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02/07/2024 | FRANCE | N°23NT03533

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 23NT03533


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 décembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que la décision du 10 février 2020 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2004143 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requ

te enregistrée le 29 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Bringuier, demande à la cour :



1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 décembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que la décision du 10 février 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2004143 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Bringuier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 octobre 2023 ;

2°) d'annuler les décisions contestées et de juger qu'il y a lieu de faire droit à sa demande de naturalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas revêtu de la signature des magistrats qui l'ont rendu ;

- le tribunal aurait dû apprécier la légalité de la décision contestée à la date de son jugement ;

- la décision contestée est dépourvue de base légale ;

- le centre de ses intérêts vitaux se trouve de manière stable en France ;

- le ministre ne justifie pas de la matérialité des faits sur lesquels la décision est fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 septembre 2016, Mme B..., épouse A..., ressortissante sud-coréenne, a présenté une demande de naturalisation en vue d'acquérir la nationalité française. Par une décision du 18 décembre 2019, le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande au motif qu'elle n'avait pas fixé le centre de ses attaches familiales en France puisque son conjoint et leur fils résidaient à l'étranger. Son recours gracieux a été rejeté par une décision du 10 février 2020. Mme B... relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, à défaut d'être revêtu des signatures des magistrats constituant la formation de jugement, manque en fait et ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité des décisions contestées :

3. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions ".

4. Aux termes de l'article 21-16 du même code : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Ces dispositions imposent à tout candidat à l'acquisition de la nationalité française de résider en France et d'y avoir fixé durablement le centre de ses intérêts familiaux et matériels à la date à laquelle il est statué sur sa demande. Pour apprécier si cette dernière condition est remplie, l'administration peut notamment se fonder, sous le contrôle du juge, sur la durée de la présence du demandeur sur le territoire français, sur sa situation familiale, ainsi que sur le caractère suffisant et durable des ressources qui lui permettent de demeurer en France. Le ministre auquel il appartient de porter une appréciation sur l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite peut légalement, dans le cadre de cet examen d'opportunité, tenir compte de toutes les circonstances de l'affaire, y compris de celles qui ont été examinées pour statuer sur la recevabilité de la demande.

5. En premier lieu, il ressort de la décision contestée du 18 décembre 2019 que le ministre s'est fondé sur les dispositions précitées de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 pour rejeter la demande de naturalisation présentée par Mme B.... Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait dépourvue de base légale.

6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, la légalité de la décision du 18 décembre 2019 puis de la décision du 10 février 2020, s'apprécie à la date à laquelle chacune de ces décisions ont été prises. Par suite, en se fondant sur sa situation familiale à ces dates, et non à celle de sa demande, et en écartant les éventuels évènements postérieurs à ces décisions, le ministre n'a pas entaché ses décisions d'illégalité.

7. En troisième lieu, il n'est pas contesté que Mme B..., née en 1965 et qui indique que ses parents résident en Corée du Sud, a effectué l'intégralité de sa scolarité en France, et a obtenu des diplômes notamment de l'Institut d' étude politiques de Paris et de l'école des Hautes Etudes Commerciales (HEC) de Paris, qu'elle a été recrutée par le groupe " Crédit Agricole " en qualité d'analyste financière pour travailler dans un premier temps en Asie avant de revenir en France en 2013 et que sa profession lui procure des revenus confortables. Mme B... est mariée depuis le 23 juin 1998 à un ressortissant d'origine coréenne, qui a acquis la nationalité américaine. Leurs deux enfants, nés en 2000 et 2005 en Asie, ont également la nationalité américaine. La requérante précise que son mari, qui est titulaire d'une carte de résident française délivrée le 21 juin 2019, n'a pas souhaité solliciter la nationalité française et qu'elle-même ne détient pas la nationalité américaine. Mme B... indique que son mari, sans emploi en France, séjournait à la date de la décision du 18 décembre 2019 aux Etats-Unis afin de venir en aide à ses parents âgés et malades et que leur fils a souhaité suivre son père. Si l'intéressée soutient que cette situation était temporaire, dans son courrier du 2 juillet 2019 elle mentionnait que leur fils y effectuait sa scolarité et qu'ils seraient de retour à Paris à la fin juillet 2019 " pour les vacances ". Enfin, si Mme B... justifie avoir fait l'acquisition d'un appartement à Paris, le 22 septembre 2022, soit à une date postérieure aux décisions contestées, elle apparaît, en tout état de cause, comme la seule propriétaire de ce bien, acquis en propre et qui comporte deux chambres. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, en rejetant sa demande de naturalisation au motif qu'elle n'avait pas fixé le centre de ses attaches familiales en France, le ministre n'a entaché sa décision ni d'une erreur de fait, ni d'une erreur manifeste d'appréciation. Ces moyens ne peuvent dès lors qu'être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Pour les mêmes motifs le surplus de ces conclusions, et notamment celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit également être rejeté.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I.PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03533
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : BRINGUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23nt03533 ?
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