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18/06/2024 | FRANCE | N°24NT00899

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 18 juin 2024, 24NT00899


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. AB... S..., Mme AK... AF..., M. F... AS..., M. B... D..., M. O... I..., M. W... J..., M. AJ... T..., Mme AP... AG..., Mme AD... K..., Mme AQ... A..., Mme R... U..., M. X... AR..., Mme AD... V..., Mme AA... AH..., Mme AN... E..., M. O... Y..., Mme Q... AM..., Mme R... L..., M. AO... Z..., Mme AE... M..., Mme AI... N..., Mme AK... H..., Mme AA... AC..., M. AL... P..., Mme AN... C... et le comité social et économique de la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus

, représentés par Me Brand, ont demandé au tribunal administratif de Caen :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. AB... S..., Mme AK... AF..., M. F... AS..., M. B... D..., M. O... I..., M. W... J..., M. AJ... T..., Mme AP... AG..., Mme AD... K..., Mme AQ... A..., Mme R... U..., M. X... AR..., Mme AD... V..., Mme AA... AH..., Mme AN... E..., M. O... Y..., Mme Q... AM..., Mme R... L..., M. AO... Z..., Mme AE... M..., Mme AI... N..., Mme AK... H..., Mme AA... AC..., M. AL... P..., Mme AN... C... et le comité social et économique de la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus, représentés par Me Brand, ont demandé au tribunal administratif de Caen :

1°) d'annuler la décision du 15 septembre 2023 par laquelle la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Normandie a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus ;

2°) de mettre à la charge de l'État et de la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus une somme de 500 euros à verser à chacun des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2302945 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars 2024 et le 9 mai 2024, M. AB... S..., M. F... AS..., M. B... D..., M. O... I..., M. W... J..., M. AJ... T..., Mme AD... K..., Mme AQ... A..., Mme R... U..., M. X... AR..., Mme AD... V..., Mme AA... AH..., Mme AN... E..., M. O... Y..., Mme Q... AM..., Mme R... L..., M. AO... Z..., Mme AE... M..., Mme AI... N..., Mme AK... H..., Mme AA... AC..., M. AL... P..., Mme AN... C... et le comité social et économique de la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus, représentés par Me Brand, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 26 janvier 2024 ;

2°) d'annuler la décision la décision du 15 septembre 2023 par laquelle la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Normandie a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun des requérants d'une somme de 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en premier lieu, le plan de sauvegarde n'est pas conforme au dispositif légal, règlementaire et conventionnel ; le dispositif de reclassement interne prévu par le plan de sauvegarde est insuffisant, faute de comporter une liste de tous les postes disponibles offerts au reclassement susceptibles d'être proposés aux salariés concernés et qui sont disponibles au sein du groupe et faute de précisions quant à la localisation de trente-cinq d'entre eux ; le plan de sauvegarde est insuffisant, particulièrement dans son dispositif phare de cessation anticipée d'activité ; enfin, il est très insuffisant au regard des moyens du groupe ;

- en deuxième lieu, la procédure d'information et de consultation n'a pas été respectée dès lors que l'employeur a mis en œuvre prématurément son projet de fermeture d'usine de Bourguébus sans respecter le principe d'antériorité ;

- en troisième lieu, le comité social et économique n'a pas été valablement consulté ;

- en quatrième lieu, l'employeur n'a pas identifié correctement les risques psychosociaux ni pris aucune mesure sérieuse de nature à y mettre un terme ;

- en cinquième lieu, l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche d'un repreneur ;

- en sixième lieu, la décision administrative est insuffisamment motivée ;

- le plan de reclassement est insuffisant sur un certain nombre de points.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2024, la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus (SEMB), représentée par Me Sorel, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner les requérants au paiement de 500 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 30 avril 2024, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens présentés par les requérants ne sont pas fondés.

Des pièces et un mémoire ont été enregistrés les 7 et 17 mai 2024, présenté pour la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus (SEMB), représentée par Me Sorel, et n'ont pas été communiqués.

Deux mémoires ont été enregistrés, respectivement le 21 mai 2024 à 11h55 et le même jour à 15h52, présentés par M. AB... S... et autres et le comité social et économique de la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus, représentés par Me Brand ; ils n'ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Brand, représentant M. S... et autres et de Me Sorel, représentant la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus.

