Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2023 par lequel le préfet de la Manche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.
Par un jugement n° 2302985 du 23 février 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de Mme F....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 mars 2024 et le 11 juin 2024, Mme B... F..., représentée par Me Bernard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 février 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2023 par lequel le préfet de la Manche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État, en faveur de son avocat, Me Bernard, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bernard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement est entaché d'une omission de répondre aux moyens tirés de ce que les décisions attaquées sont entachées d'insuffisance de motivation et la décision de refus de séjour d'un défaut d'examen particulier ;
Sur l'arrêté du 23 mars 2024 dans son ensemble :
- il est entaché d'incompétence ;
- il est entaché d'une insuffisance de motivation ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- il revient au préfet d'établir la régularité de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait et de droit et d'un défaut d'examen particulier de la demande dès lors que le préfet s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que la demande était présentée sur le fondement de l'article L. 425-10 de ce code ;
- elle méconnaît l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'illégalité dès lors qu'elle devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour et qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne qu'elle n'a pas fait état d'un risque de soumission à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La procédure a été communiquée au préfet de la Manche, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 425-11, R.425-12, R. 425-13 et R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante géorgienne, est entrée sur le territoire français le 10 août 2022, sous couvert d'un visa touristique, accompagnée de son fils mineur. Sa demande de reconnaissance de la qualité de demandeur d'asile a été rejetée successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 24 mars 2023, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 août 2023. Le 1er mars 2023, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 octobre 2023, le préfet de la Manche a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement. Mme F... relève appel du jugement du jugement du 23 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. S'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient l'appelante, le tribunal administratif de Caen a bien répondu, au point 4 de son jugement du 23 février 2024, au moyen tiré de l'insuffisance de motivation invoqué à l'encontre de chacune des décisions litigieuses, il était également saisi, en première instance, à l'encontre de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, du moyen, qu'il n'a pas visé, tiré du défaut d'examen particulier de la demande de titre qui lui était présentée par la requérante. En s'abstenant de se prononcer sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, les premiers juges ont entaché d'irrégularité leur jugement. Celui-ci doit donc être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Caen.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Manche du 19 octobre 2023 :
Sur les moyens communs aux décisions attaquées :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué est signé par Mme E... D..., directrice de cabinet du préfet de la Manche, qui a reçu délégation du préfet de la Manche, par arrêté n° 2023-87-VN du 1er septembre 2023 régulièrement publié, à l'effet de signer, en cas d'empêchement de Mme Serre, secrétaire générale de la préfecture, tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes dont ne font pas partie les décisions relatives au séjour des étrangers en France et à leur éloignement. Le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué doit, par suite, être écarté.
5. En second lieu, l'arrêté attaqué comporte la mention des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il serait insuffisamment motivé doit être écarté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
6. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9 (...) se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois (...). / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
7. En premier lieu, il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de la Manche que le médecin rapporteur a établi son rapport le 30 juillet 2023 et l'a transmis le 1er août 2023 au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Il ressort, de l'avis rendu par le collège des médecins le 21 août 2023, qui est revêtu des signatures des trois médecins le composant, désignés par une décision du 25 juillet 2023 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, publiée sur le site de l'Office, que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein de ce collège. Enfin, la circonstance que le nom de l'enfant de Mme F... ait été mal orthographié sur l'avis du collège des médecins, comme il l'était d'ailleurs aussi sur le certificat médical confidentiel transmis à l'OFII, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors que l'enfant concerné par cet avis est bien celui de la requérante. Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée est intervenue au terme d'une procédure régulière.
8. En deuxième lieu, si la décision litigieuse vise l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que Mme F..., qui ne demandait pas la délivrance d'un titre de séjour pour elle-même en qualité d'étranger malade, ne remplit pas les conditions prévues par ces dispositions, il ne peut en être déduit qu'elle aurait été prise par le préfet de la Manche sans examen particulier ou suffisant de la demande de titre qui lui était présentée, alors que cette décision vise la demande de titre de séjour " accompagnant enfant malade " déposée le 1er mars 2023 par la requérante, et y répond négativement, en rappelant l'avis rendu le 21 août 2023 par le collège des médecins de l'OFII, selon lequel l'état de santé de son enfant A... C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont il peut bénéficier dans son pays d'origine. Le moyen tiré par la requérante du défaut d'examen particulier doit donc être écarté
9. En troisième lieu, s'il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été prise sur le fondement inadéquat des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne pouvaient la fonder légalement alors que la demande de titre de séjour présentée par Mme F... l'avait été, non pas en raison de son propre état de santé, mais sur le fondement de l'article L. 425-10 de ce code, en sa qualité de parent étranger d'un étranger mineur remplissant les conditions prévues à l'article L. 425-9, il y lieu, comme le préfet de la Manche en fait la demande, de substituer ce dernier fondement à celui de l'article L. 425-9 qui a servi de base légale à la décision attaquée, dès lors, d'une part, qu'une telle substitution n'a pas pour effet de priver la requérante ou son enfant d'une garantie et, d'autre part, que l'autorité administrative dispose du même pouvoir d'appréciation pour l'application de ces dispositions. Le moyen tiré par la requérante de l'erreur de droit doit donc être écarté.
