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04/12/2024 | FRANCE | N°24NT02668

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, Juge unique, 04 décembre 2024, 24NT02668


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Boulon a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 31 mars 2022 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Cingal-Suisse Normande a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal.



Par un jugement n° 2201261 du 1er juillet 2024, le tribunal administratif de Caen a annulé la délibération du 31 mars 2022, a rejeté les conclusions de la communauté de communes Cingal-Suisse Normande formul

ées au titre de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ainsi que celles tendant à ce que soien...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Boulon a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 31 mars 2022 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Cingal-Suisse Normande a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal.

Par un jugement n° 2201261 du 1er juillet 2024, le tribunal administratif de Caen a annulé la délibération du 31 mars 2022, a rejeté les conclusions de la communauté de communes Cingal-Suisse Normande formulées au titre de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ainsi que celles tendant à ce que soient limités dans le temps les effets de l'annulation prononcée et a mis à la charge de la communauté de communes une somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 août 2024, deux mémoires de production de pièces enregistrés les 10 septembre 2024 et 8 novembre 2024 et un mémoire en réplique enregistré le 22 novembre 2024, la communauté de communes Cingal-Suisse Normande, représentée par Me Gorand, demande à la cour de prononcer, à titre principal, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, au titre de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du 1er juillet 2024 et de mettre à la charge de la commune de Boulon le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La communauté de communes Cingal-Suisse Normande soutient que :

- il existe des moyens de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué au sens de l'article R. 811-15 du code de justice administrative :

* contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif : le rapport de présentation comporte une analyse de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestier et ne méconnait pas les dispositions de l'article l. 151-4 du code de l'urbanisme ; les données relatives aux objectifs de modération de la consommation sont cohérentes ; il a correctement évalué le taux de croissance démographique ; il comporte une étude sur les incidences environnementales des différents scénarii démographiques et ne méconnait pas les dispositions de l'article R. 151-3 du code de l'urbanisme ;

* si les données sur la consommation de chaque type d'espace ne figurent effectivement pas dans le rapport de présentation, les données citées proviennent du plan Biodiversité porté par l'office national de la biodiversité et, en Normandie par l'Agence normande de Biodiversité et de développement durable (ANBDD) dont le site internet offre une estimation de la consommation foncière pour chaque type d'espace ; dès lors le renvoi implicite à ce site internet suffit pour considérer que les auteurs du PLUi ont suffisamment analysé la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers des 10 dernières années ; d'autres éléments de comparaison et d'évolution étaient présentés notamment dans le diagnostic de la première partie du PLUi ;

* les données relatives aux objectifs de modération de la consommation de l'espace ne sont pas incohérentes ; d'une part, les STECAL économiques et les STECAL équipements n'ont pas été mentionnés dans le bilan de la consommation foncière pour les 20 prochaines années mais elles ont pour objet la réalisation de projets sur des espaces déjà artificialisés et n'entrainent ainsi pas de réduction des espaces naturels, agricoles et forestiers ; d'autre part, les incohérences relevées, au demeurant légères et non substantielles, relèvent de l'utilisation de deux méthodologies pour comptabiliser la consommation foncière : celle des auteurs du PLUi et celle, plus large, des auteurs du SCoT ;

* les auteurs du PLUi n'ont pas surestimé les perspectives de croissance démographique durant l'élaboration du PLUi ; la grande majorité des communes ont ainsi une croissance démographique annuelle comprise entre 0,65% et 2,8%, confirmant ainsi les prévisions de croissance de 1,1% par an à l'échelon intercommunal ; la communauté de communes s'est appuyée sur les données du SCoT pour ce qui concerne la croissance démographique, non pas de l'ensemble du territoire, mais de son territoire particulier bénéficiant d'une croissance démographique supérieure à la moyenne du SCoT ; le PLUi a tenu compte du ralentissement démographique observée sur la période 2010-2015 en abaissant les prévisions de croissance démographiques à 1,1% contre 1,2% constaté sur la période 2010-2015 et 1,6% constaté sur la période 2008-2013 ; les données de l'INSEE relatives au ralentissement de la croissance démographiques n'étaient pas connues et n'ont été publiées qu'un mois avant l'arrêt du projet de PLUi ; aucune disposition législative ou réglementaire n'impose aux auteurs de plan de mettre à jour leurs données démographiques au cours de la procédure d'élaboration du plan ;

* les auteurs du PLUi n'ont pas méconnu l'article R. 151-3 du code de l'urbanisme dès lors les différents scenarii démographiques présentés avaient pour unique objet de présenter des situations plausibles alors que seul l'un des scenarii était compatible avec le SCoT applicable, le fait de ne pas avoir analysé les incidences environnementales de chaque scenario n'a ni exercé une influence sur le sens de la décision litigieuse, ni nuit à l'information complète de la population ;

- il existe des moyens de nature à justifier le rejet des conclusions à fins d'annulation accueillies par le jugement attaqué :

* le rapport de présentation n'est pas lacunaire sur l'analyse de la consommation d'espaces au cour des dix années précédant l'arrêt du projet de plan ; outre le rapport de présentation, la partie justification du rapport de présentation, l'analyse de la consommation de sols est en outre analysée dans la partie diagnostic du PLUi ; tous ces éléments sont des synthèses produites à partir de documents communiqués à l'ensemble des élus ; la commune de Boulon ne démontre pas que les chiffres présentés seraient faux ;

