Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... B... a demandé au tribunal de Rennes, d'une part, d'annuler l'arrêté et la décision du 23 mai 2019 par lesquels le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours d'Ille-et-Vilaine (SDIS 35) et le directeur des ressources humaines du SDIS 35 ont refusé de reconnaître comme imputables au service ses arrêts de travail du 22 au 24 février 2014, du 3 mars au 5 mai 2014, du 28 janvier au 13 mars 2015, du 14 janvier au 13 mars 2017, et du 19 décembre 2017 au 30 octobre 2018, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux contre ces décisions et d'enjoindre au SDIS 35, à titre principal, de reconnaître comme imputables au service ces arrêts de travail, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, et, d'autre part, de condamner le SDIS 35 à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis dans le cadre professionnel.
Par un jugement n° 1905469 du 20 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions contestées, a enjoint au SDIS 35 de statuer à nouveau sur la demande de
M. B... relative à l'imputabilité au service de ses arrêts de travail dans un délai de deux mois, et a rejeté les conclusions indemnitaires de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 mars 2023, le 1er février 2024 et le 6 juin 2024, M. D... B..., représenté par Me Mlekuz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions indemnitaires ;
2°) d'enjoindre au SDIS 35 de reconnaître comme imputables au service ses arrêts de travail du 22 au 24 février 2014, du 3 mars au 5 mai 2014, du 28 janvier au 13 mars 2015, du
14 janvier au 13 mars 2017 et du 19 décembre 2017 au 30 octobre 2018 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 20 000 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter de sa réclamation indemnitaire et capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge du SDIS 35 la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité pour faute du SDIS 35 est engagée compte tenu de l'existence d'une situation de harcèlement moral révélée par des traitements hostiles ou discriminatoires, notamment en raison de son état de santé, ayant entraîné un retard de carrière et une dévalorisation elle-même à l'origine de comportements irrespectueux à son égard, par le défaut de paiement du supplément familial qui lui était dû, par des changements d'affectation multiples en peu d'années ;
- à tout le moins, il doit être reproché à son employeur un manquement à son obligation de sécurité compte tenu notamment des alertes qu'il a adressées à sa hiérarchie à plusieurs reprises et qui n'ont pas été suivies d'effets ;
- la responsabilité sans faute du SDIS 35 est engagée dès lors qu'il a enduré, du fait d'une maladie professionnelle imputable au service, de nombreux préjudices ;
- il subit des préjudices moral, matériel, esthétique, d'agrément, ainsi que des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice de carrière qui doivent être évalués à la somme totale de 20 000 euros à parfaire ;
- au besoin, le tribunal peut ordonner une expertise médicale confiée à un psychiatre, afin de déterminer la totalité des préjudices subis ;
- le jugement du tribunal doit être confirmé en tant qu'il a annulé les décisions contestées en première instance pour vice de procédure et erreur de droit et l'appel incident du SDIS 35 doit être rejeté alors en outre que d'autres illégalité externes ou internes entachant ces décisions.
Par des mémoires enregistrés les 20 octobre 2023, 23 février 2024 et 19 juin 2024, le
SDIS 35 représenté par Me Fleischl, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête d'appel de M. B... et l'intégralité de ses demandes ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement attaqué par lesquels le tribunal administratif a annulé les décisions contestées de refus d'imputabilité au service des arrêts de travail de M. B..., lui a enjoint de réexaminer la demande d'imputabilité de celui-ci, et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions d'appel de M. B... doivent être rejetées, dès lors qu'aucun harcèlement moral à son encontre n'est établi, ni aucun manquement à l'obligation de sécurité du SDIS 35 ;
- il est fondé à demander par la voie de l'appel incident l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a fait droit aux conclusions d'annulation de M. B..., en l'absence de vice de procédure et d'erreur de droit entachant les décisions annulées par le tribunal.
Par un courrier du 26 juin 2024, les parties ont été informées, en application de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office et tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident du SDIS 35, qui soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel de M. B... et sont constitutives d'un appel principal enregistré après l'expiration du délai d'appel et, par suite, tardif.
