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02/07/2024 | FRANCE | N°23NT03149

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 23NT03149


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 4 mai 2021 notifiée le 17 mai suivant par laquelle le directeur départemental de la sécurité publique de la ... lui a infligé un blâme ainsi que les décisions implicites rejetant ses recours gracieux et hiérarchique.



Par un jugement n° 2102285 du 31 août 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
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Par une requête enregistrée le 31 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Letertre, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 4 mai 2021 notifiée le 17 mai suivant par laquelle le directeur départemental de la sécurité publique de la ... lui a infligé un blâme ainsi que les décisions implicites rejetant ses recours gracieux et hiérarchique.

Par un jugement n° 2102285 du 31 août 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Letertre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 31 août 2023 ;

2°) d'annuler le blâme prononcé à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est dépourvue de base légale ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et la sanction présente un caractère disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 84-56 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., gardien de la paix titularisé en 1994, a été affecté au commissariat de ... à compter du mois de septembre 1998. Le 19 février 2020, il a participé, avec des collègues, à l'interpellation, qui sera relatée comme " mouvementée ", d'un individu qualifié de dangereux ayant pris la fuite. Une fois menotté, ce dernier a été emmené au commissariat de police de ... dans un véhicule de police. A son arrivée, il était inconscient. En dépit de son hospitalisation, l'intéressé est décédé dix jours après son interpellation. A l'issue d'une enquête administrative confiée à la délégation de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) de Rennes, un blâme a été prononcé à l'encontre de M. A.... Ce dernier relève appel du jugement du 31 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction disciplinaire prise le 4 mai 2021 par le directeur départemental de la sécurité publique de la ..., laquelle lui a été notifiée le 17 mai suivant.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée :

2. En vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relèvent du premier groupe, les sanctions d'avertissement et de blâme. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 434-10 du code de la sécurité intérieure : " Le policier ou le gendarme fait, dans l'exercice de ses fonctions, preuve de discernement. / Il tient compte en toutes circonstances de la nature des risques et menaces de chaque situation à laquelle il est confronté et des délais qu'il a pour agir, pour choisir la meilleure réponse légale à lui apporter. ". Aux termes de l'article R. 434-13 du même code : " Le policier ou le gendarme se consacre à sa mission. / Il ne peut exercer une activité privée lucrative que dans les cas et les conditions définis pour chacun d'eux par les lois et règlements. ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. En premier lieu, il est constant que la sanction litigieuse a été prononcée sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 434-13 du code de la sécurité intérieure. Toutefois, après avoir vérifié que M. A... n'avait été privé d'aucune garantie, le tribunal administratif de Caen a procédé à la substitution de base légale sollicitée devant lui par le préfet de la ..., lequel soutenait que la décision aurait pu légalement être prise en vertu de l'article R. 434-10 du même code. Le requérant ne conteste pas le jugement attaqué en tant qu'il a fait droit à cette demande. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la sanction prononcée à son encontre serait dépourvue de base légale.

5. En second lieu, on reproche à M. A..., chef de bord du véhicule dans lequel a été transporté la personne interpelée, d'avoir manqué de discernement en ne s'assurant pas de la position dans laquelle cette dernière, qui était agitée et qui avait été interpellée dans des conditions mouvementées, avait été placé. L'enquête diligentée par l'IGPN a révélé que l'intéressé est sorti de son véhicule " visiblement non blessé ", qu'il a été immobilisé face contre terre et menotté les mains dans le dos alors qu'il se débattait, avant d'être placé dans un fourgon de type Renault Trafic, dans la même position, entre l'espace de conduite et la rangée de fauteuils située à l'arrière du véhicule, sous la surveillance d'un autre gardien de la paix et d'un adjoint de sécurité (ADS). Il n'est en outre pas contesté que, si cet adjoint de sécurité a observé que le comportement de l'individu interpelé semblait évoluer, aucune mesure n'a été prise avant l'arrivée du véhicule de police au commissariat. Par suite, l'inaction de M. A..., compte tenu de sa qualité de responsable de cette équipe d'intervention, constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

6. Pour contester le blâme qui lui a été infligé, M. A... se prévaut de l'absence de matériel dédié à l'immobilisation d'un individu agité. L'enquête a en effet révélé que le commissariat ne disposait pas de moyen de contention spécifique et adapté pour entraver les pieds et les mains de ce type d'individus, à l'exception des menottes. Le requérant souligne par ailleurs les dysfonctionnements internes quant à la diffusion de l'information relative à la conduite à tenir lors de l'interpellation de suspects en état d'agitation. Plusieurs notes de service avaient toutefois été rédigées. Une note n° 08-1577 D du 8 octobre 2008, relative aux prescriptions faites par l'IGPN en matière d'usage de la force, précise notamment que " l'immobilisation en position ventrale doit être la plus limitée possible surtout si elle est accompagnée du menottage dans le dos de la personne allongée ". Une note DGPM 15-5295 D du 4 novembre 2015, relative notamment au transport des personnes agitées, rappelle que les policiers doivent prendre des mesures appropriées pour limiter le risque d'incident ou de blessure, en soulignant le fait qu'une personne en état de surexcitation est physiquement plus fragile et donc davantage sujette à une détresse cardio-respiratoire et qu'en conséquence, elle doit être transportée sur le dos. L'instruction de commandement n° 24 du 1er avril 2016 a également rappelé que le transport des prévenus dans un fourgon doit se faire sur le dos. Enfin, une fiche mnémotechnique Amaris du 7 février 2019 appelle l'attention des policiers sur la nécessité d'assurer une surveillance accrue des personnes interpellées en cas de forte agitation. Si M. A... fait valoir que ces diverses notes de service, et notamment celle du 4 novembre 2015, n'auraient pas fait l'objet d'une communication suffisante, ce que l'enquête administrative semble confirmer, eu égard à son ancienneté dans les fonctions de gardien de la paix et sa qualité d'ancien correspondant informatique, l'absence ou l'insuffisance de communication de la direction départementale de la sécurité publique de la ..., sur les mesures à prendre dans ce type de situation, pour regrettable qu'elle soit, ne saurait à elle seule excuser son manque de vigilance lors du transport de la personne interpelée, placée durant ce court trajet sous sa responsabilité. Le requérant souligne également le manque de formation aux pratiques professionnelles en intervention (PPI) et sur le fait que ses supérieurs hiérarchiques ne l'auraient pas incité à suivre ces formations. Si, là encore, des lacunes ont été constatées par l'enquête de l'IGPN, il a également été constaté que les policiers mis en cause à la suite de cette interpellation et du décès du prévenu, n'avaient pas satisfait à leurs obligations de formation sur les trois dernières années alors que différents stages avaient été organisés. Enfin, M. A... souligne le fait que la cause du décès de l'interpelé lui est inconnue, qu'il était bien noté, qu'il n'avait pas fait l'objet de précédente sanction disciplinaire, et qu'aucune poursuite pénale n'a été engagée à son encontre. Il est cependant constant qu'en sa qualité de chef de bord et eu égard au signalement de l'ADS présent aux côtés de la personne menottée, M. A..., qui était expérimenté, n'a pas fait preuve du discernement nécessaire au bon déroulement de cette mission. Par suite, en prononçant à son encontre un blâme, sanction du premier groupe, le directeur départemental de sécurité publique de la ... n'a pas pris une sanction disproportionnée au regard des faits reprochés à ce gardien de la paix.

7. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I.PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03149
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : LETERTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23nt03149 ?
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