Une note en délibéré a été enregistrée le 7 juin 2024, pour M. S... et autres et le comité social et économique de la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus, représentés par Me Brand ; elle n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. La société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus (SEMB) est une filiale du groupe Schneider Electric, spécialiste et leader mondial des solutions numériques et d'énergies, des automatisations pour l'efficacité énergétique et la durabilité. La société SEMB exploite à Bourguébus (Calvados) différentes activités de production et de logistique. A titre principal, le site abrite une activité industrielle de fabrication d'automates programmables industriels appelés " Smart Relays " ou " relais intelligents " et, à titre secondaire, une activité de fabrication de relais électro-mécaniques SLIM et de fabrication de relais hybrides RHP pour le secteur résidentiel. Afin de réduire les coûts de production de ces matériels, le groupe Schneider Electric a décidé de relocaliser l'activité sur différents autres sites à Carros (06) et Evreux (14), et, en conséquence, de fermer le site de Bourguébus à la date du 31 décembre 2024. Cette fermeture, annoncée le 1er mars 2023, ayant pour conséquence la suppression de l'ensemble des quarante-trois emplois de cet établissement, la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus, (SEMB) a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique. Une première réunion extraordinaire du comité social et économique (CSE), tenue le 22 juin 2023, a permis de débuter la négociation d'un accord portant sur l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). La procédure s'est prolongée jusqu'à la dernière séance du CSE consacrée à cette question, le 2 août 2023. Les parties n'étant pas parvenues à un accord, la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus a établi unilatéralement le PSE, que la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Normandie a homologué par une décision du 15 septembre 2023.

2. Le comité social et économique de la société SEMB ainsi que plusieurs des salariés de cette société ont le saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 26 janvier 2024, cette juridiction a rejeté leurs demandes. Ils relèvent appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :

3. D'une part, s'agissant du PSE devant précéder les licenciements pour motif économique de plus de dix salariés, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. " Aux termes de l'article L. 1233-62 du même code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; 1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. ". Aux termes de l'article L.1233-24-2 du code du travail : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : 1° Les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, en particulier les conditions dans lesquelles ces modalités peuvent être aménagées en cas de projet de transfert d'une ou de plusieurs entités économiques prévu à l'article L. 1233-61, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois ; 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; 3° Le calendrier des licenciements ; 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; 5° Les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement prévues à l'article L. 1233-4." Aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord (...), un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité social et économique fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. ". Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 ".

4. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du PSE dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le PSE des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. A ce titre, elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe.

5. D'autre part, s'agissant du licenciement pour motif économique d'un salarié, qu'il soit ou non précédé d'un PSE, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / (...) L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".

6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'au stade du document unilatéral portant PSE d'une entreprise, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer, en application des articles L. 1233-61 et suivants du code du travail, que le plan de reclassement intégré au PSE est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, que l'employeur a identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise et, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, que l'employeur, seul tenu à l'obligation de reclassement, a procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement sur le territoire national dans les autres entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir à ces postes, en indiquant dans le plan, pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, leur nombre, leur nature et leur localisation. En revanche, à ce stade de la procédure, il ne lui appartient pas de contrôler le respect de l'obligation qui, en application de l'article L. 1233-4 du code du travail, incombe à l'employeur qui projette de licencier un salarié pour motif économique, consistant à procéder, préalablement à son licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles pour le reclassement de ce salarié, qu'ils soient ou non prévus au PSE, en vue d'éviter autant que de possible ce licenciement. Il en va ainsi même lorsque le document unilatéral arrêtant le PSE comporte des garanties relatives à la mise en œuvre de l'obligation, prévue à l'article L. 1233-4 du code du travail, de recherche sérieuse de reclassement individuel. Au demeurant, de telles garanties, dont les salariés pourront, le cas échéant, se prévaloir, pour contester leur licenciement devant le conseil des Prud'hommes, ne sont pas de nature à dispenser l'employeur de respecter, dans toute son étendue, l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article L. 1233-4 du code du travail.

