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05/07/2024 | FRANCE | N°23NT02725

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 05 juillet 2024, 23NT02725


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de la Manche lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.



Par un jugement n° 2300442 du 28 juillet 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête de M. A

... B....



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 septembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de la Manche lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.

Par un jugement n° 2300442 du 28 juillet 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête de M. A... B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 septembre 2023 et 30 mai 2024, M. A... B..., représenté par Me Bernard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de la Manche lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Manche, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

l'arrêté préfectoral a été signé par une autorité incompétente ;

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

. l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en date du 13 juillet 2022 est irrégulier, dès lors que la procédure prévue à l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 n'a pas été respectée, en l'absence d'information, portée à sa connaissance et à celle du préfet, de la demande d'examen complémentaire qu'avait formulée le médecin rapporteur et qui n'a pas été suivie d'effets ; il doit être considéré que le médecin rapporteur ne s'est pas estimé suffisamment éclairé pour établir son rapport à partir des documents écrits qui lui étaient présentés ; les raisons pour lesquelles ces examens n'ont pas été effectués ne sont pas connues ; l'OFII ne peut justifier avoir effectivement convoqué M. B... à des examens complémentaires auxquels il ne se serait pas rendu et, dans ces conditions, le rapport médical et l'avis du collège des médecins de l'OFII ont été établis dans des conditions irrégulières ;

. la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait ;

. la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les soins de suivi d'une hépatite C ne sont pas pris en charge une fois le traitement achevé et le virus éliminé et qu'il est, du fait de son handicap, dans l'incapacité de travailler, et que les soins physio thérapeutiques rendus nécessaires par son amputation et les complications ultérieures ne lui sont pas financièrement accessibles ; le Lyrica, dont la substance active est la Prégabaline, n'est pas accessible en Géorgie ;

. elle porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

. elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

. elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de séjour ;

. elle est entachée d'un défaut de motivation en fait qui révèle un défaut d'examen complet de sa situation ;

. l'obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 (9°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. elle porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

. elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

. cette décision est entachée d'un défaut de motivation ;

. elle méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La procédure a été transmise au préfet de la Manche, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par des écritures enregistrées le 24 mai 2024, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a produit des observations en complément de la communication, le 7 mai 2024, de l'entier dossier médical de M. B..., qui lui avait été demandé par mesure d'instruction.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vergne été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M A... B..., né le 13 octobre 1975, de nationalité géorgienne, est, selon ses déclarations, entré en France le 9 mai 2022. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 31 octobre 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), contre laquelle il a introduit devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) un recours, néanmoins dépourvu de caractère suspensif dès lors que son pays d'origine relève de la catégorie des pays sûrs. Il a également sollicité, le 1er juillet 2022, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais, par un avis du 6 janvier 2023, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que, si son état de santé nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il pouvait y bénéficier d'un traitement approprié, son état de santé lui permettant aussi de voyager sans risque pour y retourner. Par un arrêté du 24 janvier 2023, le préfet de la Manche, se fondant notamment sur cet avis, a rejeté la demande de titre de séjour de M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressé, passé ce délai, pourrait être reconduit d'office s'il n'exécutait pas lui-même la mesure d'éloignement prise à son encontre. M. B... relève appel du jugement du 28 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Par un arrêté n° 2021-53 du 22 novembre 2021, publié au recueil des actes administratifs et sur le site internet de la préfecture, le préfet de la Manche a donné délégation au secrétaire général de la préfecture à l'effet de signer tous les arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes dont ne font pas partie les arrêtés portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, qui étaient donc au nombre des actes que M. Laurent Simplicien, secrétaire général de la préfecture de la Manche, pouvait compétemment prendre. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) ". L'article R. 425-13 de ce code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur. / Il peut convoquer, le cas échéant, le demandeur auprès du service médical de la délégation territoriale compétente. / Les informations ou les résultats d'examens complémentaires sollicités sont communiqués dans un délai de quinze jours à compter de la demande formulée par le médecin de l'office. A défaut de disposer de ces éléments dans ce délai, le demandeur atteste avoir entrepris les démarches nécessaires dans ce même délai. Lorsque le demandeur n'a pas accompli les formalités lui incombant conformément aux deux alinéas précédents ou lorsqu'il n'a pas justifié de son identité à l'occasion de sa convocation à l'office, le service médical de l'office en informe le préfet dès l'établissement du rapport médical ". Enfin, l'article 6 du même arrêté dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. En premier lieu, il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII en date du 6 janvier 2023 que des examens complémentaires ont été demandés par le médecin rapporteur mais n'ont pas été réalisés. D'une part, le requérant ne peut utilement soutenir que, faute qu'une information lui ait été délivrée sur cette demande, les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 auraient été méconnues, une obligation d'information n'étant prévue par ces dispositions que dans l'hypothèse, qui n'est pas celle de l'espèce, où le médecin de l'office décide, en vue de l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical. D'autre part, il ne peut non plus utilement faire valoir que les raisons pour lesquelles ces examens complémentaires n'ont pas été réalisés, à supposer qu'elles lui soient inconnues, ne lui ont pas été communiquées. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que le médecin de l'OFII qui a examiné M. B..., malgré l'absence de réalisation des examens complémentaires qu'il avait demandés, n'aurait pas disposé des éléments utiles lui permettant d'établir son rapport médical, qu'il a rendu le 20 décembre 2022, ni que l'absence de ces examens, dont la réalisation n'est pas systématique et obligatoire, aurait eu une incidence sur son appréciation ou celle du collège de médecins de l'OFII, ce collège ayant au demeurant considéré, dans son avis du 6 janvier 2023, que son état de santé nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ayant conduit à l'édiction de cet avis et à la prise de la décision litigieuse doit être écarté.