Par un mémoire enregistré le 28 juin 2024, le SDIS 35 a répondu à ce moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- les conclusions de M. Berthon,
- et les observations de Me Mlekuz, représentant M. B... et de Me Fleischl, représentant le SDIS 35.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté par le service départemental d'incendie et de secours
d'Ille-et-Vilaine (SDIS 35) à compter du 1er mai 2002 en qualité de sapeur-pompier professionnel. Il a été affecté successivement, en Ille-et-Vilaine, aux centres de secours de Rennes-Le Blosne, de 2001 à 2007, de Saint-Malo d'avril 2008 à avril 2012, de Rennes-Beauregard d'avril 2012 à mai 2017, de Fougères durant 15 mois du 1er juin 2017 au 31 octobre 2018, puis à la caserne de sapeurs-pompiers de Rennes-Saint-Georges depuis cette dernière date. Par un courrier du 4 juillet 2017, il a saisi le président de ce service d'une demande tendant à voir reconnaître comme imputable au service la pathologie à l'origine de ses congés de maladie du 22 au 24 février 2014, du 3 mars au 5 mai 2014, du 28 janvier au 13 mars 2015 et du 14 janvier au 13 mars 2017. Ultérieurement, par un courrier du 10 janvier 2019, il a aussi sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de son congé de maladie du 19 décembre 2017 au 30 octobre 2018. Par un arrêté du 23 mai 2019, le président du conseil d'administration du SDIS 35 a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des congés de maladie visés dans le courrier du 4 juillet 2017. Par un courrier du même jour il a notifié cet arrêté à M. B..., indiquant également à celui-ci qu'il ne faisait pas droit non plus à sa demande du 10 janvier 2019 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service du congé de maladie du 19 décembre 2017 au
30 octobre 2018. Le 23 juillet 2019, M. B... a, d'une part, formé un recours gracieux contre les décisions du 23 mai 2019, dont il a sollicité le retrait, d'autre part, présenté une réclamation indemnitaire aux fins d'obtenir réparation des préjudices, qu'il impute à des agissements constitutifs d'un harcèlement moral, sur le double fondement de la responsabilité pour faute et de la responsabilité sans faute du SDIS 35 à son égard, mais ces demandes ont été rejetées le
2 septembre 2019 par le président du SDIS. Par un jugement du 20 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes, saisi par M. B..., a annulé les décisions de refus d'imputabilité contestées par celui-ci, enjoint au SDIS 35 de statuer à nouveau sur sa demande relative à l'imputabilité au service de ses arrêts de travail, et rejeté ses conclusions indemnitaires.
M. B... relève appel de ce jugement, en tant qu'il ne fait pas droit à ses conclusions indemnitaires. Le SDIS 35, intimé, présente par la voie de l'appel incident des conclusions par lesquelles il demande l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du jugement attaqué par lesquels le tribunal administratif a annulé les décisions contestées de refus d'imputabilité au service des arrêts de travail de M. B..., lui a enjoint de réexaminer la demande d'imputabilité de celui-ci, et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions présentées par le SDIS 35 :
2. Les conclusions du SDIS 35 demandant l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du jugement attaqué par lesquels le tribunal administratif a annulé les décisions contestées de refus d'imputabilité au service des arrêts de travail de M. B..., lui a enjoint de réexaminer la demande d'imputabilité de celui-ci, et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soulèvent un litige distinct de celui, contenu dans la requête d'appel régulièrement introduite par M. B... dans le délai d'appel de deux mois suivant la notification du jugement attaqué, par lequel cet appelant demande seulement à la cour la remise en cause de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires. Ces conclusions de l'intimé, présentées dans un mémoire enregistré le 20 octobre 2023, présentent le caractère d'un appel principal présenté tardivement, plus de deux mois après la notification au SDIS, le 23 janvier 2023 à 11h59, du jugement contesté, et ne peuvent qu'être rejetées en raison de leur irrecevabilité.
Sur les conclusions indemnitaires de M. B... :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute du SDIS 35 :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Enfin, aux termes de l'article 23 de la même loi : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. La responsabilité de l'administration peut être engagée, d'une part, pour faute, en raison des agissements de l'agent auteur du harcèlement, laquelle n'est en principe pas détachable du service, et, d'autre part, en cas de carence de l'administration à ses obligations de protection de l'agent qu'elle emploie.
