Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 25 janvier 2018 par laquelle le président du conseil départemental de la E... a rejeté sa candidature au poste de responsable de l'unité " Statut juridique et défense des intérêts des enfants ", ainsi que la décision du 7 février 2018 par laquelle il a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision et, d'autre part, de condamner le département de la E... à lui verser la somme de 10 384 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.
Par un jugement n° 1803274 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande et mis à sa charge le versement au département de la E... de la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2022 et un mémoire récapitulatif, enregistré le 30 octobre 2024, présenté en application des dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative et reprenant les conclusions et moyens présentés en première instance et maintenus devant la cour, Mme A..., représentée par Me Vérité, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 octobre 2022 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) de condamner le département de la E... à lui verser la somme de 10 384 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
4°) de mettre à la charge du département de la E... le versement à son conseil, Me Vérité, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- les écritures du département de la E... sont irrecevables ;
- le jugement est irrégulier, faute d'avoir visé et de s'être prononcé sur la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle a présentée dans un mémoire distinct ;
- les décisions contestées sont entachées d'incompétence ;
- elles souffrent d'un défaut de motivation ;
- alors que son grade lui donne vocation à occuper l'emploi sur lequel elle a postulé, elle justifie, en outre, des compétences et de l'expérience nécessaires ;
- elle aurait dû bénéficier d'une priorité de recrutement en raison de son état de santé ;
- il n'est pas exclu que le rejet de sa candidature procède de la discrimination et de la situation de harcèlement moral qu'elle dénonce par ailleurs ;
- les décisions contestées sont entachées de détournement pouvoir ;
- l'illégalité entachant le rejet de sa candidature est à l'origine d'une perte de chance sérieuse d'être nommée sur le poste dont a résulté un préjudice de carrière devant être réparé à hauteur de 7 384 euros ;
- elle a également causé un préjudice moral qu'il convient d'indemniser à hauteur de 3 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 mai 2023 et le 7 novembre 2024, non communiqué, le département de la E..., représenté par Me Meunier, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, du versement d'une somme de 2 500 euros.
Il fait valoir que :
- la demande de Mme A..., dirigée contre une mesure d'ordre intérieur, est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 mars 2023, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A... et relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25 %) par une décision du 28 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2012-924 du 30 juillet 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique,
- et les observations de Mme A... et de Me Vautier, pour le département de la E....
Une note en délibéré, enregistrée le 16 décembre 2024, a été produite pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., rédactrice principale de 1ère classe, employée par le département de la E... et alors affectée à la délégation du département à C..., a présenté, le 13 décembre 2017, sa candidature pour occuper, au sein de la même collectivité, le poste de responsable de l'unité " Statut juridique et défense des intérêts des enfants ", dépendant du service de la protection de l'enfance. Le 25 janvier 2018, le président du conseil départemental a rejeté sa candidature. Par une décision du 7 février 2018, cette même autorité a rejeté le recours gracieux formé par Mme A.... Cette dernière relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du président du conseil départemental du 25 janvier 2018 et du 7 février 2018 et, d'autre part, à la condamnation du département de la E... à lui verser la somme de 10 384 euros en réparation de ses préjudices.
Sur la recevabilité du mémoire en défense du département de la E... :
2. La circonstance que le mémoire présenté par le département de la E... fait état, pour la bonne compréhension de la situation de l'intéressée, des autres instances contentieuses l'opposant à Mme A... n'est pas de nature à rendre ce mémoire irrecevable. Il n'y a, dès lors, pas lieu de l'écarter des débats.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...)
contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / (...) / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / (...) ".
4. Il ressort du dossier de la procédure que, postérieurement à l'audience qui s'est tenue le 22 septembre 2022 mais antérieurement à la date à laquelle le jugement a été rendu public, le 13 octobre 2022, Mme A... a, le 30 septembre 2022, produit devant le tribunal une note en délibéré ainsi qu'un mémoire distinct demandant de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garanties par la Constitution des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le jugement attaqué, dont les visas ne font pas mention du mémoire, distinct, soulevant la question prioritaire de constitutionnalité, est entaché pour ce motif d'une irrégularité.
5. Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la légalité des décisions du président du conseil départemental de la E... du 25 janvier 2018 et du 7 février 2018 :
6. En premier lieu, les décisions attaquées ont été signées par Mme D..., chef du service Emploi et compétences au sein de la direction des ressources humaines. Cette dernière disposait d'une délégation de signature consentie par le président du conseil départemental de la E..., par un arrêté du 20 décembre 2017, en cas d'absence ou d'empêchement concomitant du directeur général des services, du directeur général Ressources et du directeur des ressources humaines, afin de signer les décisions relatives à son service. Il n'est pas sérieusement contesté que les procédures de recrutement relèvent des attributions de ce service, ni que les trois délégataires précédemment désignés n'étaient pas absents ou empêchés. Dans ces conditions, et alors que les termes de l'arrêté du 20 décembre 2017 ne souffrent pas de l'imprécision invoquée par la requérante, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions attaquées doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aucun principe ni texte législatif ou réglementaire n'impose la motivation des décisions rejetant la candidature d'un rédacteur territorial sur un poste au titre de la mobilité interne. En particulier, si Mme A... invoque les dispositions du 8° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, dont il résulte que doivent être motivées les décisions rejetant les recours préalables obligatoires, le recours administratif formé par la requérante, que rejette la décision du 7 février 2018, ne revêt pas le caractère d'un recours préalable obligatoire. Le moyen tiré du défaut de motivation des décisions en litige doit, dès lors, être écarté comme inopérant.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le rejet de la candidature de Mme A..., dont le cadre d'emploi relève de la catégorie B, est motivé par la circonstance que le poste de responsable d'unité " Statut juridique et défense des intérêts des enfants " relève de cadres d'emploi de catégorie A. Si la requérante se prévaut de l'avis de vacance du poste publié sur le site "Cap territorial" le 11 décembre 2017, indiquant que ce poste est ouvert aux grades et cadres d'emplois d'attaché, d'attaché principal, de conseiller socio-éducatif mais aussi de rédacteur, le département de la E... fait valoir qu'il s'agit d'une erreur de plume et verse aux débats les avis publiés sur les sites Intranet et Internet de la collectivité décrivant le poste à pourvoir comme relevant de la catégorie A et ouvert aux seuls attachés et conseillers socio-éducatifs. En outre, en admettant même que, comme le soutient Mme A..., le poste puisse être regardé comme un emploi que son grade de rédacteur principal de 1ère classe lui donnerait vocation à occuper, en application du II de l'article 3 du décret 30 juillet 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux et qu'elle justifierait de l'expertise requise, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le président du conseil départemental puisse légalement privilégier, dans l'intérêt du service, la candidature d'un fonctionnaire appartenant à un cadre d'emploi de catégorie A, les missions décrites dans la fiche de poste répondant aux responsabilités pouvant être confiées aux cadres de cette catégorie.
9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., dont l'état de santé a justifié son placement en congé de maladie pour la période s'étendant du mois de janvier au mois de décembre 2017, a été, par un avis du comité médical du 19 octobre 2017, reconnue " apte à la reprise de ses fonctions à temps complet à l'issue de l'arrêt en cours sur un autre poste (changement d'affectation - à voir avec le médecin de prévention) ". A plusieurs reprises, le médecin de prévention du conseil départemental de la E... a préconisé une mobilité " si possible sur Nantes (pour faciliter les soins) ". La requérante invoque les " principes partagés de gestion et de suivi des effectifs " publiés par le département de la E... en janvier 2015, dont il ressort que les services doivent prêter " une attention particulière à certaines situations individuelles, lors de réintégrations ou d'évolutions organisationnelles. Une priorité est ainsi donnée : - aux agents en situation de repositionnement ou de reclassement à la suite d'un avis médical, de la médecine du travail, du comité médical ou de la commission de réforme ". Toutefois, alors, au demeurant, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... se trouvait en situation de reclassement, les principes de gestion ci-dessus mentionnés énoncent une orientation sans lier l'autorité compétente, à l'occasion de l'examen individuel de chaque candidature, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation de l'intérêt du service. Dès lors, Mme A... ne tirait de ces principes aucun droit à être affectée au poste de responsable de l'unité " Statut juridique et défense des intérêts des enfants ".
10. En cinquième lieu, en soutenant qu'il " n'est pas exclu que le traitement réservé à [sa] candidature (...) soit constitutif d'une discrimination en raison de [son] état de santé et d'une situation de harcèlement moral " dès lors, d'une part, que le président du conseil départemental aurait, dans le cadre de l'examen de sa candidature, eu connaissance de sa fiche d'évaluation de l'année 2017, faisant état de son absence pour raison de santé et, d'autre part, que le département a déploré, dans ses écritures, un " contexte de judiciarisation accru " illustré par les nombreux contentieux engagés par la requérante, Mme A... n'apporte pas d'éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une discrimination ou de faits de harcèlement moral.
11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions litigieuses procèderaient d'un détournement de pouvoir.
12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le département de la E..., que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions du président du conseil départemental de la E... du 25 janvier 2018 et du 7 février 2018.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
13. L'illégalité des décisions attaquées n'étant pas établie, Mme A... n'est pas fondée à demander la réparation des préjudices qu'elle soutient avoir subis en raison du rejet de sa candidature.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de la E..., lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... d'une somme au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme que demande le département de la E... au titre des frais de même nature qu'il a supportés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803274 du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de la E....
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.
La rapporteure,
K. BOUGRINELe président,
O. GASPONLa greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au préfet de laE... en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT04064