S'agissant du dispositif de reclassement interne :

7. Les requérants soutiennent que le dispositif de reclassement interne est insuffisant à défaut, tout d'abord, de comporter une liste de tous les postes disponibles au sein du groupe susceptibles d'être proposés aux salariés concernés par le plan, ensuite, de précisions quant à la localisation de trente-cinq d'entre eux, enfin, du caractère inintelligible de certains postes identifiés par la société SEMB. Ils ajoutent également que l'actualisation qui a été faite de la liste des postes disponibles est erronée et prématurée.

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, lors de la première réunion du CSE tenue le 15 mars 2023, la société SEMB a, en l'absence de reclassement possible au sein de l'entreprise et du site situés à Bourguébus, présenté un projet de PSE auquel étaient annexées, d'une part, une première liste identifiant plus de neuf-cent postes disponibles sur le territoire national au sein du groupe Schneider Electric, et d'autre part, une seconde liste d'environ cent-cinquante postes disponibles sur le territoire national au sein des sociétés du groupe Schneider Electric, correspondant aux compétences et qualifications professionnelles des salariés concernés par le projet de réorganisation. On ne saurait déduire de la seule circonstance que la société a, pour établir cette seconde liste, utilisé un dispositif de recensement des postes disponibles au sein du groupe en France - " myjoblink " - qui est lui-même issu d'une plateforme de publication des postes ouverts dans l'ensemble des pays où le groupe est actif - que l'employeur n'aurait pas, en procédant ainsi, respecté l'obligation qui lui incombe de réaliser un travail d'identification des postes disponibles dédiés aux salariés concernés par la fermeture du site de Bourguébus.

9. En deuxième lieu, dans le cadre de l'actualisation des listes auquel l'employeur peut procéder jusqu'à la date de l'homologation du PSE, la société SEMB avait la faculté, ainsi qu'elle l'a fait pour 56 d'entre eux, de retirer certains emplois initialement retenus comme disponibles. Par ailleurs, sur la base des principes rappelés au point 6, qui diffèrent selon qu'il s'agit de la mise en œuvre par l'employeur de l'article L. 1233-61 du code du travail ou de l'article L. 1233-4 du même code, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'obligation de recherche de reclassement qui s'impose à l'employeur dans le cadre de l'élaboration d'un PSE subsistait jusqu'à la notification du licenciement pour motif économique et de la rupture du contrat de travail des salariés concernés. De plus, il y a lieu de rappeler que le caractère suffisant du PSE s'apprécie au regard des mesures, prises dans leur ensemble, et de leur contribution, pour chacune, aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés. S'il est exact que pour 35 postes identifiés dans la liste des 900 postes disponibles sur le territoire national au sein des sociétés du groupe Schneider Electric correspondant à l'annexe 3 du PSE, lesquels demeuraient ouverts aux salariés du site et comportaient de nombreux postes non pertinents au regard des qualifications des salariés éventuellement licenciés, la localisation n'est pas indiquée et figure sous la mention " à confirmer ", cette circonstance ne permet pas, en tout état de cause, de conclure à l'insuffisance des mesures du PSE dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les 35 postes en cause ne sont pas au nombre de ceux figurant sur la seconde liste correspondant à l'annexe 4 et identifiant les postes disponibles sur le territoire national au sein des sociétés du groupe Schneider Electric correspondant aux compétences et qualifications professionnelles des salariés concernés par le projet de réorganisation.

10. Enfin, les requérants mettent également en cause l'intelligibilité de certaines propositions de reclassement interne au regard de la langue utilisée, les postes en question étant libellés en anglais, alors que selon l'article L.1321-6 du code du travail : " (...) / Tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail est rédigé en français ". Toutefois, ces dernières dispositions, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui de la contestation par le salarié d'un licenciement individuel, ne sont pas applicables aux mesures intervenant dans le cadre d'un PSE et qui sont contrôlées par l'administration. Le moyen sera écarté.

11. En troisième lieu, les requérants soutiennent que les mesures destinées à favoriser le reclassement interne des salariés concernés par la fermeture du site de Bourguébus sont particulièrement faibles et que le PSE, sur ce point, devrait nécessairement être proportionné aux moyens du groupe. Ils font valoir, en se référant aux termes utilisés au point 3.3 du PSE qui porte sur " l'examen et le traitement des candidatures des salariés sur un ou plusieurs postes de la liste ", que les offres adressées aux salariés ne sont pas des offres fermes et critiquent l'extrême faiblesse des mesures d'accompagnement à la mobilité fonctionnelle et géographique en interne.

