Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Viamedis a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les titres de recettes émis à son encontre recensés dans un tableau annexé à ses écritures et d'ordonner la mainlevée des saisies administratives à tiers détenteur dont elle fait l'objet.
Par un jugement n° 1905308 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions tendant à la mainlevée des saisies administratives à tiers détenteur comme portées devant une juridiction incompétente et décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande tendant à l'annulation des titres de recettes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 mai 2023 et 29 janvier 2024 (ce dernier non communiqué), la SA Viamedis, représentée par Me Bensoussan, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 mars 2023 ;
2°) d'ordonner le rejet des titres de recettes qu'elle a réglés ou qui ont été annulés par le centre hospitalier ;
3°) d'annuler les autres titres de recettes visés par la trésorerie dans les saisies d'avis à tiers détenteur en litige ;
4°) de la décharger du paiement des sommes visées dans les saisies ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Pierre-le-Damany Lannion-Trestel la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le juge administratif était bien compétent pour se prononcer sur la main levée des saisies à tiers détenteur, assises sur les titres de recettes dont elle conteste le bien-fondé ;
- elle conteste le bien-fondé des titres de recettes visés par chacune des deux saisies à tiers détenteur, soit parce qu'elle a payé les sommes que ces titres exécutoires avaient pour objet de recouvrer par virement, soit parce qu'elle n'était pas redevable, au vu du contrat de complémentaire santé des bénéficiaires des prestations, des créances dont se prévalait le centre hospitalier, du fait que le bénéficiaire n'avait pas ou plus accès au tiers payant à la date des soins, était inconnu de ses fichiers, ou que la facturation n'était pas conforme à la prise en charge.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellouch,
- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 24 septembre 2019, la trésorerie de Lannion a notifié à la SA Viamedis, gestionnaire du bénéfice du tiers payant pour le compte d'organismes d'assurance maladie complémentaire, deux saisies à tiers détenteur (SATD) n° 22894388315 et n° 22894388415, portant sur les montants respectifs de 11 795,37 euros et de 6 730,12 euros pour le recouvrement de créances du centre hospitalier (CH) de Lannion-Trestel. La société Viamedis a demandé au tribunal d'ordonner la mainlevée de ces saisies, d'annuler les titres de recettes correspondants et de la décharger des sommes mises à sa charge. Elle relève appel du jugement du 24 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions tendant à la mainlevée des saisies administratives à tiers détenteur comme portées devant une juridiction incompétente et décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande tendant à l'annulation des titres de recettes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions relatives à la mainlevée des SATD :
2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finance rectificative pour 2017, applicable aux titres émis par les établissements publics de santé en vertu de son premier alinéa " [...] / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / [...] / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. [...] ".
3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi de finance rectificative pour 2017 du 28 décembre 2017 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / [...] / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / [...] / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ".
4. Il ressort de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales et des établissements publics de santé est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.
5. Il s'ensuit que le tribunal administratif de Rennes n'a pas commis d'irrégularité en jugeant que les conclusions tendant à la mainlevée des saisies à tiers détenteur en litige ressortissent à la compétence du juge judiciaire de l'exécution et doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
En ce qui concerne la déclaration de non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des titres de recettes :
6. Il ressort des pièces du dossier de première instance, en particulier des écritures de la trésorerie de Lannion et du centre hospitalier de Lannion-Trestel, qu'à la suite de la contestation devant le tribunal administratif par la société Viamedis des créances visées par les deux saisies à tiers détenteurs prononcées à son encontre, le centre hospitalier de
Lannion-Trestel a annulé un certain nombre de titres de recettes qu'il avait émis à l'encontre de cette société et a constaté que la SA Viamedis s'était acquittée de diverses créances se rattachant à d'autres titres de recettes qui n'ont en revanche pas été annulés par l'établissement de santé ordonnateur. Il résulte de l'instruction, en particulier des documents produits en première instance par la trésorerie de Lannion rapprochés des tableaux établis par l'appelante, qu'ont seuls été annulés par le centre hospitalier les titres de recettes contestés n°136507, 8179233, 8212842, 8233546, 8235644, 8235647, 8235738, 8241808, 9114678, 9117392, 9118398, 9135755, 9144778 faisant l'objet de la SATD n° 22894388315, ainsi que les titres de recettes n° 9153454, 9150678, 9155624, 9155951, 9156591, 9157808, 9158939, 9158943, 9162228, 9164522, 9165512, 9165721, 9166800, 9171717, 9172181, faisant l'objet de la SATD n° 22894388415. En revanche, il résulte de l'instruction que le titre de recettes n° 8235641 (SATD n° 22894388315), d'un montant global de 920 euros, mentionné dans le bordereau de situation établi par la trésorerie le 13 mars 2020 comme " Restant à recouvrer ", n'a pas été annulé.