* les chiffres sur la consommation d'espaces sur la période du PLUi ne sont pas insincères du fait de la non intégration des STECAL ; le chiffre de réduction de la consommation foncière d'environ 30 % annoncé dans le PADD n'est pas erroné et correspond à un objectif et une ambition politique que se sont fixés les élus du territoire et qui est expliqué de façon transparente dans la partie justification du rapport de présentation ; à ce stade, les 4 zones classées en Nenr du PLUi et les STECAL ne participent pas toutes à l'artificialisation des sols ;

* le taux de croissance démographique retenu par les auteurs du PLUi est suffisamment motivé ;

* les données relatives à la démographie retenues par les auteurs du PLUi ne sont pas obsolètes mais ont été fixées à partir des seules données alors disponibles ; les données du recensement 2018 n'ont été publiées qu'au 1er janvier 2020, soit seulement un mois avant l'arrêt du projet du PLUi ;

* les auteurs du PLUi n'ont pas méconnu l'article R. 151-3 du code de l'urbanisme ; dès lors que les différents scenarii démographiques présentés avaient pour unique objet de présenter des situations plausibles alors que seul l'un des scenarii était compatible avec le SCoT applicable, le fait de ne pas avoir analysé les incidences environnementales de chaque scenario n'a ni exercé une influence sur le sens de la décision litigieuse, ni nuit à l'information complète de la population ;

- il existe des moyens sérieux au sens de l'article R. 811-17 du code de justice administrative :

* outre les moyens déjà développés au titre de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, c'est à tort que les premiers juges ont, d'une part, considéré que les motifs d'annulation retenus n'étaient pas susceptibles de régularisation et, d'autre part, ont conclu à une annulation totale et non partielle du PLUi en application des pouvoirs qu'ils détiennent de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ;

* c'est à tort que les premiers juges ont refusé de moduler dans le temps les effets de leur annulation du PLUi conformément à la jurisprudence Association AC ! dès lors que l'annulation du PLUi a pour effet de remettre en application certains anciens documents d'urbanisme applicables à des communes désormais fusionnées ; 25 PLU et 5 cartes communales entreront ainsi à nouveau en vigueur et 18 communes, soit 20 % de la population et 30 % du territoire de la communauté de communes, seront concernées par l'application du règlement national d'urbanisme de telle sorte que 937 hectares qui étaient préservés par le PLUi seront réouverts à l'urbanisation ; l'annulation immédiate du PLUi entrainera l'illégalité de nombreuses autorisations d'urbanisme délivrées ce qui est susceptible d'affecter les finances de la communauté de communes en cas d'engagement de sa responsabilité pour faute.

- l'exécution du jugement attaqué est susceptible d'entrainer des conséquences difficilement réparables :

* l'exécution du jugement attaqué aura pour effet de remettre en cause la légalité des autorisations d'urbanisme qui ont été délivrées sur le fondement du PLUi ;

* l'exécution du jugement sera susceptible d'engager la responsabilité de la commune pour faute en cas d'annulation desdites autorisations ;

* l'exécution du jugement va mettre fin à la réalisation de certains projets qui vont affecter le développement de la communauté de communes ;

* le retour aux anciens documents d'urbanisme va rouvrir à l'urbanisation des espaces et va mettre fin à la protection et à la préservation de nombreux espaces boisés (a minima 2 928 hectares soit 46% des espaces boisés de la communauté de communes), de haies bocagères (322 km soit 43 % des haies protégées du territoire) ou d'autres éléments du patrimoine naturel normand.

- les autres moyens de la demande présentée en première instance par la commune de Boulon sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2024, la commune de Boulon, représentée par Me Soublin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes Cingal-Suisse Normande le versement de la somme de

5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ne sont pas remplies ;

- les conditions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ne sont pas remplies.

Vu :

- la requête n° 24NT02663 enregistrée le 29 août 2024 par laquelle la communauté de communes Cingal-Suisse Normande a demandé l'annulation du jugement n° 2201261 du 1er juillet 2024 du tribunal administratif de Caen ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet, présidente-rapporteure ;

- les observations de Me Debuys substituant Me Gorand, représentant la communauté de communes Cingal-Suisse Normande et de Me Soublin, représentant de la commune de Boulon.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".

2. Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

3. Aux termes de l'article R. 811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ".

4. Par une délibération du 31 mars 2022, le conseil communautaire de la communauté de communes Cingal-Suisse Normande a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal. Par un jugement du 1er juillet 2024, le tribunal administratif de Caen a annulé cette délibération du conseil communautaire de la communauté de communes Cingal-Suisse Normande.

5. Aucun des moyens soulevés par la communauté de communes Cingal-Suisse Normande ne paraît, en l'état de l'instruction, sérieux au sens des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement du 1er juillet 2024 du tribunal administratif de Caen, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce même jugement. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner si l'exécution de l'arrêté litigieux est susceptible d'exposer la collectivité requérante à des conséquences difficilement réparables, les conclusions de la communauté de communes Cingal-Suisse Normande tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 1er juillet 2024 doivent être rejetées.

6. Par suite, les conclusions de la communauté de communes Cingal-Suisse Normande présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la communauté de communes Cingal-Suisse Normande le versement à la commune de Boulon de la somme qu'elle demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête à fin de sursis à exécution présentée par la communauté de communes Cingal-Suisse Normande est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Boulon présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Cingal-Suisse Normande et à la commune de Boulon.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2024.

La présidente-rapporteure

C. BUFFETLa greffière

M. A...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : Juge unique
Numéro d'arrêt : 24NT02668
Date de la décision : 04/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Avocat(s) : SELARL AUGER VIELPEAU LE COUSTUMER - MEDEAS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-04;24nt02668 ?
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