Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 24 novembre 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif formé contre la décision du ministre des armées en tant que cette décision refuse l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre d'une hypoacousie bilatérale et d'acouphènes bilatéraux permanents et, subsidiairement, de prescrire une expertise médicale.
Par un jugement n° 2200167 du 15 décembre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Letertre, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 15 décembre 2023 ;
2°) à titre principal, d'annuler la décision de la commission de recours de l'invalidité du 24 novembre 2021 ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les taux d'infirmité retenus au titre de l'hypoacousie bilatérale, d'une part et des acouphènes bilatéraux permanents, d'autre part, sont sous sous-évalués ;
- les troubles auditifs dont il souffre résultent de l'accident de plongée qu'il a subi le 24 novembre 2014 ;
- ces troubles sont évolutifs de sorte qu'il convient de procéder à une nouvelle évaluation de sa perte auditive.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., officier-marinier rayé des contrôles le 1er août 2016, a sollicité le 24 mai 2019 une pension militaire d'invalidité en se prévalant de " lésions lombaires et ORL " dont il attribue l'origine à des blessures reçues à l'occasion du service. Par un arrêté du 19 avril 2021, M. A... s'est vu reconnaître un droit à pension au titre de l'infirmité résultant de séquelles de hernie discale imputables à un accident de service survenu le 30 janvier 2012. Par une décision du 27 avril 2021, le ministre des armées a, en revanche, rejeté sa demande de pension au titre des infirmités résultant, d'une part, d'hypoacousie bilatérale et, d'autre part, d'acouphènes bilatéraux permanents. M. A... a saisi la commission de recours de l'invalidité d'un recours administratif dirigé contre cette décision ministérielle en tant qu'elle refuse l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de ces deux infirmités. Par une décision du 24 novembre 2021, la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours. M. A... relève appel du jugement du 15 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / (...) ".
3. D'autre part, le second alinéa de l'article L. 121-4 du même code dispose : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ".
4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / b) 40 % en cas d'infirmités multiples. ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie.
5. Enfin, en vertu de l'article L. 125-1 du même code, le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. Par ailleurs, il convient d'apprécier le degré d'invalidité à la date de la demande de pension sans tenir compte d'une éventuelle aggravation survenue après cette date.
En ce qui concerne les droits à pension au titre de l'hypoacousie bilatérale :
6. Il résulte de l'expertise médicale menée le 25 janvier 2021 dans le cadre de l'instruction de la demande de pension de M. A..., à l'occasion de laquelle un bilan audiométrique a été réalisé, que la perte d'acuité auditive observée chez l'intéressé s'élève à 36,25 décibels à droite et à 31,25 décibels à gauche. Selon le tableau à double entrée figurant dans le guide barème des invalidités, ces diminutions d'acuité auditive correspondent à un taux d'invalidité de 5 %. Tant le médecin conseil expert chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 16 février 2021 que la commission consultative médicale, dans son avis du 26 mars 2021, ont estimé que la gêne fonctionnelle subie par M. A... en raison de son hypoacousie bilatérale devait être évaluée à 5 %. Si le requérant fait valoir qu'il a dû s'équiper d'un appareillage et qu'un oto-rhino-laryngologue a certifié, à l'issue d'une consultation réalisée le 11 mai 2018, que l'audiogramme alors mené mettait en évidence une " surdité moyenne de perception bilatérale sur les fréquences aigües ", ces considérations ne suffisent pas à démontrer que les troubles fonctionnels générés par l'infirmité considérée traduisaient, à la date de la demande de pension, une invalidité supérieure au taux préconisé par le guide-barème. Dans ces conditions, le taux d'invalidité concernant l'hypoacousie bilatérale dont souffre M. A... doit être fixée à 5 %. Ce taux étant inférieur au seuil minimal requis par les dispositions, citées au point 3, de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, M. A... n'a pas droit à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité à raison de l'hypoacousie bilatérale.
En ce qui concerne les droits à pension au titre des acouphènes bilatéraux permanents :
7. En premier lieu, selon les indications du guide-barème, " les traumatismes de l'oreille moyenne, les acouphènes ne sont jamais durables ; leur intensité est modérée. La guérison rapide est la règle. / Au contraire, dans l'otite chronique moyenne sèche, dans l'otospongiose et, surtout dans les labyrinthites ou neurolabyrinthites, les bourdonnements peuvent durer plusieurs années avec une intensité plus ou moins constante. / Ceux-là seuls méritent d'être l'objet d'une indemnisation qui, suivant leur gravité (durée, intensité, retentissement sur l'état général, moral et psychique), variera de [entre] 10 à 30 ". Le médecin-expert a relevé, à l'issue de l'examen du 25 janvier 2021, que l'intéressé décrivait des " acouphènes bilatéraux permanents à type de sifflement très bien tolérés, sans répercussion sur le sommeil ". Il a estimé que l'invalidité en résultant devait être évaluée à 10 %. Ce même taux a été retenu par le médecin conseil expert chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 16 février 2021 et par la commission consultative médicale, dans son avis du 26 mars 2021. Aucun élément versé à l'instruction ne vient étayer les allégations de M. A... selon lesquelles il ne correspondrait pas à son degré d'invalidité. Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le taux d'invalidité concernant les acouphènes à 10 %.
8. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. A... appartenait au corps des officiers mariniers de maintenance et exerçait les fonctions de plongeur-démineur. Le 24 novembre 2014, lors d'une plongée effectuée à l'occasion du service, il a subi un barotraumatisme de l'oreille moyenne gauche dont a résulté une otite. Il résulte tant de l'expertise médicale du 25 janvier 2021 que du certificat du médecin spécialisé en oto-rhino-laryngologie de l'hôpital d'instruction des armées de Toulon du 21 avril 2016 que ce barotraumatisme " aurait bien récupéré sous traitement ". M. A... s'est plaint d'acouphènes bilatéraux, pour la première fois, au printemps 2016. Aucun élément de l'instruction ne permet de rattacher l'apparition de ces acouphènes au barotraumatisme survenu le 24 novembre 2014. A l'inverse, le médecin-conseil et la commission consultative médicale relient cette infirmité aux activités régulières de plongées et aux travaux confiés à M. A..., du fait de sa spécialité, dans des milieux où la pression est supérieure à la pression atmosphérique. Dans les circonstances de l'espèce, l'infirmité de M. A... doit ainsi être regardée comme résultant d'une maladie et non d'une blessure au sens des dispositions, citées au point 4, de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Conformément à ces mêmes dispositions, cette infirmité n'ouvre pas, faute d'atteindre le taux d'invalidité de 30 %, droit à pension.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin, eu égard aux motifs énoncés aux points 6 et 8, d'ordonner une expertise médicale, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mis à la charge de l'Etat, lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
La rapporteure,
K. BOUGRINELe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00173