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18/03/2025 | FRANCE | N°23NT03113

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 18 mars 2025, 23NT03113


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C..., épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'abord, d'annuler la décision du 7 février 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a déclaré irrecevable sa demande de titre de séjour, ensuite, d'enjoindre à cette autorité d'enregistrer sa demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une s

omme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de just...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C..., épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'abord, d'annuler la décision du 7 février 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a déclaré irrecevable sa demande de titre de séjour, ensuite, d'enjoindre à cette autorité d'enregistrer sa demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2003404 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du préfet de la Loire-Atlantique en date du 7 février 2020 et enjoint à cette autorité d'enregistrer la demande de titre de séjour de Mme A... dans le délai de huit jours à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2023 préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 septembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A....

Il soutient que :

- le jugement attaqué qui méconnait les dispositions de l'article R.611-10 du CESEDA est entaché d'irrégularité ; le tribunal qui a constaté que la production versée par ses services relative à l'information prévue par l'article L.311-6 du CESEDA était incomplète n'a toutefois pas usé de ses pouvoirs d'instruction ; or, cette notice a été dument présentée à l'intéressé le 10 septembre 2019 qui l'a signée ;

- le jugement attaqué est mal fondé ; il est entaché, d'une part, d'une erreur de fait ; l'administration a transmis à Mme A... la notice d'information relative aux possibilités de demander un titre de séjour dès le début de la procédure dès l'examen en France d'une demande d'asile et l'intéressée a signé ce document le 10 septembre 2019, date de l'enregistrement en préfecture de sa demande d'asile ; en estimant que ce document n'avait pas été transmis à Mme A..., le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de fait ; d'autre part, le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- il se réfère à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Rodrigues Devesas conclut au rejet de la requête du préfet de la Loire-Atlantique, à ce qu'il soit enjoint à cette autorité d'enregistrer sa demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 .

Elle soutient que les moyens soulevés par ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 8 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante congolaise née le 1er octobre 1977, a déposé une demande d'asile le 24 septembre 2019. Le 8 janvier 2020, elle a sollicité auprès du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par une décision du 7 février 2020, le préfet a rejeté cette demande de titre de séjour au motif qu'elle était irrecevable faute d'avoir été présentée dans le délai de trois mois prescrit par les dispositions de l'article D.311-3-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Mme A... a, le 20 mars 2020, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel du jugement du 26 septembre 2023 par lequel cette juridiction a fait droit à la demande de Mme A... et lui a enjoint d'enregistrer la demande de titre de séjour de Mme A... dans le délai de huit jours.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-10 du code de justice administrative : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige. / Le président de la formation de jugement peut déléguer au rapporteur les pouvoirs qui lui sont conférés par les articles R. 611-7, R. 611-7-1, R. 611-8-1, R. 611-8-7, R. 611-11, R. 612-3, R. 612-5, R. 613-1, R. 613-1-1 et R. 613-4. "

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a soutenu devant le tribunal qu'elle n'avait pas été informée sur les conséquences de l'absence de demande de titre de séjour à un autre titre que l'asile dans le délai prescrit. Pour faire droit à ce moyen, les premiers juges ont constaté que la production d'une pièce versée sur ce point par les services préfectoraux à l'appui de leur mémoire en défense était incomplète, ainsi que le reconnait d'ailleurs le préfet en appel, la pièce transmise ne comportant que la première page de la notice d'information relative aux possibilités de solliciter un titre de séjour en France pour un demandeur d'asile. Contrairement à ce que soutient le préfet en appel, le tribunal n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité en n'usant pas des pouvoirs d'instruction qu'il tient de l'article R.611-10 du code de justice administrative, pour solliciter une production complète de la notice d'information en question. Le moyen sera écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L311-6 du CESEDA :" Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour." Et aux termes de l'article D. 311-3-2 de ce code, alors applicable : " Pour l'application de l'article L. 311-6, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné au 11° de l'article L. 313-11, ce délai est porté à trois mois. ".

5. Le préfet de la Loire-Atlantique a versé devant la cour la notice complète d'information relative aux possibilités de solliciter un titre de séjour en France pour un demandeur d'asile, notice qu'il indique avoir remise à Mme A... lorsqu'elle s'est présentée dans ses services le 24 septembre 2019 afin de faire enregistrer sa demande d'asile et qui est effectivement signée de l'intéressée. Dans ces conditions, on ne saurait considérer que Mme A... n'a pas reçu l'information pertinente prescrite par les dispositions citées au point précédent de l'article L. 311-6 du CESEDA. Toutefois, il ressort des pièces versées au dossier de première instance, et ainsi que le faisait déjà valoir Mme A... dans ses écritures, que celle-ci a, tout d'abord, été hospitalisée en psychiatrie au CHS de Blain du 6 août au 23 septembre 2019 pour " un état de stress post-traumatique et épisode dépressif associé ", un traitement médicamenteux lui étant prescrit à sa sortie, et qu'ensuite, ce qu'elle justifie là encore, elle a fait l'objet d'un suivi psychiatrique au sein de la permanence d'accès aux soins de santé (PASS) Psychiatrie du CHU de Nantes, plusieurs consultations ayant effectivement eu lieu les 22 octobre et 21 novembre 2019 puis les 9 et 24 janvier 2020. Alors qu'aucun élément ne permet de considérer que son état de santé s'était sensiblement amélioré par la suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'estimer qu'elle n'était pas en mesure d'effectuer les démarches relatives à la demande d'un titre de séjour autre que l'asile dans les délais imposés par l'article D. 311-3-2 du CESEDA. Il s'ensuit que Mme A... était dès lors fondée à soutenir que la décision du 7 février 2020 portant refus d'enregistrer sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade est entachée d'illégalité.

6. Il résulte de tout ce qui précède que préfet de la Loire-Atlantique n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 7 février 2020.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

7. Le jugement attaqué, qui n'est pas annulé par le présent arrêt, a, dans son article 2, enjoint au préfet de la Loire-Atlantique d'enregistrer dans le délai de huit jours à compter de sa notification, la demande de titre de séjour présentée par Mme A.... Par suite, et alors qu'il n'est pas soutenu par l'intimée que ce jugement n'aurait pas été exécuté, les conclusions que cette dernière réitère devant la cour ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Rodrigues Devesas, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros hors taxe à verser, à ce titre, à Me Rodrigues Devesas.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Loire-Atlantique et le surplus des conclusions présentées par Mme A... en appel sont rejetés.

Article 2 : L'Etat versera à Me Rodrigues Devesas la somme de 1 200 euros hors taxe en application des dispositions de l'article L.761-1du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Loire-Atlantique et à Mme B... C..., épouse A....

Délibéré après l'audience du 28 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025.

Le rapporteur,

O. COIFFET

Le président,

O. GASPON

La greffière,

I.PETTON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03113
Date de la décision : 18/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-18;23nt03113 ?
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