S'agissant du harcèlement moral :
4. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
5. Afin de caractériser le harcèlement moral et la souffrance au travail dont il se dit victime, M. B... dénonce, en produisant les témoignages de six collègues, plusieurs situations s'étant produites à partir de 2012, au cours desquelles il aurait fait l'objet, de la part de ses supérieurs hiérarchiques ou des personnes en charge de l'encadrer, de propos blessants et d'attitudes discriminatoires, notamment pour accéder à des formations ou bénéficier d'un avancement au grade supérieur, de la part de certains collègues, d'attitudes irrespectueuses ou de propos injurieux, ainsi que d'un défaut de prise en compte ou de respect de son grade et son ancienneté. Il reproche au SDIS de ne pas avoir réagi aux événements anormaux qu'il a subis, après qu'il les lui eût signalés. Il fait valoir en produisant des certificats médicaux le retentissement de ces événements et situations sur son état de santé, notamment au plan psychologique, et le refus qui lui a été illégalement opposé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail. Ces éléments, à supposer établis les faits dénoncés, sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.
6. En premier lieu, M. B... fait valoir qu'il a subi du fait de l'administration un retard anormal pour être promu et accéder à certaines responsabilités, notamment pour devenir
sous-officier en accédant au grade de sergent, grade auquel il n'a accédé qu'en 2014 et qui permet d'exercer les fonctions de chef d'agrès. Il résulte de l'instruction, d'une part, qu'une délibération du 27 juin 2007 du conseil d'administration du SDIS 35 portant approbation de la procédure de nomination au grade de sergent, a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 avril 2008 au motif qu'elle prévoyait pour l'avancement à ce grade des modalités d'établissement de la liste d'aptitude non prévues par les textes et que, d'autre part, les délibérations des 17 février 2009 puis 29 juin 2010 par lesquelles le conseil d'administration du SDIS 35 a défini des modalités de présélection pour l'accès à la formation d'adaptation à l'emploi (FAE) de chef d'agrès nécessaire pour accéder au grade de sergent, ont été ultérieurement abrogées en juin 2010 et en octobre 2011. Toutefois, ces délibérations à caractère réglementaire ultérieurement annulées ou abrogées n'étaient pas applicables à la seule situation de M. B... et n'ont pas été prises pour régler sa situation particulière. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la carrière de M. B... aurait été retardée du fait de l'illégalité de ces dispositions, alors, d'une part, qu'il a fait l'objet d'un ajournement à la session de la FAE organisée en mars 2011 faute d'avoir validé l'unité de valeur incendie niveau 2 pratique (INC2) " par manque d'expérience en tant que chef d'agrès " ; formation qu'il n'a pas validée par rattrapage la même année, mais l'année suivante, le 26 octobre 2012, et, d'autre part, que selon les tableaux comparatifs retraçant les dates de déroulement de carrière et d'accès à la FAE produits par le SDIS 35, dont les informations qu'il comporte ne sont pas sérieusement remises en cause par le requérant, celui-ci n'est pas le seul dans sa situation, et l'intéressé a validé cette formation et accédé au grade de sergent dans un délai qui n'apparaît pas significativement plus long que celui des autres agents ayant débuté leur carrière ou obtenu la validation de formation requise à la même époque que lui. Enfin, si le requérant soutient qu'il a dû attendre un certain temps avant d'occuper des fonctions de chef d'agrès, il résulte au contraire de l'instruction que ses premières interventions à ce titre ont eu lieu les 7 juillet et 30 septembre 2014, alors que sa promotion lui permettant d'occuper cette fonction n'était intervenue qu'à partir du 1er juillet 2014, et qu'il a exercé ces fonctions à 473 reprises entre le 1er juillet 2014 et le 31 décembre 2021 selon le tableau comparatif d'activité produit par le SDIS, dont la fiabilité des données qu'il comporte n'est pas contestée. Aucun élément ne permet de considérer cette fréquence comme insuffisante, compte tenu notamment de longues absences pour maladie de M. B... durant cette période, retracées dans un " tableau de synthèse des arrêts de travail " produit pas le SDIS. Il ne résulte donc de l'instruction aucun retard d'accès au grade ou à des responsabilités supérieures qui pourrait être imputable à des agissements discriminatoires à l'encontre de
M. B....
7. En deuxième lieu, M. B... dénonce le comportement anormal et hostile à son égard d'un collègue, l'adjudant F... qui était responsable pédagogique du stage auquel il a participé en vue de la validation de la FAE de chef d'agrès et dont il ressort d'une attestation du 24 janvier 2022 du lieutenant-colonel A... qu'il était investi de responsabilités étendues en matière de formation des sapeurs-pompiers.
