Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision du 14 décembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 18 juillet 2022 de l'autorité consulaire française à Bruxelles (Belgique) refusant de lui délivrer un visa de long séjour pour études a, à son tour, refusé de délivrer le visa sollicité, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer, de faire délivrer le visa de long séjour sollicité, dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2300764 du 25 septembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande présentée par Mme D....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2024, Mme D... représentée par Me Dewaele, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 septembre 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bruxelles refusant de lui délivrer un visa long séjour études ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de dix jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme D... d'une somme de 2000 euros hors taxe à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux particulier de sa situation ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande au seul motif qu'elle ne justifiait pas du caractère suffisant de ses ressources dans le cadre de ses études en France ; il n'a pas sérieusement examiné sa situation, notamment au regard du sérieux de son projet professionnel, du lien de ce dernier avec sa reprise d'études, de sa prise en charge par son concubin sur le territoire français et des revenus potentiels dans le cadre d'un contrat en alternance ;
- elle a produit dans le cadre du recours devant la CRRV le 14 septembre 2022 une attestation de prise en charge établie par son fiancé avec des fiches de paie des mois de mars à mai 2022 faisant état d'un salaire mensuel net compris entre 8 763 euros et 3 614 euros, montants bien supérieurs aux 615 euros requis par l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative à la directive (UE) 2016/801 ; par ailleurs, elle justifiait de ressources propres dans le cadre d'un contrat d'alternance dont elle démontre la réalité avec la promesse d'embauche ; et si cette promesse d'embauche ne mentionne pas le salaire attendu, cette dernière précise cependant le type de contrat, le statut d'alternant et le type de convention collective, tous éléments permettant de " trouver " le montant du salaire proposé ; au 14 décembre 2022, elle justifiait d'une embauche concrète et réelle : " Je vous confirme que nous avons retenu votre candidature " pour un salaire au moins égal au SMIC.
La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur et des outre-mer le 21 février 2024 qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante camerounaise née le 5 janvier 1993 à Baleng (Cameroun), est entrée régulièrement en Belgique le 2 décembre 2020 sous couvert d'un visa de long séjour afin de poursuivre ses études, valable jusqu'au 26 mai 2021. Les autorités belges lui ont délivré un titre de séjour pour études valable jusqu'au 31 octobre 2022. Elle a sollicité, le 10 janvier 2022, auprès de l'autorité consulaire française à Bruxelles (Belgique), la délivrance d'un visa long séjour pour études et s'est vu opposer un refus par une décision du 18 juillet 2022. Saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre cette décision consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) a refusé de délivrer le visa sollicité par une décision du 14 décembre 2022.
2. Mme D... a, le 2 mars 2023, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation la décision du 14 décembre 2022. Elle relève appel du jugement du 25 septembre 2023 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, l'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste d'appréciation, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
4. Il ressort des éléments du dossier que, pour refuser de délivrer un visa de long séjour pour études à Mme D..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés de ce que le projet d'études de cette dernière ne s'inscrivait pas dans un projet professionnel précis et réaliste dès lors qu'elle n'a pas, pendant deux ans, validé de diplôme, de ce que les informations communiquées pour justifier les conditions du séjour en France, notamment en termes d'hébergement et de déplacement, n'étaient pas fiables et de ce que, compte tenu de la situation personnelle de la demandeuse, âgée de vingt-neuf ans et dont le compagnon réside en France et en l'absence d'éléments convaincants notamment sur d'éventuels intérêts de nature matérielle ou familiale dans son pays de résidence, susceptibles d'assurer des garanties de retour suffisantes, il existait un risque de détournement de l'objet du visa.
5. En premier lieu, il est constant que Mme D..., après avoir été employée du 1er janvier 2019 au 30 novembre 2020 comme adjoint au responsable des achats au sein de l'entreprise So Fo H3 située à Douala au Cameroun, a été inscrite pour les années 2020-2021 et 2021-2022 à la Haute Ecole Provinciale du Hainaut à Mons - Belgique - dans un cursus en Bachelor Marketing, Management touristique et Hôtelier - et qu'elle n'a validé aucun diplôme à l'issue de ces deux années. Si elle explique, s'agissant de l'année 2020-2021, avoir été ajournée en raison " notamment de la crise sanitaire et des mesures de confinement qui s'en sont suivies ", elle se borne à avancer comme en première instance, s'agissant de l'année universitaire suivante, que son ajournement est dû " à des difficultés personnelles et des problèmes de santé " sans étayer en aucune façon ses affirmations. Ensuite, si Mme D... a produit une attestation d'inscription en Master à l'INSEEC de Lyon puis a indiqué, dans le recours qu'elle a formé devant la CRRV, préférer s'inscrire à l'université de Toulouse dans un master en alternance, l'enseignement théorique étant dispensé à plus de 50 kms de cette ville et l'entreprise l'accueillant à plus de 260 kms, le ministre a fait valoir qu'elle ne démontrait ni la nécessité, ni la plus-value d'étudier en France par rapport aux formations qui existent dans son pays et qui seraient susceptibles de lui offrir les mêmes opportunités professionnelles, en indiquant en particulier que l'Institut universitaire de la côte de Douala dont elle est diplômée offrait le même type de formation. La requérante n'a apporté aucun élément permettant de remettre en cause cette appréciation. Compte tenu de l'ensemble des éléments, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, pour refuser à Mme D... le visa sollicité, se fonder, sans erreur manifeste d'appréciation de la situation, sur le fait que " le projet d'études de cette dernière ne s'inscrivait pas dans un projet professionnel précis et réaliste ". Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle s'était fondée seulement sur ce seul motif, qui suffit à lui seul à justifier la décision contestée.
6. En deuxième lieu, Mme D... a, devant les premiers juges, pour justifier du caractère suffisant de ses ressources et de ses conditions de séjour en France, produit une attestation de prise en charge financière établie à son profit par M. A... C..., qu'elle présente comme son fiancé. Elle n'a pas justifié de la réalité dans la durée des ressources de ce dernier en se bornant à produire des bulletins de salaire pour les seuls mois de mars, avril et mai 2022. Si la requérante soutient de nouveau en appel qu'elle a vocation à percevoir des revenus dans le cadre de la formation en alternance qu'elle entend poursuivre en France, elle ne produit à ce titre qu'une promesse d'embauche et ne précise pas le montant de la rémunération qui lui serait versée à ce titre. Dans ces conditions, Mme D... n'établit pas davantage en appel qu'en première instance disposer de ressources financières suffisantes pour faire face aux frais de son séjour en France. Ce second motif opposé par la CRRV permettait également de fonder la décision contestée.
7. En troisième lieu, et pour le surplus, Mme D... se borne à reprendre en appel les mêmes moyens que ceux présentés en première instance sans les assortir de précisions ou d'éléments complémentaires, il y a lieu, par suite, de les écarter en se fondant sur les mêmes motifs tirés, d'une part, de ce que la décision du 14 décembre 2022 de la CRRV, qui comporte la mention des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'un exposé suffisant des considérations de fait sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée en droit et en fait et, d'autre part, qu'il a été effectivement procédé à un examen particulier de la situation de la requérante.
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 14 décembre 2022 ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Mme D..., qui succombe dans la présente espèce, de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°24NT00487 2