12. D'une part, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de plusieurs courriers d'observations de la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Normandie des 30 mai, 27 et 28 juin 2023 portant sur l'amélioration des mesures d'accompagnement initialement prévues, le document unilatéral arrêté par la société SEMB a pris en compte ces observations. Le PSE soumis au comité social et économique qui s'est réuni le 2 août 2023 prévoit ainsi, au titre des mesures de reclassement interne, une formation d'adaptation sans limitation de budget, une compensation différentielle de salaire en cas de reclassement interne en France entrainant une baisse de rémunération (100% de la différence dans la limite de 500 euros bruts mensuels pendant les 12 premiers mois, 100% dans la limite de 350 euros mensuels pendant les douze mois suivants et 100% dans la limite de 150 euros bruts mensuels pendant les douze mois suivants), des indemnités de sauvegarde de l'emploi (de 8 000 à 12 000 euros), des aides à la mobilité géographique, des stages de découverte, une aide à la recherche de logement, des remboursements des frais de déménagement et des frais de double résidence temporaire, une indemnité compensatrice de mobilité (minimum de 4 000 euros) ou encore un accompagnement de la famille du salarié.

13. Les requérants qui avançaient en première instance que les mesures retenues dans le PSE, s'agissant du maintien de la rémunération (compensation du différentiel de salaire en cas de reclassement interne), ne respectaient pas l'accord national du 23 septembre 2016 relatif à l'emploi dans la métallurgie, moyen écarté à bon droit comme inopérant par les premiers juges, soutiennent désormais devant la cour que ces mesures seraient " moins disantes " que celles prévues par l'accord de mobilité interne existant au sein du groupe Schneider Electrique en France signé le 14 mars 2013. Toutefois, cet accord n'ayant vocation à s'appliquer qu'à des mobilités de salariés intervenant dans le cadre d'une évolution professionnelle au sein du groupe Schneider Electric sur des postes de catégorie équivalente ou supérieure, les requérants ne peuvent utilement l'invoquer pour démontrer l'insuffisance du PSE.

14. D'autre part, sur la base des principes rappelés au point 6, qui diffèrent selon qu'il s'agit de la mise en œuvre par l'employeur de l'article L. 1233-61 du code du travail ou de l'article L. 1233-4 du même code, et alors qu'il ressort du dossier, en particulier des termes du paragraphe 2.1 du PSE intitulé " Propositions aux salariés concernés des postes de reclassement interne situés sur le territoire national au sein du groupe Schneider Electric ", que les postes figurant sur la seconde liste (annexe 4 du PSE) seront réservés aux salariés du site de Bourguébus et leur seront proposés de manière ferme, les modalités précises relatives au reclassement prévues par ce dernier article et l'article D.1233-2-1 du même code, en particulier les modalités relatives à l'examen et au traitement des candidatures des salariés sur les postes de reclassement, de même que les critères de choix, ne relèvent pas du champ de contrôle de l'administration. Le moyen tiré de ce que les offres de reclassement interne qui seraient proposées aux salariés de la société SEMB ne seraient pas fermes doit ainsi être écarté.

15. En quatrième lieu, les requérants soutiennent que le PSE présenté par la société SEMB, s'agissant des mesures liées à la mobilité des salariés, est insuffisant dès lors, notamment, que la possibilité d'une formation professionnelle en cas de mobilité professionnelle est limitée aux formations pouvant conduire à un emploi " au sein du même métier ". Les requérants avancent ainsi, sur la base d'un tableau comparatif qu'ils ont eux-mêmes établi, que les mesures du PSE destinées à accompagner la mobilité géographique des salariés seraient des mesures " a minima " et moins favorables que celles contenues dans l'accord de mobilité interne existant au sein du groupe Schneider Electrique en France signé le 14 mars 2013.