7. Par ailleurs, la SA Viamedis avait expressément maintenu ses conclusions dirigées contre des titres de recettes non mentionnés au point précédent ( SATD 22894388315 : n° 7210044, 8142420, 8159850, 8206185, 8218715, 8235649, 9103512, 9106613, 9106614, 9115265, 9115271, 9111926, 9112370, 9123830, 9128677, 9128679, 9129276, 9137701, 9138684, 9140650, 9141820, 9141887, 9144571, 9144572, 9144573, 9144574, 9144575, 9144576, 9144577, 9144578, 9144579, 9144580, 9144581, 9144582, 9144583, 9144584, 9144585, 9144586, 9144587, 9144588, 9144590, 9144591, 9144592, 9144593, 9145781, 9145783 ; SATD 22894388415 : n° 9146340, 9150674, 9157810, 9160660, 9169667, 9171624, 9172179, 9172181, 9156744, 9156745, 9156801) , dont la trésorerie a seulement constaté le paiement, et qui n'ont pas été annulés par l'établissement de santé. Dès lors, la circonstance que la SA Viademis a fait valoir s'être acquittée des créances se rattachant à ces titres de recettes sans en contester le bien-fondé ne rendait pas sans objet la demande de la SA Viademis tendant à leur " rejet " ou à leur l'annulation.
8. Il résulte de ce qui précède que la SA Viamedis est seulement fondée à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a jugé que la demande dirigée contre les titres de recettes qui n'ont pas été annulés par le centre hospitalier (c'est-à-dire le titre de recettes n° 8235641 visé par la SATD n° 22894388315 ainsi que ceux mentionnés au point 7) était dépourvue d'objet et qu'il n'y avait pas lieu d'y statuer. Le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par la SA Viamedis et dirigées contre ces titres de recettes.
Sur les conclusions dirigées contre les titres de recettes restant en litige :
9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. " La cour a adressé le 2 octobre 2023 au centre hospitalier de Lannion-Trestel et à la trésorerie de Lannion une mise en demeure de produire des observations en défense dans un délai de deux mois. En l'absence de réponse à cette mise en demeure, les intimés doivent être regardés comme ayant acquiescé aux faits exposés dans la requête de la SA Viamedis. Cet acquiescement se limite à l'établissement des faits qui n'auraient pas été contestés dans les mémoires en défense produits en première instance et qui ne seraient pas contredits par les autres pièces du dossier.
10. La SA Viamedis soutient, s'agissant du titre de recettes n° 8235641 émis le 11 janvier 2019 pour le recouvrement d'une créance d'un montant total de 920 euros (600+320) correspondant à un " séjour " (SATD n° 22894388315), que le risque " hospitalisation " n'est pas couvert par la complémentaire du bénéficiaire et que SA Viamedis n'a pas la délégation " tiers payant hospitalier " pour l'OCAM SG Santé. Dès lors que ces éléments de faits n'ont pas été contestés en première instance par les intimés et ne sont pas contredits par les pièces du dossier, ils doivent être tenus pour établis.
11. En second lieu, si la SA Viamedis fait valoir s'être acquittée des sommes que les autres titres de recettes restant en litige ont pour objet de recouvrer, une telle circonstance n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé des créances correspondantes. Il s'ensuit que les conclusions tendant selon les termes de la requête au " rejet " ou à l'annulation de ces titres de recettes ne peuvent qu'être rejetées.
12. Il résulte de ce qui précède que la SA Viamedis est fondée à demander l'annulation du titre de recettes n° 8235641 (SATD n° 22894388315) émis le 11 janvier 2019. Par voie de conséquence, la SA Viamedis est fondée à demander à être déchargée de la somme de 920 euros que ce titre exécutoire a pour objet de recouvrer.
Sur les frais liés au litige :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SA Viamedis présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 mars 2023 est annulé en tant qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre le titre de recettes n° 8235641 (SATD n° 22894388315) ainsi que contre ceux dont la référence est mentionnée au point 7.
Article 2 : Le titre de recette n° 8235641 (SATD n° 22894388315) est annulé.
Article 3 : La SA Viamedis est déchargée de la somme de 920 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Viamedis, au centre hospitalier de
Lannion-Trestel.
Copie en sera adressée, pour information, à la Trésorerie de Lannion.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.
La rapporteure,
J. LELLOUCH
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01543