8. Il ressort effectivement d'attestations versées au débat par l'appelant, dont les énonciations ne sont pas remises en cause par les pièces produites en défense, que, le 12 octobre 2012, lors de la session de rattrapage de la FAE de chef d'agrès à laquelle a participé M. B..., ce directeur de stage a exprimé auprès des évaluateurs du jury son opinion négative sur la performance et le niveau de celui-ci, puis, au cours de la réunion de bilan du stage, a fait état devant tous les stagiaires participants, de son opinion sur le stagiaire évalué en troisième position, soit M. B..., déclarant que celui-ci n'avait pas atteint l'objectif général de l'exercice. S'il ressort des pièces du dossier, notamment du guide national de référence des emplois des activités et de formations de tronc commun des sapeurs-pompiers annexé à l'arrêté du 19 décembre 2006 et de l'attestation du 24 janvier 2022 mentionnée ci-dessus au point 7 que ce sapeur-pompier professionnel, en sa qualité de responsable pédagogique, avait la charge du bon déroulement des séquences pratiques certificatives de cette formation et ne pouvait donc se désintéresser des modalités de validation acquis par les stagiaires et des performances de ceux-ci, il n'en a pas moins adopté une attitude négative et inutilement blessante envers M. B... en particulier. Il ne résulte pas de l'instruction, en revanche, que, comme il est soutenu, M. B..., qui a d'ailleurs validé sa formation, aurait été soumis à l'initiative de M. C..., par rapport aux autres candidats, à des exercices spécifiques ou à des exigences plus difficiles, donc à un traitement discriminatoire en ce qui concerne l'épreuve lui permettant de valider l'unité de valeur incendie niveau 2 pratique (INC2) qu'il devait repasser en 2012, ou que les évaluateurs qui lui ont accordé la validation de cette épreuve auraient fait l'objet de pressions pour modifier leur appréciation. Il résulte de l'instruction que le comportement de M. C..., considéré comme anormal par l'un des membres du jury, a été signalé par celui-ci à l'échelon hiérarchique supérieur, qui n'est pas resté passif et a convoqué l'intéressé pour recueillir ses explications. L'absence de transmission de ce signalement à un échelon encore supérieur ne révèle pas la dissimulation ou la rétention d'une information qui n'aurait pas dû être traitée au seul niveau du lieutenant-colonel ..., chef du groupement territorial centre, lequel atteste ne pas y avoir repéré d'anomalie justifiant que ledit signalement soit traité à un autre niveau. M. B... soutient encore que M. C... n'aurait pas traité avec diligence une de ses demandes de stage pour le maintien de ses acquis de formateur et produit l'attestation d'un témoin indiquant qu'il n'a pas été donné suite à sa demande de formation de maintien des acquis en 2015 et que, interrogé sur ce point, M. C... aurait déclaré qu'il " ne voulait plus " de M. B... dans ses formations. Toutefois, ce grief ponctuel, même s'il pas contesté dans sa matérialité de manière convaincante par une attestation de l'agent mis en cause, lequel affirme n'avoir aucune compétence pour la validation des stages, explication douteuse eu égard à ses responsabilités étendues en matière de formation, notamment de formateurs, rappelées dans l'attestation du 24 janvier 2022 du lieutenant-colonel ..., et même s'il révèle une mésentente et un mésestime certaines entre M. C... et M. B..., n'apparaît pas, même ajouté au premier grief retenu ci-dessus, constitutif d'un agissement du premier envers le second qui pourrait être qualifié de harcèlement du fait de son intensité particulière, de sa persistance ou de sa répétition.
9. En troisième lieu, M. B... reproche à son chef de centre, E..., d'avoir émis un avis très défavorable à sa promotion sans lui fournir d'explications et d'avoir en 2015 tenu à son encontre des propos dénigrants devant ses collègues.
