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28/01/2025 | FRANCE | N°23NT03284

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 28 janvier 2025, 23NT03284


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 10 décembre 2019 par laquelle la société Orange a rejeté sa demande tendant au report de la date de son départ à la retraite.



Par un jugement n° 2000775 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 10 décembre 2019.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2023

, la société Orange, représentée par Mes Delvolvé et Trichet, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 10 décembre 2019 par laquelle la société Orange a rejeté sa demande tendant au report de la date de son départ à la retraite.

Par un jugement n° 2000775 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 10 décembre 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2023, la société Orange, représentée par Mes Delvolvé et Trichet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 septembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors, d'une part, que le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été mis en ligne dans un délai raisonnable et, d'autre part, que les mentions portées à la connaissance des parties étaient incomplètes ;

- en estimant que la décision du 10 décembre 2019 était insuffisamment motivée alors qu'elle vise l'accord salarial de 2017 qui en constitue le fondement, le tribunal a commis une dénaturation et une erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Vic, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Orange ;

2°) d'enjoindre à la société Orange de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la société Orange une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par la société Orange ne sont pas fondés ;

- le rejet de sa demande tendant au report de la date d'admission à la retraite, en application de l'article 6.3 de l'accord sur l'emploi des séniors du 31 décembre 2012, est illégal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique,

- les observations de Me Delvolvé, représentant la société Orange et les observations de Me Douerin, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 9 novembre 2019, Mme A..., alors employée par la société Orange en qualité de fonctionnaire, a demandé à son employeur de reporter d'un mois la date de son admission à la retraite et de radiation des cadres. Par une décision du 10 décembre 2019, sa demande a été rejetée. La société Orange relève appel du jugement du 14 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de Mme A..., annulé cette décision du 10 décembre 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. ".

3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions précitées, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

4. Par ailleurs, pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs, mentionnés au point précédent, de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

5. Il ressort du relevé de l'application " Sagace " que les parties ont été mises à même de connaître le sens des conclusions du rapporteur public le mardi 29 août 2013 à quatorze heures. Elles ont ainsi été informées du sens des conclusions dans un délai raisonnable avant l'audience qui s'est tenue le jeudi 31 août 2013 à neuf heures trente. En outre, alors que la société Orange ne précise pas en quoi les mentions portées à sa connaissance auraient été incomplètes, il ressort des pièces du dossier de la procédure que le rapporteur public a indiqué les éléments du dispositif de la décision qu'il comptait proposer à la formation de jugement d'adopter. Le moyen tiré de ce que l'arrêt aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière doit, par suite, être écarté.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

6. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 7° Refusent une autorisation (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

7. L'accord sur l'emploi des seniors et les mesures en faveur des deuxièmes parties de carrière, conclu le 31 décembre 2012 entre la société France Télécom et les organisations syndicales représentatives du groupe, prévoit, en son article 6.3, que " par exception, et sur demande justifiée du salarié ", l'employé bénéficiant du dispositif de " Temps partiel Seniors 3 ans avant la retraite (TPS 3) " peut obtenir une date de départ en retraite plus tardive afin d'améliorer son niveau de retraite. La demande formée par Mme A... le 9 novembre 2019 tendait à la prorogation du bénéfice du dispositif TPS 3 et au report de la date de son départ à la retraite d'un mois. La décision contestée du 10 décembre 2019 qui rejette cette demande constitue une décision individuelle défavorable refusant une autorisation au sens des dispositions précitées du 7° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être motivée.

8. La décision contestée motive le refus de reporter la date de départ à la retraite par la circonstance que Mme A... bénéficierait, même en cas de report, " du même indice de départ à la retraite car la mesure de l'accord salarial prévoit de passer du grade 2.3 à l'indice immédiatement supérieur du grade de 3.2. Il ne permet pas de plus de bénéficier d'un changement d'échelon. ". En se référant au seul " accord salarial " sans même en préciser l'intitulé ou la date et sans identifier l'article contenant les stipulations sur lesquelles elle indique être fondée, la décision du 10 décembre 2019 ne comporte pas, de manière suffisamment précise, les considérations de droit qui en constituent le fondement. C'est, par suite, à bon droit que le tribunal administratif de Rennes a, pour annuler la décision en litige, accueilli le moyen tiré de l'insuffisante motivation en droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 10 décembre 2019.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. La décision dont le tribunal a prononcé l'annulation a pour objet la date de radiation des cadres et d'admission à la retraite de Mme A.... L'exécution de ce jugement d'annulation implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il repose, que la société Orange réexamine la demande de Mme A.... Il y a lieu d'enjoindre à la société Orange de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Orange d'une somme au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'appelante la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature supportés par Mme A....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint à la société Orange de réexaminer la demande de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La société Orange versera à Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et à Mme A....

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Pons, premier conseiller,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.

La rapporteure,

K. BOUGRINELe président,

O. GASPON

La greffière,

C. VILLEROT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03284
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : SCP DELVOLVE TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;23nt03284 ?
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