5. En deuxième lieu, la décision en litige mentionne l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet de la Manche a fait application. Elle énonce également les motifs de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sur lequel le préfet s'est fondé, ajoutant qu'" après un examen approfondi de la situation, aucun élément du dossier ni aucune circonstance particulière ne justifie de s'écarter de cet avis ". Contrairement à ce que soutient le requérant une telle motivation constitue une motivation suffisante en fait.

6. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2 que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège des médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

7. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il lui appartient, à lui seul, de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, dont il peut demander la communication s'il estime utile cette mesure d'instruction au regard des éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

8. Il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'il a déjà été dit, par un avis du 6 janvier 2023, le collège des médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié. Pour contester ce dernier point de l'avis, M. B... fait valoir qu'il a été porteur des virus des hépatites B et C, dont il est guéri avec toutefois un score de fibrose élevé nécessitant un suivi, qu'il souffre des conséquences d'une amputation lourdement handicapante subie dans son pays, provoquée par l'explosion d'une mine, actuellement compliquée par des problèmes de cicatrisation et d'adaptation de sa prothèse, pour lesquels il bénéficie d'un suivi orthopédique et doit recevoir une nouvelle ortho-prothèse, qu'il est également pris en charge en gastro-entérologie, pour une pathologie non précisée, et qu'il bénéficie de prescriptions de Lyrica. Toutefois, le requérant se borne à produire des ordonnances médicales, des comptes rendus de consultation, des convocations à des rendez-vous médicaux ainsi qu'un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) intitulé " Géorgie : accès à divers soins et traitements médicaux ", établi le 30 juin 2020. Si ces documents font état des pathologies dont souffre M. B..., des soins dont il bénéficie pour remplacer sa prothèse de jambe, ainsi que de considérations générales sur le système de soins en Géorgie, ils ne permettent pas d'établir que M. B... ne pourra pas bénéficier d'un accès effectif dans son pays aux traitements appropriés à son état de santé, notamment au médicament Lyrica, qui lui est prescrit pour le traitement de son affection de longue durée, ou à sa substance active, la Prégabaline. Enfin, si M. B... soutient que le rapport de l'OSAR relève que les coûts des traitements de l'hépatite restent à la charge des patients au stade du suivi de la maladie, une fois le traitement achevé, ce qui correspond à sa situation, et que les médicaments ne sont pas accessibles gratuitement à l'ensemble de la population, il ne démontre pas, par cette argumentation générale, qu'il ne sera pas en mesure de supporter le coût de son traitement. Par suite, le requérant ne produit pas d'éléments suffisants pour remettre en cause le bien-fondé de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... ne résidait en France, à la date du refus de séjour contesté, que depuis huit mois, après avoir vécu jusqu'à l'âge de 47 ans dans son pays d'origine où demeurent sa femme, sa mère et ses deux sœurs. Il ne fait état d'aucune attache privée ou familiale en France. Dans ces conditions, le préfet de la Manche n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté une atteinte excessive à son droit à une vie privée et familiale normale et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur sa situation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas annulée. Par suite, le requérant ne peut pas se prévaloir de l'annulation de cette décision pour demander par voie de conséquence l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ". Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ".

13. L'obligation de quitter le territoire français, fondée sur le 3° de l'article

L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de titre de séjour, qui est suffisamment motivé, ainsi qu'il a été exposé au point 2. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse doit être écarté.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

15. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt que le requérant n'établit pas qu'il ne pourra bénéficier en Géorgie d'un traitement médical approprié aux pathologies dont il souffre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

16. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, les moyens tirés d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

17. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle précise, en particulier, que M. B... n'allègue pas qu'il serait exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et vise l'article 3 de cette convention, ainsi que les articles L. 612-12 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs à la décision fixant le pays de destination. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en litige doit être écarté.

18. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

19. M. B..., qui se borne à faire état de son action combattante au cours de la guerre entre la Géorgie et l'Abkhasie entre 1991 et 1993 et du fait qu'il a tué accidentellement trois personnes dont les membres de la famille le recherchent pour venger la mort de ces personnes, ne produit aucun élément probant qui permettrait d'établir les faits qu'il allègue ou qu'il encourrait personnellement des risques de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine, alors que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 31 décembre 2022 dans le cadre de la procédure accélérée. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de la Manche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, présidente,

M. Vergne, président-assesseur,

Mme Lellouch, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02725
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-05;23nt02725 ?
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