10. Toutefois, d'une part, le caractère injustifié de l'avis émis par le supérieur hiérarchique de M. B... n'est pas établi. La seule circonstance que ce supérieur, contrairement néanmoins à ce qui lui avait été demandé par son propre supérieur hiérarchique, n'ait pas reçu l'intéressé pour lui expliquer les motifs de son avis, bien que regrettable, ne permet pas de caractériser un agissement de harcèlement moral, M. B... ne justifiant pas, en outre, de diligences effectuées en vain pour être reçu en entretien. D'autre part, il résulte des témoignages de deux agents que lors d'un rassemblement de garde en janvier 2015, le chef de centre, en réponse à des doléances du personnel relatives à l'accès limité aux fonctions de chef d'agrès, a fait état du nombre important de sous-officiers en place en indiquant que certains d'entre eux avaient été nommés " socialement ", faisant ainsi référence aux agents ayant accédé au grade de sergent en raison de leur ancienneté. Si un des témoins indique que ces déclarations s'adressaient à M. B..., le second témoin relate des propos formulés de manière générale. Dans son attestation du 22 janvier 2022, le chef de centre indique que, dans le cadre d'explications formulées sur les rangs, il a seulement déclaré que compte tenu d'un nombre de titulaires du grade de sergent supérieur aux besoins du centre de secours, il ne pouvait permettre à l'ensemble des détenteurs de ce grade d'exercer les fonctions de chef d'agrès, précisant dans cette attestation que ces propos ne s'adressaient pas " expressément ou uniquement " à M. B.... Il ne résulte pas de l'instruction que la référence à une nomination " sociale " de certains agents, avait pour objet ou aurait eu pour effet de viser spécifiquement et de manière blessante M. B....
11. En quatrième lieu, dans un compte rendu du 2 mai 2017 adressé à sa hiérarchie, qui conteste cependant l'avoir reçu, M. B... a dénoncé des faits imputés à son supérieur hiérarchique courant 2017. S'il reproche à celui-ci de l'avoir publiquement mis en cause lors d'un rassemblement en avril 2017 en lui rappelant les modalités d'utilisation de la feuille de garde, il résulte toutefois de l'instruction que ces remarques faisaient suite au comportement lors d'un départ en intervention du requérant, auquel il est reproché de ne pas s'être conformé aux énonciations de ce document, établi par son supérieur hiérarchique, officier de garde et chargé à ce titre de désigner les fonctions opérationnelles des agents envoyés en mission. Ces faits ont donné lieu lors du rassemblement, à un rappel des règles et procédures applicables, sans qu'il soit pour autant établi que M. B... ait été visé nommément et publiquement à cette occasion.
12. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que ce même supérieur hiérarchique, qui reconnaît s'être rendu au réfectoire afin de remettre à M. B... un document que celui-ci n'avait pas signé en dépit de ses demandes insistantes, ce qui a suscité sa mauvaise humeur, le lui aurait violemment arraché des mains devant ses collègues, ainsi que le soutient M. B..., faits contestés par son supérieur hiérarchique dans une attestation produite par le SDIS 35.
13. En sixième lieu, si M. B... déplore n'avoir bénéficié d'aucune formation de maintien des acquis avant sa reprise de travail en opérationnel, au retour de son arrêt de travail pour raison de santé du 19 décembre 2017 au 30 octobre 2018, il résulte de l'instruction qu'il a bénéficié de cette formation dès le 7 décembre 2018, soit un mois après son retour. Alors qu'aucune disposition légale n'impose l'organisation d'une formation de maintien des acquis au retour d'un congé de maladie et qu'il n'est pas établi que M. B... ait sollicité une telle formation, aucun agissement constitutif d'un harcèlement moral ne peut être retenu sur ce point.
