Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 69 112,81 euros hors taxes en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité de la décision du 9 mai 2014 ayant procédé à la suppression de l'aide qui lui avait été accordée en qualité de jeune agriculteur.
Par un jugement n° 2101940 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 12 juin 2023, 12 janvier 2024 et 17 janvier 2024, M. B... A..., représenté par Me Depasse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 69 112,81 euros hors taxes en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité de la décision du 9 mai 2014 ayant procédé à la suppression de l'aide qui lui avait été accordée en qualité de jeune agriculteur ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ses préjudices étaient sans lien avec la décision illégale du 9 mai 2014 portant retrait des décisions d'octroi d'aide du 10 juillet 2002 ;
- en effet, le tribunal aurait dû constater qu'il remplissait les conditions permettant de se voir verser le solde de 30% de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs dès lors qu'il produisait les documents financiers et comptables attestant de la viabilité de la structure et du respect des objectifs des aides et dotations dans les trois ans suivant la décision du 10 juillet 2002 et qu'il avait tenu l'administration informée de l'évolution de son projet ; c'est par la faute de l'administration que l'examen de son dossier conditionnant le versement du solde de l'aide à l'installation n'est pas intervenu ;
- il aurait dû également constater que le préjudice résultant du différentiel de coût des emprunts contractés de 2004 à 2006, des intérêts supplémentaires sur les emprunts à court terme souscrits auprès d'un établissement bancaire en 2002 et 2003 dans l'attente de la décision de l'administration sur sa demande d'autorisation d'installation classée, ainsi que le préjudice fiscal et de cotisations sociales étaient en lien avec la décision de retrait du 9 mai 2014 car il a perdu une chance de ne pas exposer ces frais supplémentaires ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de l'illégalité de la décision du 9 mai 2014 par laquelle le préfet du Morbihan a retiré sa décision du 10 juillet 2002 lui accordant le bénéfice de ces aides ; cette décision a été annulée par la cour administrative d'appel de Nantes par un arrêt n° 17NT01065 du 11 janvier 2019 ;
- les sommes suivantes lui sont dues : 3 753 euros au titre du solde d'aide dû, 1 792,11 euros au titre du différentiel de droit d'acquisition du foncier, 17 218 euros au titre de l'incidence de la bonification jeune agriculteur sur les emprunts, 18 772,81 euros au titre des emprunts qu'il a dû réaliser dans l'attente de la validation du dossier d'installation classée, 4 963,50 euros au titre des honoraires de son avocat et de son comptable, 6 066,87 euros au titre de l'impact fiscal de l'indemnité, 16 546,02 euros au titre de l'impact social de l'indemnité ;
- la demande indemnitaire en litige n'est pas la même que celle ayant déjà donné lieu à une indemnisation par la cour administrative d'appel de Nantes, qui concernait une précédente décision de déchéance des aides.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- par un arrêt du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a déjà condamné l'Etat à verser à MM. B... et Xavier A... la somme de 17 307 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices ayant résulté des décisions du 16 septembre 2005 leur retirant l'aide qui leur avait été accordée en 2002 ;
- pas plus en appel qu'en première instance, le requérant n'établit le caractère certain des préjudices qu'il estime avoir subis et le lien de causalité de ces préjudices avec l'illégalité de la décision du 9 mai 2014 ;
- l'ensemble des chefs de préjudices invoqués, dont l'origine est antérieure à la décision du 9 mai 2014, avaient été écartés par la cour dans son arrêt du 2 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- et les conclusions de M. Berthon,
- et les observations de Me Boucher, substituant Me Depasse, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 10 juillet 2002, le préfet du Morbihan a accordé à M. B... A..., en même temps qu'à son frère Xavier avec lequel il était associé au sein du GAEC Roz Avel, le bénéfice, pour un montant de 12 250 euros, de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs prévue par l'article R. 343-3 du code rural et de la pêche maritime, aide qui permet d'accéder à des emprunts à des taux bonifiés. Le 16 septembre 2005, cette autorité a toutefois procédé au retrait de cette décision, ainsi qu'au retrait de celle concernant son frère, au motif que l'exploitation de M. A... n'était pas conforme au projet d'installation initialement agréé. Par un jugement n° 061061 du 30 septembre 2009, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision. Et par un arrêt n° 13NT01671 du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a condamné l'Etat à verser à M. A... et à son frère une somme de 17 307 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices ayant résulté des décisions de retrait d'aide prises le 16 septembre 2005. Ultérieurement, toutefois, par une décision du 9 mai 2014, le préfet du Morbihan a, de nouveau, prononcé la déchéance totale de l'aide à l'installation accordée à M. A.... Cette décision ayant été annulée par la cour administrative d'appel de Nantes par un arrêt n° 17NT01065 du 11 janvier 2019, M. A... a adressé le 29 novembre 2020 au préfet du Morbihan une demande indemnitaire préalable, qui a été implicitement rejetée, tendant à l'indemnisation à hauteur de 69 112,81 euros hors taxes des préjudices ayant résulté de cette décision du 9 mai 2014. M. A... relève appel du jugement du 11 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme.
2. M. A... demande, sur le fondement de la responsabilité pour faute, l'indemnisation par l'Etat des conséquences dommageables de la décision illégale du 9 mai 2014 par laquelle le préfet du Morbihan a retiré sa décision du 10 juillet 2002 lui accordant le bénéfice de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, correspondant selon lui à la privation de la dotation jeune agriculteur, qu'il estime lui être due en totalité, aux frais supplémentaires afférents à des avances ou des emprunts qu'il a été contraint de souscrire à des conditions moins intéressantes entre 2002 et 2006 pour financer son projet d'installation, et à l'" impact fiscal et social " de la perception différée des sommes dont il estime que la cour les mettra à la charge de l'Etat.
3. Toutefois, bien que rapportés par le requérant à la décision illégale par lesquelles le préfet du Morbihan, le 9 mai 2014, lui a, pour la seconde fois, retiré le bénéfice de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs qui lui avait été accordée le 10 juillet 2002, les préjudices analysés ci-dessus sont les mêmes que ceux dont il avait déjà demandé réparation, sur le même fondement de la responsabilité pour faute que celui invoqué dans la présente instance d'appel, dans le cadre de l'instance n° 13NT01671 clôturée par l'arrêt rendu le 2 juillet 2015 par la cour administrative d'appel de Nantes. Les prétentions du requérant ayant déjà été examinées dans le cadre de cette première instance d'appel et M. A... ayant d'ailleurs été indemnisé à hauteur de ses droits par la décision de justice rendue sous le n° 13NT01671, qui est devenue définitive, ces conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.
4. Si, par ailleurs, M. A... demande aussi l'indemnisation, à hauteur d'une somme totale de 4 963,50 euros, de frais d'avocat et de réalisation d'une étude comptable datée du 2 octobre 2020, qu'il a exposés pour faire valoir ses droits et pour justifier et chiffrer ses préjudices tels qu'exposés au point 2, il ne peut être considéré que ces dépenses trouveraient leur origine dans la décision illégale du 9 mai 2014 dont il est demandé l'indemnisation des conséquences dommageables dans le cadre du présent litige, M. A... ayant au surplus déjà perçu, avec son frère, au titre de la précédente instance d'appel n° 13NT01671, une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et ses conclusions tendant à la prise en charge d'une précédente étude comptable réalisée par le même cabinet Cerfrance Brocéliande n'ayant pas été accueillies.
5. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions indemnitaires et, par voie de conséquence, celles fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Copie du présent jugement sera adressée au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01704