16. Toutefois, d'une part, le tableau comparatif en question produit par les requérants, censé démontrer le caractère insuffisant des différentes mesures retenues par le PSE, s'avère incomplet sur plusieurs points. Ainsi, il ne mentionne pas, notamment, les indemnités de sauvegarde de l'emploi sans et en cas de déménagement, respectivement de 8 000 euros et 12 000 euros, ne précise pas que le PSE ne contient pas, contrairement à l'accord dont ils revendiquent le bénéfice, de clause de dédit imposant au salarié de rembourser l'indemnité de mobilité en cas de démission dans les 12 mois suivants son versement, ne rappelle pas davantage que le PSE, contrairement à l'accord de mobilité, prévoit le financement de reconversion à hauteur de 7 000 euros dans l'hypothèse où la mobilité du salarié dans le cadre du reclassement implique la perte d'emploi de son conjoint et se révèle enfin inexact quand il évoque le caractère identique de certaines mesures contenues dans l'accord et dans le PSE en omettant par exemple d'indiquer que l'aide pour l'achat et la revente de la résidence principale est doublée par rapport à l'accord de mobilité volontaire ou que le nombre de jours pour rechercher un nouveau logement ou celui des voyages de reconnaissance est supérieur. D'autre part, et en tout état de cause, l'accord invoqué n'ayant vocation à s'appliquer qu'à des mobilités de salariés intervenant dans le cadre d'une évolution professionnelle au sein du groupe Schneider Electric, les requérants ne peuvent utilement l'invoquer pour démontrer l'insuffisance du PSE.

17. En cinquième lieu, les requérants critiquent également le dispositif de reclassement interne en ce qu'il ne prévoit pas de formation de longue durée permettant au salarié d'acquérir des compétences initiales nécessaires pour exercer un nouveau métier. Or, dans le cadre du PSE, l'employeur n'a pas l'obligation d'assurer la formation initiale du salarié ou encore une formation de longue durée mais de proposer une formation d'adaptation.

18. Par ailleurs, s'agissant de la formation d'adaptation retenue par le PSE, si les requérants soutiennent qu'elle est imprécise dès lors qu'elle est prévue " sans limitation de budget ", le fait que la prise en charge de ces formations ne soit pas limitée par l'employeur dans son montant ne permet pas cependant de considérer que la société n'aurait pas satisfait à l'obligation qui lui incombe de permettre l'adaptation de ses salariés dans le cadre du reclassement interne.

19. Enfin, s'agissant des mesures sociales d'accompagnement contenues dans le PSE, et contrairement à ce qu'avancent les requérants, la société SEMB décrit de façon suffisamment précise les modalités de l'aide à la recherche de logement locatif. Le PSE peut, par ailleurs, décider de ne pas prendre en charge le dépôt de garantie en cas de location en ouvrant la possibilité au salarié de bénéficier d'une avance sous forme de prêt, dès lors que le dépôt sera restitué au salarié à sa sortie des lieux. Il peut encore exiger, s'agissant du remboursement des frais engagés dans le cadre de la revente ou de l'achat de la résidence principale, la communication des justificatifs des frais engagés, ou encore, s'agissant de la prise en charge des frais de déménagement du salarié, la production de trois devis.

20. Eu égard à ce qui a été dit aux points 7 à 19, il y a lieu d'écarter dans toutes ses branches le moyen tiré de ce que le dispositif retenu dans le PSE au titre des mesures de reclassement interne serait insuffisant au regard des objectifs qui lui sont assignés et des moyens du groupe.

S'agissant du dispositif de reclassement externe, en particulier du dispositif de cessation anticipée d'activité :

21. Les requérants soutiennent que le PSE est insuffisant et inadapté aux caractéristiques des salariés dans ses composantes liées au reclassement externe et, particulièrement pour la cessation anticipée d'activité, susceptible de concerner plus de la moitié des salariés concernés. Ils avancent que le montant alloué aux salariés susceptibles d'adhérer au dispositif de cessation anticipée d'activité est si faible que les intéressés ne peuvent adhérer au dispositif et que le suivi de ce dispositif censé s'appliquer aux salariés jusqu'en 2031 n'est pas prévu, contrairement à ce qu'exige l'article L.1233-63 du code du travail. Enfin, les requérants contestent la condition d'entrée dans ce dispositif et tenant à ce que le salarié bénéficie à l'issue d'une retraite à taux plein.

22. Toutefois, il y a lieu, tout d'abord, de rappeler, ainsi que le souligne la ministre du travail, que les mesures d'âges comme le montant des indemnités ou plus globalement le montant du PSE ne sont pas au nombre de celles relevant du contrôle opéré par l'administration.