14. En septième lieu, s'il résulte de l'instruction des relations parfois tendues entre certains agents du SDIS et M. B..., qui ont donné lieu, au moins à quatre reprises, à des propos déplacés et blessants, voire grossiers à son encontre, notamment à partir de 2021 au sein du centre de secours Rennes Saint-Georges, où, selon le requérant lui-même, ses trois premières années d'affectation s'étaient pourtant déroulées de manière satisfaisante, il n'en résulte pas qu'elles auraient revêtu un caractère très répétitif ou d'une particulière intensité et il apparaît que l'administration est intervenue par un rappel à l'ordre, pour recevoir M. B..., pour demander des explications à l'auteur des propos dénoncés, ou pour proposer une médiation permettant un apaisement de la situation, sans que, en l'état du dossier, ces interventions puissent être considérées comme insuffisantes et comme ayant, en raison de cette insuffisance, permis la persistance d'une situation pouvant être regardée comme une situation de harcèlement moral. En particulier, si la réponse du 5 juillet 2017 du chef du groupement territorial centre à M. B... l'invitant seulement à agir par ses propres moyens, compte tenu du caractère pénal des faits en cause, contre les propos à caractère diffamatoire prononcés pourtant dans le cadre professionnel contre lui le 31 janvier 2017 au cours d'une formation par un formateur déclarant devant les stagiaires présents que M. B... prenait des congés maladie afin de ne pas terminer ses formations et qu'il n'était pas capable de réussir la formation en cours car il était trop contestataire, est inappropriée, il résulte de l'instruction, d'une part, qu'il a été proposé à
M. B... par le directeur des ressources humaines du SDIS, le 26 juillet 2017, de le recevoir, et, d'autre part, que l'auteur des propos en cause a été convoqué par sa hiérarchie pour un rappel des règles de bon usage dans un cadre relationnel, ainsi que l'indique le directeur des ressources humaines dans une attestation du 4 octobre 2021, ce dont M. B... a d'ailleurs été informé par un courrier du 5 janvier 2018. Et il n'apparaît pas que, pour les années 2021 et suivantes, l'attitude du SDIS face aux propos, parfois blessants, tenus par certains agents envers M. B... ou, très ponctuellement, le 14 avril 2022, sur un réseau social fréquenté par les sapeurs-pompiers professionnels de Rennes, ait été partiale ou excessivement passive, de sorte qu'elle aurait encouragé la persistance d'une situation constitutive d'un harcèlement moral. Dans une attestation du 29 juin 2016, un collègue de M. B... indique qu'à la suite des faits décrits au point 10, celui-ci aurait dû, à deux reprises, reprendre des collègues qui ne le respectaient pas dans le cadre de l'organisation collective ou en opération de service et que l'intéressé devait " menacer certains agents d'un compte rendu s'ils continuaient à essayer de lui désobéir ", et dans une autre attestation du 11 juillet 2019, un autre collègue de M. B... indique avoir entendu de jeunes sapeurs-pompiers du centre de secours de Saint-Georges porter des jugements à son égard. Mais ces attestations peu circonstanciées sur la nature et le contexte des faits dont elles font état ne permettent pas d'établir que M. B... aurait été victime de propos ou d'agissements irrespectueux systématiques ou récurrents ni que, face à des débordements suffisamment caractérisés, sa hiérarchie se serait abstenue d'intervenir.
15. En huitième lieu, si M. B... fait valoir qu'il n'a pas bénéficié du supplément familial de traitement pendant la totalité de son dernier congé de maladie, il résulte de l'instruction que cette situation est imputable à une erreur informatique dont la cause est expliquée par le
SDIS 35, qui est étrangère à toute intention de nuire et dont il a été opéré la régularisation en janvier 2019.
16. En neuvième lieu, M. B... invoque ses différents changements d'affectation qui l'ont amené à travailler dans cinq centres de secours en dix ans. Il résulte toutefois de l'instruction que ceux-ci sont intervenus à sa demande et ont été motivés par des choix de carrière ou des contraintes d'ordre personnel sans que leur lien avec des difficultés d'ordre professionnel soit établi. Les demandes de M. B... ont par ailleurs toujours été satisfaites, à l'exception d'une demande de retour au centre de secours principal de Rennes-Beauregard, compte tenu des difficultés évoquées par l'intéressé lui-même dans un courrier du 4 juillet 2017 et de la présence dans ce centre d'agents avec lesquels il avait déclaré avoir été en conflit. Il ne résulte pas de l'instruction que, comme il le soutient, M. B... aurait tenté à plusieurs reprises d'évoquer ses difficultés avec sa hiérarchie. Sur ce point, la seule mention dans un des comptes-rendus d'évaluation de M. B... qu'il doit accepter de se remettre en question et accepter les conseils qui lui sont prodigués ne permet pas d'établir qu'il aurait été dans l'impossibilité de signaler d'éventuelles difficultés auxquelles il aurait été confronté ou dissuadé de le faire.
17. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que, pour refuser à M. B... la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail des années 2014, 2015, 2017 et 2018, le SDIS 35, après avoir recueilli un avis rendu par la commission de réforme à l'issue d'un vote auquel a participé le médecin spécialiste de la pathologie de l'intéressé, donc entaché d'irrégularité puisque ce médecin n'avait pas voix délibérative, s'est fondé sur le motif, erroné en droit, de l'existence d'un lien devant être non seulement direct et certain, mais également exclusif entre la maladie justifiant ces arrêts de travail et le service. Si les décisions de refus d'imputabilité sont, pour ces motifs, entachées d'illégalité, ainsi qu'il a été jugé par le tribunal dans son jugement du 20 janvier 2023, qui est devenu définitif sur ce point, comme il a été dit ci-dessus au point 2, ni ces décisions ni l'erreur de droit et le vice de procédure dont elles sont entachées ne permettent de caractériser un harcèlement, ni une malveillance ou un parti pris négatif de la part du SDIS envers M. B....
18. Il résulte de ce qui précède que les éléments invoqués par M. B... ne sont pas constitutifs d'une situation de harcèlement moral, les seuls faits retenus ci-dessus, notamment aux points 8 et 14 ne permettant pas de caractériser l'existence d'une telle situation.
S'agissant de la méconnaissance par le SDIS 35 d'une obligation de sécurité :
19. D'une part, ainsi qu'il a été dit, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait été victime d'une situation de harcèlement moral. Il n'est pas davantage établi qu'il aurait interpellé à plusieurs reprises sa hiérarchie entre 2012 et 2015 sur l'existence de difficultés particulières, ni que les courriers de signalement d'une situation anormale d'octobre 2012 seraient demeurés sans suite, le directeur de stage ayant été invité par sa hiérarchie à s'expliquer sur les faits dénoncés dans ces courriers. A la suite des doléances qu'il a formulées en 2017 notamment dans son courrier du 4 juillet 2017, M. B... a été reçu en entretien le 1er septembre 2017 par sa hiérarchie. D'autre part, alors que le SDIS 35 justifie de l'existence d'un registre santé sécurité accessible sur son portail intranet, de la présence d'assistants de prévention,
M. B..., dont la situation a par ailleurs fait l'objet d'un examen régulier par la commission d'accompagnement individuel et qui a été reçu annuellement par le médecin de prévention, n'a pas fait état d'un contexte professionnel particulier. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le SDIS 35 aurait méconnu son obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses agents doit être écarté.
20. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires du SDIS 35 fondées sur l'engagement de la responsabilité du SDIS pour faute ne peuvent être accueillies.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute du SDIS 35 :
21. Les circonstances exposées ci-dessus ne permettent pas de caractériser l'existence d'un environnement professionnel pathogène et, si M. B... produit plusieurs certificats médicaux faisant état d'un syndrome post-traumatique et d'un épuisement physique et psychique rapportés à un contexte professionnel, ces documents établis d'après ses déclarations ne permettent pas d'établir la réalité de la situation qu'il décrit. Dans ces conditions, M. B... ne peut être regardé, en l'état du dossier, comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de l'existence de conditions de travail de nature à susciter le développement de ses problèmes de santé. Par suite, en l'absence de démonstration que sa pathologie devrait être regardée comme imputable au service, ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices en résultant sur le fondement de la responsabilité sans faute du SDIS 35 doivent être rejetées.
22. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale que le requérant demande à la cour d'ordonner " en tant que de besoin ", M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions indemnitaires de sa requête.
Sur les conclusions de M. B... à fin d'injonction :
23. Si M. B... reprend, en conclusion de ses écritures, la demande qu'il avait formulée devant les premiers juges tendant à ce qu'il soit enjoint au SDIS 35 de reconnaître comme imputables au service ses arrêts de travail du 22 au 24 février 2014, du 3 mars au 5 mai 2014, du 28 janvier au 13 mars 2015, du 14 janvier au 13 mars 2017 et du 19 décembre 2017 au 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Rennes, à l'article 3 du jugement du 20 janvier 2023, a déjà enjoint au SDIS 35 de statuer à nouveau sur la demande de l'intéressé relative à l'imputabilité au service de ces arrêts de travail. Les écritures d'appel du requérant ne comportant aucune contestation du jugement attaqué en tant qu'il se borne à enjoindre à l'administration le réexamen de sa demande ni aucune critique de l'injonction prononcée par les premiers juges, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au SDIS 35 de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail susmentionnés ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS 35, la somme que M. B... sollicite sur ce fondement. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du SDIS 35 fondées sur les mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours d'Ille-et-Vilaine sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. D... B... et au service départemental d'incendie et de secours d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00778