10. En quatrième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2 que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et si ce dernier peut y avoir effectivement accès. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il lui appartient, à lui seul, de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, et notamment, de l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, dont il peut demander la communication s'il estime utile cette mesure d'instruction au regard des éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
11. Dans son avis du 21 août 2023, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de l'enfant de Mme F... nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il lui est possible de voyager sans risque vers son pays d'origine.
12. Pour contester cette appréciation, Mme F... produit plusieurs certificats médicaux, ordonnances et comptes rendus de consultation dont il ressort que son enfant souffre, en l'état des derniers examens médicaux produits, d'une paralysie cérébrale à dominante taxique et qu'il a besoin d'un suivi médical et de kinésithérapie. Toutefois, aucun des documents produits ne mentionne les conséquences qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale de l'enfant ni ne constate que ces conséquences seraient d'une extrême gravité. Ils ne permettent donc pas de remettre en cause l'avis rendu par le collège des médecins du 21 août 2023. Par ailleurs, dès lors que le préfet de la Manche n'était pas tenu de vérifier la possibilité pour l'intéressé de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine compte tenu d'un avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant estimé que le défaut de prise en charge de l'enfant ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la requérante ne saurait utilement faire état de l'absence de disponibilité ou d'accessibilité d'un traitement et d'une prise en charge effectifs en Géorgie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". En application de ces stipulations, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
14. Mme F... indique qu'elle encourt des risques en cas de retour en Géorgie et que son fils bénéficie en France d'un traitement médical et d'un accompagnement scolaire adaptés à son état de santé. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à justifier que la décision prise par le préfet de la Manche porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale alors que l'intéressée résidait avec son époux, en situation irrégulière sur le territoire français, depuis seulement un an à la date de la décision en litige, qu'elle ne fait état d'aucun élément d'insertion particulière, qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans dans son pays d'origine où résident ses parents et sa sœur, et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son enfant y sera privé d'une scolarité et d'une prise en charge adaptées à son état ou que la cellule familiale ne pourra s'y reconstituer en raison de risques pour la sécurité de ses membres en Géorgie. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences en résultant sur sa situation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas annulée. Par suite, la requérante ne peut pas se prévaloir de l'annulation de cette décision pour demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ".
17. Contrairement à ce qu'elle soutient, Mme F... n'était pas éligible à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit. Et, ainsi qu'il a déjà été dit au point 12, elle n'établit pas que l'état de santé de son enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui s'opposerait à l'édiction de la décision en litige, en application des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
18. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, invoqué sans développement complémentaire, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 14.
19. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
20. Pour les motifs énoncés aux points 12 et 14, il n'est pas établi que le défaut de prise en charge médicale de l'enfant de Mme F... pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni que cet enfant sera privé d'une scolarité et d'une prise en charge adaptées à son état en cas de retour en Géorgie. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précirées doit, par suite, être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation résultant de la décision en litige sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
21. Aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
22. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Manche, qui a visé dans son arrêté la décision en date du 21 août 2023 par laquelle la CNDA a rejeté la demande d'asile présentée par Mme F..., a examiné la situation de l'intéressée au regard de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en considération de la nationalité géorgienne de la requérante qui est, contrairement à ce que soutient la requérante, rappelée à plusieurs reprises dans l'acte en litige. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée au regard de ces stipulations doit être écarté.
23. En deuxième lieu, la circonstance que la décision en litige indique de façon inexacte que la requérante n'allègue pas être soumise à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine est sans incidence sur sa légalité alors que, comme il a été dit ci-dessus au point 21, le préfet a procédé à l'examen de la situation de l'intéressée au regard de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit, par suite, être écarté.
24. En troisième lieu, Mme F... n'établit pas la réalité des risques qu'elle indique encourir en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une ordonnance du 21 août 2023 du président de la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées ci-dessus au point 20 ne peut être accueilli.
25. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2023 par lequel le préfet de la Manche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2302090 du 20 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Brisson, présidente,
M. Vergne, président-assesseur,
Mme Lellouch, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00874