23. Ensuite, aucune disposition du code du travail ni aucun principe n'impose que le document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 de ce code reprenne l'intégralité des mesures proposées par l'employeur dans le cadre de la négociation d'un accord collectif en cas d'échec d'une telle négociation, ni soit proportionné aux moyens du groupe auquel appartient la société. Le contrôle de l'administration, puis du juge, ne porte que sur le caractère suffisant des mesures contenues dans le PSE.

24. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le dispositif de cessation anticipée d'activité que retient le PSE a pour objet de permettre aux salariés volontaires pouvant liquider leur pension de retraite du régime général de sécurité sociale à taux plein dans un délai compris entre vingt-quatre et trente mois, selon leur ancienneté, d'être dispensés d'activité jusqu'à la liquidation de leur retraite sécurité sociale à taux plein tout en percevant une allocation mensuelle de remplacement égale à 70 % de leur salaire brut, ainsi qu'une indemnité fixe de 10 000 euros bruts. Il peut être retenu, indépendamment des autres modalités du dispositif, que l'exigence relative au taux plein constitue une garantie du montant de la pension dont bénéficiera le pensionné et est de nature à satisfaire aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés assignés au PSE. D'autre part, la critique relative à l'insuffisance du montant alloué à ce dispositif au regard des moyens du groupe ne saurait prospérer compte tenu des principes rappelés aux points 22 et 23. Par ailleurs, si le dispositif de cessation anticipée d'activité proposé n'est pas au nombre des mesures explicitement prévues par l'article L. 1233-62 du code du travail cité au point 3, il n'est cependant pas exclu qu'il puisse figurer dans un PSE, dès lors qu'il n'est pas sans lien avec d'éventuelles mesures d'aménagement du temps de travail. Enfin, s'il est exact que l'article L.1233-63 du code du travail prévoit la nécessité d'assurer le suivi des mesures contenues dans le PSE et que le site de Bourguébus sera définitivement fermé au 1er janvier 2025, il est constant le groupe Schneider Electric conservera des implantations en France postérieurement à la mise en œuvre du PSE. Il ressort à cet égard des termes de la fiche 18 " commission paritaire de suivi " du PSE, dans ses points 1 à 3, que des modalités précises prenant en compte la disparition du site définissent les informations à transmettre à cette commission ainsi que ses compétences, sans fixer à cette mission de suivi un terme antérieur à l'année 2031. Par suite, il n'est pas établi que le dispositif de cessation anticipée d'activité ne pourrait pas faire l'objet d'un suivi de la part de ce groupe pendant toute la durée de son exécution, soit jusqu'en 2031. La branche du moyen tenant au caractère prétendument insuffisant du dispositif retenu dans le PSE au titre des mesures de reclassement externe sera donc écarté.

S'agissant des mesures spécifiques de reclassement des personnes présentant des difficultés de réinsertion professionnelle :

25. Il ressort des pièces du dossier que le PSE comporte, d'une part, - fiches 15 et 16 - plusieurs mesures visant au reclassement des salariés séniors, au nombre desquelles une majoration du congé de reclassement de 3 mois (soit un passage de 13 à 16 mois), une majoration de 3 000 euros pour toute personne qui embauche un salarié de plus de 50 ans, une majoration de 3 000 euros pour tout créateur d'entreprise qui embauche une personne de plus de 50 ans, et, d'autre part, la possibilité pour les salariés reconnus travailleurs handicapés d'augmenter la durée du congé de replacement. Si le PSE ne comporte pas de mesures spécifiques s'agissant des parents isolés, ces personnes, alors au demeurant qu'aucun élément avancé par les requérants ne permet d'en identifier sur le site de Bourguébus, sont cependant susceptibles de bénéficier d'autres mesures d'accompagnement prévues par le PSE. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus n'aurait pas satisfait aux exigences posées par l'article L. 1233-61 du code du travail.

