Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 décembre 2019 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que la décision du 17 décembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours préalable obligatoire formé contre cette décision.
Par un jugement n° 2102979 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2024, M. B..., représenté par Me Rudloff, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 décembre 2023 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du ministre de l'intérieur est insuffisamment motivée faute d'indiquer les considérations l'ayant conduit à privilégier le rejet de sa demande plutôt que son ajournement ;
- en estimant qu'il n'avait pas été en mesure de définir la date de la fête nationale, le préfet a commis une erreur de fait ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait ;
- contrairement à ce qu'indique la décision, il a été en mesure de définir la date de la fête nationale ;
- l'appréciation portée par le préfet puis par le ministre procède d'une erreur de droit et est entachée d'erreur manifeste ;
- en rejetant sa demande au lieu de l'ajourner, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions de la requête dirigées contre la décision du préfet du Haut-Rhin du 19 décembre 2019 sont sans objet ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan né le 2 février 1962, a présenté une demande de naturalisation auprès du préfet du Haut-Rhin qui, par une décision du 19 décembre 2019, l'a rejetée. Par une décision du 17 décembre 2020, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours préalable formé par M. B... contre la décision préfectorale. M. B... relève appel du jugement du 14 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Haut-Rhin du 19 décembre 2019 et de la décision du ministre de l'intérieur du 17 décembre 2020.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du dossier de procédure que M. B... a soutenu devant les premiers juges qu'en estimant qu'il n'avait pas été en mesure de définir la date de la fête nationale, le préfet du Haut-Rhin avait entaché sa décision d'erreur de fait. Ainsi qu'il sera dit aux points 3 et 4 du présent arrêt, la décision du ministre de l'intérieur s'est substituée à celle du préfet du Haut-Rhin de sorte que le moyen ci-dessus mentionné était inopérant, la décision ministérielle ne se fondant pas sur l'ignorance par le postulant de la date de la fête nationale. Par ailleurs, si M. B... a également fait valoir que la synthèse du compte-rendu de son entretien d'assimilation mentionnait, à tort, qu'il n'avait pas été en mesure d'indiquer cette date, le tribunal a, au point 6 du jugement attaqué, répondu à cet argument. Il s'ensuit que le tribunal n'a ni omis de répondre à un moyen opérant, ni insuffisamment motivé son jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du préfet du Haut-Rhin :
3. Aux termes de l'article 44 du décret du 30 décembre 1993, dans sa rédaction applicable au litige : " Si le préfet compétent à raison de la résidence du demandeur ou, à Paris, le préfet de police estime, même si la demande est recevable, qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. ". Aux termes de l'article 45 du même décret : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles (...) et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours (...) constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que la décision du ministre de l'intérieur, saisi d'un tel recours préalable obligatoire, se substitue à celle initialement prise par le préfet. Par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Nantes, les conclusions de M. B... doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision du ministre de l'intérieur du 17 décembre 2020.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du ministre de l'intérieur :
5. En premier lieu, M. B... réitère en appel le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée. Il y a lieu de l'écarter part adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
6. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, le ministre de l'intérieur, dont la décision s'est substituée à celle du préfet du Haut-Rhin, ne s'est pas fondé, pour confirmer le rejet de la demande de naturalisation de M. B..., sur la circonstance que ce dernier n'aurait pas été en mesure d'indiquer la date de la fête nationale. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entaché la décision portant rejet de sa demande de naturalisation doit être écarté comme inopérant.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En application de l'article 27 de ce code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation. Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ". En application de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'assimilation à la société française du postulant.
8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu de l'entretien d'assimilation qui s'est tenu le 5 novembre 2019 et dont l'erreur matérielle, entachant la seule synthèse, ne suffit pas à mettre en doute l'exactitude, que M. B... n'a, notamment, su ni donner les dates de la Révolution française ou des première et seconde guerres mondiales, ni indiquer le nom du premier ministre ou celui du maire de sa commune, ni encore restituer les trois termes de la devise française. Il n'a pas davantage été en mesure de définir ou expliquer, même en des termes simples, les principes de liberté, fraternité et laïcité. Il ne ressort pas des pièces médicales versées au dossier que l'état de stress dont se prévaut M. B... et l'absence de prise en charge médicale de l'hypertension dont il souffrait auraient eu une incidence sur sa capacité à répondre aux questions qui lui ont été posées. Dans ces conditions, en estimant insuffisantes les connaissances M. B... sur, notamment, l'histoire de la France ou encore les valeurs et les institutions de la République, le ministre de l'intérieur n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande de M. B..., tenant compte de l'ensemble de sa situation et notamment des éléments de nature à démontrer son intégration ainsi que de son engagement durant l'état d'urgence sanitaire de la COVID-19.
10. En dernier lieu, le rejet de sa demande de naturalisation ne fait pas obstacle, contrairement à une décision d'ajournement, à ce que le postulant forme, sans délai, une nouvelle demande d'acquisition de la nationalité française. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'en privilégiant le rejet à l'ajournement de la demande, le ministre de l'intérieur aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. B... doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
12. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à A... C... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025.
La rapporteure,
K. BougrineLe président,
O. Gaspon
La greffière,
C. Villerot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00526 2
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