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16/07/2024 | FRANCE | N°23NT03894

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 16 juillet 2024, 23NT03894


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le courrier du 29 juin 2021 par lequel le Greta-CFA du ... l'a informée de son intention de ne pas renouveler son contrat de travail.



Par une ordonnance n° 2110624 du 7 novembre 2023, le président du tribunal administratif de Nantes a estimé que sa requête était manifestement irrecevable et l'a rejetée sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
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Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le courrier du 29 juin 2021 par lequel le Greta-CFA du ... l'a informée de son intention de ne pas renouveler son contrat de travail.

Par une ordonnance n° 2110624 du 7 novembre 2023, le président du tribunal administratif de Nantes a estimé que sa requête était manifestement irrecevable et l'a rejetée sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 décembre 2023 et 17 juin 2024, Mme B..., représentée par Me Gaudré Coeur-Uni, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 7 novembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 29 juin 2021 ;

3°) de mettre à la charge du Greta-CFA du ..., le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence de toute autre décision, ce courrier l'informant du non renouvellement de son contrat de travail, constitue un acte faisant grief.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2024, le GRETA CFA du ... (Site du Mans), représenté par Me Bardoul, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bardoul, représentant le Greta-CFA du ....

Une note en délibéré, enregistrée le 2 juillet 2024, a été produite pour le Greta-CFA du ... mais n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par le centre de formation des apprentis ... dans le cadre d'un contrat à durée déterminée en qualité de ... pour la période du 5 septembre 2016 au 31 août 2017. Son contrat de travail a été renouvelé à trois reprises jusqu'au 31 décembre 2019. A la suite du rattachement du CFA au Greta-CFA du ..., un nouveau contrat lui a été proposé pour la période du 1er janvier au 31 août 2020. Il a été reconduit du 1er septembre 2020 au 31 août 2021. Mme B... a contesté devant le tribunal administratif de Nantes le courrier du 29 juin 2021 par lequel le GRETA-CFA du ... l'a informé de son intention de ne pas renouveler son contrat de travail au-delà de son terme. Elle relève appel de l'ordonnance du 7 novembre 2023 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité de l'ordonnance,

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dans sa rédaction en vigueur à la date de l'ordonnance contestée : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

3. La décision par laquelle l'autorité administrative compétente met fin à ses relations contractuelles avec un agent non-titulaire doit être regardée comme un refus de renouvellement de contrat si elle intervient à l'échéance du contrat et comme un licenciement si elle intervient au cours de ce nouveau contrat. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par un courrier du 29 juin 2021, qui comportait la mention des voies et délais de recours, le chef d'établissement support du Greta-CFA du ... a informé Mme B... de son intention de ne pas renouveler son contrat au-delà du 31 août 2021. Eu égard à ces mentions, aux termes de son dernier contrat conclu le 24 juillet 2020, qui précisait que l'intéressée avait été recrutée pour répondre à un besoin permanent et qui rappelait le délai de prévenance prévu à l'article 45 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat en cas de renouvellement ou de non renouvellement de son contrat, et en l'absence de toute autre décision ultérieure lui signifiant le non renouvellement de son contrat, ce courrier du 29 juin 2021 ne peut être regardé comme une simple information insusceptible de recours. Il constitue une décision de refus de renouvellement de contrat faisant grief à l'intéressée, qui, contrairement à ce qu'a jugé le président du tribunal administratif par l'ordonnance attaquée, est susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir.

4. Par ailleurs, si la décision contestée du 29 juin 2021, qui, compte tenu de sa date, n'a pas pu être communiquée à Mme B... lors de son entretien qui s'est tenu le 28 juin 2021, lui a été notifiée par lettre simple portant le cachet d'envoi de la Poste du 19 juillet 2021, la date de réception de ce courrier ne peut être établie, pas plus que celle de la réception du courrier du recteur de l'académie de Nantes du 19 juillet 2021 qui lui a été adressé. De plus, il n'est pas contesté que le courriel adressé par Mme B... au chef d'établissement support du Greta-CFA du ..., pour lui demander de reconsidérer sa situation, lu le 21 juillet suivant, est resté sans réponse. Dans ces conditions, et alors qu'aux termes de l'article 6 de son contrat l'intéressée devait être informée par une lettre recommandée avec accusé de réception du renouvellement ou non de celui-ci, le Greta-CFA du ..., qui n'a pas respecté cette clause, n'est pas fondé à soutenir que la requête présentée par Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 29 juin 2021, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes le 22 septembre 2021 était tardive et par suite irrecevable.

5. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 3 et 4, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête comme manifestement irrecevable. En conséquence, cette ordonnance doit être annulée.

6. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes par la voie de l'évocation.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 29 juin 2021 :

7. Il est constant que par un arrêté du 30 décembre 2019, le recteur de l'Académie de Nantes a décidé que les activités du CFA EN 72 seraient transférées à la date du 1er janvier 2020 au Greta du ..., et que Mme B... a été recrutée par cette nouvelle structure pour une première période du 1er janvier au 31 août 2020, puis pour une seconde période du 1er septembre 2020 au 31 août 2021, notamment pour assurer les fonctions de " ... ". Si le Greta-CFA soutient que la restructuration du " pôle territorial " n'a été effective qu'au 1er septembre 2021, les pièces dont il se prévaut, et notamment les procès-verbaux des réunions d'assemblée générale des 18 novembre 2020 et 23 juin 2021 et le compte rendu de la réunion du 16 juin 2021 du conseil de direction du réseau Greta-CFA confirment seulement que cette réorganisation interne a été évoquée au cours de ces réunions sans préciser les conséquences qu'elle entraînait pour les agents en poste notamment à la rentrée suivante, ni les éventuelles évolutions de l'activité. Par suite, ces seuls documents ne permettent pas d'établir la suppression du poste de ... qu'occupait Mme B... à la fin de son contrat fixé au 31 août 2021. En revanche, Mme B... produit une copie de la fiche de poste établie en vue du recrutement d'un agent contractuel à compter du 1er septembre 2021 en qualité de " chargé d'information et d'accompagnement à la formation de l'apprentissage " intégrant la mission de référent handicap. Le Greta produit d'ailleurs la lettre de mission correspondant au poste de " chargée de l'accompagnement social- référente handicap - référente mobilité nationale des apprentis " adressé à Mme A... en vue de sa prise de fonction au 1er octobre 2021. Ni la circonstance que la parution de cette offre d'emploi constituerait une " erreur de communication " à laquelle il n'aurait pas été donné de suite, ni le tableau de ses effectifs à la date du 15 mars 2022, faisant apparaître de nombreux agents contractuels administratifs sans mentionner leurs fonctions, ne suffisent à établir la suppression du poste occupé par Mme B... depuis le 1er janvier 2020 dans cette nouvelle structure. De plus, dans un courrier du 29 juin 2021 produit au dossier, le syndicat Snetaa-FO faisait valoir que la fonction de référente " handicap ", assurée jusqu'à cette date par l'intéressée, constitue une mission obligatoire au sein du Greta, et que le non renouvellement de son contrat impliquait qu'elle soit confiée à un autre agent. Enfin, Mme B... justifie avoir saisi le recteur de l'académie de Nantes le 10 mars 2021 sur sa situation. Elle rappelait que son recrutement sur un emploi de catégorie A en 2016 avait été transformé en emploi de catégorie B lors du transfert du CFA EN 72 au Greta CFA du ... et qu'en dépit de son inscription sur la liste d'aptitude 2020-2021 des conseillers en formation continue dans l'académie de Nantes, les emplois vacants dans le département de la Sarthe ne lui avaient pas été proposés. Dans ce courrier, elle dénonçait également la dégradation de la situation générale du Greta-CFA du .... Compte tenu de l'ensemble de ces éléments intervenus au cours de l'année 2021 alors que le transfert d'établissement est intervenu au 1er janvier 2020, soit plus d'un an auparavant, Mme B... est fondée à soutenir que la décision refusant de renouveler son contrat a été prise pour des motifs étrangers à l'intérêt du service.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens exposés en première instance, que Mme B... est fondée à solliciter l'annulation de la décision du 29 juin 2021.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'Etat de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement support du Greta-CFA du ... le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2110624 du 7 novembre 2023 du président du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La décision du 29 juin 2021 du chef d'établissement support du Greta-CFA du ... est annulée.

Article 3 : L'établissement support du Greta-CFA du ... versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du Greta du ... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au Greta-CFA du ....

Une copie en sera adressée au recteur de l'académie de Nantes.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juillet 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

C. VILLEROT

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03894
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : CABINET SANDRINE GAUDRE COEUR-UNI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;23nt03894 ?
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