Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du
29 novembre 2023 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois, et d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.
Par un jugement n° 2400599 du 25 avril 2024, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 mai, 19 juin et 27 juin 2024, le préfet du Morbihan demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 avril 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de fait et une erreur de droit s'agissant du traitement par l'administration de la demande de Mme C..., en précisant dans le jugement attaqué que celle-ci était en situation régulière en France et que la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " sur le fondement de l'article L. 421-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était, en dépit de son ancienneté, toujours en cours d'instruction ; Mme C... ne remplissait pas les conditions lui permettant d'obtenir un " passeport talent ", dès lors qu'elle n'était pas arrivée en France munie d'un visa de long séjour et qu'elle n'a pas justifié disposer de ressources suffisantes ; la situation de cette ressortissante albanaise a été examinée par ses services de manière diligente et bienveillante ;
- le tribunal a commis une erreur de droit quant à la demande de titre de séjour de M. B..., en retenant une inexacte application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que la demande de titre du requérant était fondée sur les articles L. 435-1 et L. 435-2 de ce code ;
- aucune erreur d'appréciation de la situation personnelle et du droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale ne peut lui être reprochée ;
- les moyens tirés par l'intimé, à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire, de l'insuffisante motivation, du défaut d'examen particulier, et de la méconnaissance des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Par des mémoires enregistrés les 10 et 25 juin 2024, M. D... B..., représenté par
Me Saligari, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet du Morbihan ;
2°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
S'agissant de la décision portant refus du titre de séjour :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en rejetant sa demande de titre de séjour alors qu'il avait fait valoir des motifs exceptionnels et des motifs d'ordre humanitaire à l'appui de cette demande ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de
séjour et obligation de quitter le territoire ;
- l'ensemble des moyens précédemment invoqués sont repris ;
S'agissant de l'obligation de remise de son passeport et de présentation au commissariat :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de
séjour et obligation de quitter le territoire ;
- l'ensemble des moyens précédemment invoqués sont repris ;
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de
séjour et obligation de quitter le territoire ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Obriot, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant albanais né le 15 mai 1995, déclare être entré en France en septembre 2017. Il a déposé une demande d'admission au titre de l'asile. Par une décision du 30 novembre 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile. Cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 25 septembre 2018 et, par un arrêté du 19 décembre 2018, devenu définitif, le préfet du Morbihan a édicté un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à l'encontre de M. B..., auquel celui-ci ne s'est pas conformé. Ayant été rejoint en 2018 par sa compagne, Mme C..., M. B... a sollicité une nouvelle fois, le 23 janvier 2023, son admission au séjour, à titre principal, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 435-2 du même code. Par un arrêté du 29 novembre 2023, le préfet du Morbihan a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de six mois. Le préfet du Morbihan relève appel du jugement du
25 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision et a enjoint à l'autorité administrative de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal a retenu, pour annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 29 novembre 2023, le moyen tiré de ce que ce préfet avait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. B... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale.
3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...). ".
4. Si M. B... résidait en France depuis un peu plus de six ans à la date de la décision litigieuse, il s'est maintenu sur le territoire irrégulièrement pendant plus de quatre ans avant de solliciter, le 23 janvier 2023, la régularisation de sa situation. S'il fait état de la présence en France, en situation régulière, de son frère et de sa belle-sœur, et de celle de sa compagne, il n'établit pas être dépourvu de liens en Albanie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Sa compagne, arrivée en France un an après lui et dont les demandes d'asile ont été rejetées par l'OFPRA et la CNDA en 2018 et 2021, ne dispose pas d'un titre lui conférant un droit séjour durable sur le territoire dès lors que la demande de régularisation de sa situation administrative, qu'elle a déposée le 19 avril 2022, est en cours d'examen. L'intégration sociale ou par le travail de
M. B..., qui se prévaut seulement, au plan professionnel, d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée à partir de septembre 2022 comme manutentionnaire pour une société de Plogonnec (Finistère), n'apparaît pas non plus particulièrement significative ou remarquable bien que l'intéressé fasse valoir son hébergement par " L'Entraide Protestante " de Lorient, qui met des logements à disposition des personnes défavorisées, sa participation comme bénévole à l'activité de cette association pour des opérations d'entretien et de petites réparations des logements, et sa contribution à l'organisation du festival interceltique de Lorient et à l'encadrement de l'équipe Junior de l'Union Sportive La Montagne. Il résulte de ce qui précède que, alors même que Mme A... C... présente un profil de sportive de haut niveau susceptible de lui offrir des perspectives de régularisation, le préfet du Morbihan n'a pas entaché d'erreur d'appréciation sa décision en retenant que, compte tenu de l'ancienneté du séjour et des liens personnels et familiaux en France de son compagnon, M. B..., il n'était pas porté par la décision litigieuse à la situation personnelle et à la vie privée et familiale de celui-ci une atteinte disproportionnée.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Morbihan est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du
29 novembre 2023 au motif qu'il avait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....
Sur les autres moyens invoqués par M. B... :
6. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 435-2 de ce code : " L'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles et justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ".
7. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est dès lors suffisamment motivée.
