défendu par le ministre de l'intérieur dans son mémoire en défense, tiré de ce que les conditions d'accueil de la jeune A... en France étaient contraires à son intérêt, était de nature à légalement justifier la décision contestée

3. Aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche, sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un acte de kafala du président de la section des affaires familiales du tribunal de Sidi Ali du 22 août 2022, M. D... et son épouse se sont vu confier le recueil légal de l'enfant A... C..., née le 23 avril 2018. Le couple, qui n'a pas d'enfant à charge, réside dans un appartement de type 3 d'une surface corrigée de 125 mètres carrés. Il ressort du relevé établi par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) Midi-Pyrénées que M. D... perçoit mensuellement 1 347 euros, auxquels s'ajoute une allocation de retraite complémentaire de 125 euros. Le reste à charge de son loyer, toutes charges comprises, incluant le chauffage, s'élève à près de 100 euros. Il est ainsi justifié de ce que les ressources et le logement du requérant et de son épouse, leur permettent de prendre en charge la jeune A... C... dans des conditions qui ne sont pas contraires à son intérêt supérieur.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre un visa de long séjour à la jeune A... C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pamponneau de la somme de 1 200 euros hors taxe.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 décembre 2023 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à la jeune A... C..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Pamponneau la somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 février 2025, à laquelle siégeaient :

-M. Gaspon, président de chambre,

-M. Coiffet, président-assesseur,

-Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2025.

La rapporteure,

K. BOUGRINE

Le président,

O. GASPONLa greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00250


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00250
Date de la décision : 18/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS PAMPONNEAU TERRIE PERROUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-18;24nt00250 ?
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