8. En deuxième lieu, lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par un étranger sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 6, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger, dont la présence en France ne doit pas constituer une menace pour l'ordre public, est accueilli dans un organisme de travail solidaire et justifie de trois années d'activité ininterrompue auprès d'un ou plusieurs organismes relevant de cette catégorie. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
9. M. B..., qui se borne à faire valoir son hébergement par " L'Entraide Protestante " de Lorient, qui met des logements à disposition des personnes défavorisées, sa participation comme bénévole à l'activité de cette association pour des opérations d'entretien et de petites réparations des logements, et sa contribution à l'organisation du festival interceltique de Lorient et à l'encadrement de l'équipe Junior de l'Union Sportive la Montagne, ne justifie pas que, comme il le soutient, le préfet du Morbihan aurait estimé à tort que les activités susmentionnées ne rentreraient pas dans le cadre des dispositions de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 6. Son moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut, par suite être accueilli.
10. En troisième lieu, en présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
11. Il résulte de ce qui ce qui a déjà été dit ci-dessus au point 4 que le préfet du Morbihan n'a pas fait une appréciation manifestement erronée de la situation de M. B... en estimant que sa demande d'admission au séjour ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels.
12. En dernier lieu, le moyen tiré par M. B... de ce que, en lui refusant le titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet du Morbihan aurait commis une erreur d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus aux points 4 et 11.
13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. B... dirigées contre la décision par laquelle le préfet du Morbihan lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ne peuvent être accueillies.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. Même s'il s'est maintenu sur le territoire irrégulièrement en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 19 décembre 2018, soit près de cinq ans auparavant,
M. B... résidait en France depuis plus de six ans à la date de l'arrêté litigieux. Il ressort des termes mêmes de cet arrêté qu'il vit en concubinage avec Mme A... C..., ressortissante albanaise. Cette dernière, joueuse professionnelle de basketball, membre de l'équipe nationale d'Albanie de 2015 à 2018 et, désormais, de l'équipe de Lorient qui évolue au niveau national, entraîne les jeunes joueurs à titre bénévole et a demandé, le 19 avril 2022, la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " sur le fondement de l'article L. 421-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande est, depuis cette date, toujours en cours d'instruction et Mme C... est titulaire d'une autorisation provisoire de séjour en France valable jusqu'au 17 juillet 2024. Mme C... atteste avoir noué une relation avec M. B... depuis la fin du mois de janvier 2014, soit depuis plus de neuf ans à la date de l'arrêté attaqué. Elle l'a rejoint en France depuis le mois de septembre 2018 et le couple vit ensemble. Dans les circonstances particulières de l'espèce, compte tenu de l'ancienneté et de la stabilité de la relation entre M. B... et Mme C... et bien que la situation de celle-ci au regard de son droit au séjour en France ne soit pas encore réglée par la prise d'une décision préfectorale lui accordant ou lui refusant un titre de séjour, le préfet du Morbihan, en décidant, sans attendre d'avoir pris cette décision, qui relevait pourtant de ses attributions, d'obliger M. B... à quitter le territoire, ce qui a nécessairement pour conséquence une séparation du couple, a porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressé. Si le préfet fait valoir que la demande de Mme C... tendant à l'attribution d'un titre portant la mention " passeport talent " était vouée au rejet, l'intéressée n'en remplissant pas les conditions d'octroi, notamment faute d'être entrée sur le territoire munie d'un visa de long séjour ou de détenir un titre de séjour en cours de validité, et s'il fait état des diligences de ses services pour permettre à l'intéressée de présenter une demande de titre sur un autre fondement, ce que l'intéressée a d'ailleurs fait, il lui appartenait, avant de décider d'éloigner M. B..., de mener à son terme l'examen de la demande dont il était saisi de la part de Mme C... et, le cas échéant, de prendre à l'encontre de celle-ci une décision de refus de séjour si, comme il le prétend, elle ne produisait pas les justificatifs qu'il lui demandait. Il suit de là que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le moyen tiré par la requérante de la méconnaissance par le préfet du Morbihan des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être accueilli et que la décision obligeant M. B... à quitter le territoire doit être annulée.
En ce qui concerne les autres décisions contestées :
16. Les décisions fixant le pays de destination, obligeant M. B... à remettre de son passeport et à se présenter périodiquement au commissariat et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de six mois doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision obligeant M. B... à quitter le territoire.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
17. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ". Le présent arrêt annulant seulement l'obligation faite à l'intéressé de quitter le territoire et les décisions accessoires implique nécessairement mais seulement, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet territorialement compétent réexamine la situation administrative de M. B... et lui délivre sans délai une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Morbihan de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Morbihan est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, annulé son arrêté du 29 novembre 2023, en tant que cet arrêté a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, et, d'autre part, a enjoint à l'autorité administrative de délivrer à l'intéressé un titre de séjour mention " vie privée et familiale ".
Sur les frais liés à l'instance :
19. ll n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 avril 2024 est annulé en tant, d'une part, qu'il a annulé la décision du 29 novembre 2023 par laquelle le préfet du Morbihan a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, et, d'autre part, qu'il a enjoint à l'autorité administrative de délivrer à l'intéressé un titre de séjour mention " vie privée et familiale ".
Article 2 : Il est enjoint au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de
M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 avril 2024 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet du Morbihan est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de M. B... fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Brisson, présidente,
M. Vergne, président-assesseur,
Mme Lellouch, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01512