26. Il ressort de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 8 à 25 que le moyen tiré du caractère insuffisant du contenu du PSE au regard des moyens du groupe auquel appartient la société SEMB doit être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

27. Aux termes de l'article L. 1233-28 du code du travail : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours réunis et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues par le présent paragraphe. ". Aux termes de l'article L. 1233-30 du même code : " I.- Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité social et économique prévue au présent article. / Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours. / II.- Le comité social et économique rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté sur les 1° et 2° du I, à : / 1° Deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ; (...) / Une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais différents. / En l'absence d'avis du comité social et économique dans ces délais, celui-ci est réputé avoir été consulté. ".

28. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un PSE, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le PSE. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, seul compétent, qu'aucune décision de cessation d'activité ou de réorganisation de la société, expresse ou révélée par un acte quelconque, n'a été prise par l'employeur avant l'achèvement de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel et que l'employeur a adressé au comité, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité ou à des observations ou des injonctions formulées par l'administration, tous les éléments utiles, en ce compris les éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, ainsi que, en présence de telles conséquences, les actions projetées pour les prévenir et en protéger les travailleurs, de façon à assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale, pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Toutefois, l'absence de transmission par l'employeur d'un document au comité d'entreprise n'est pas de nature à entraîner nécessairement l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation mais doit être prise en compte dans l'appréciation globale que doit porter l'administration sur la régularité de cette procédure.

29. En premier lieu, les requérants soutiennent que la procédure d'information et de consultation n'a pas été respectée car l'employeur a mis en œuvre prématurément le projet de fermeture du site de Bourguébus sans respecter le principe d'antériorité en procédant à des transferts de certaines productions vers un autre site du groupe situé aux Agriers et ce, avant même que le comité social et économique ne soit consulté sur le projet de restructuration.

30. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le transfert contesté de certaines productions n'est pas la conséquence d'un arrêt de la production du site de Bourguébus, mais a répondu à la nécessité pour la société SEMB de mettre en place un plan de continuité sur le processus CMS permettant de maintenir le niveau de la production et de répondre aux impératifs de livraison des clients alors qu'il avait été constaté une très forte chute de production sur le site de Bourguébus depuis le mois d'avril 2023, induisant une baisse significative des stocks et une augmentation du nombre de commandes de clients non satisfaites. D'autre part, l'employeur a convoqué une réunion du CSE dès le mois de juin 2023 et a informé celui-ci de ce plan de continuité en raison de la décision temporaire de doubler le processus de production CMS sur le site des Agriers, qui n'avait pas vocation à accueillir de manière pérenne le transfert de production à l'issue de la restructuration menée par le groupe Schneider Electric. La circonstance que les représentants des salariés n'ont pas siégé à cette séance est sans incidence sur la réalité des opérations décrites, ni sur l'information du CSE. Les requérants ne sont, par suite, pas fondé à soutenir que la société SEMB aurait déployé sa réorganisation de manière anticipée par rapport au calendrier industriel présenté dans le cadre de la procédure d'information et de consultation du CSE.

31. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le CSE n'aurait pas été valablement informé et consulté dès lors que le président de cette instance ne disposait pas, au regard de son cursus professionnel et de ses diplômes, de l'autorité et des compétences nécessaires lui permettant de mener à bien la procédure d'information et de consultation, ce qu'établirait une information erronée donnée au CSE, le procès-verbal de la réunion extraordinaire du CSE du 9 juin 2023 et l'absence de convocation du médecin du travail à cette réunion.

32. Il ressort des pièces versées au dossier, tout d'abord, que M. G... disposait, contrairement à ce qui est avancé, d'une délégation de pouvoir pour présider le CSE et qu'à ce titre, il a pu conduire régulièrement la procédure d'information et de consultation permettant d'aboutir à l'adoption du document unilatéral portant PSE. Ensuite, s'il n'appartient pas à l'autorité administrative de se prononcer sur la compétence technique et juridique en matière de restructuration, ni sur le parcours de carrière du chef d'établissement pour caractériser un manque de loyauté ou une irrégularité dans la délégation réalisée, elle doit en revanche apprécier si les éventuelles erreurs commises par le représentant de l'employeur ont pu avoir une incidence sur la régularité de la procédure d'élaboration du PSE. Au cas d'espèce, l'erreur initiale commise par M. G... s'agissant de l'assistance apportée à l'organisation syndicale par un cabinet extérieur d'expertise comptable n'a exercé aucune influence sur le déroulement de la procédure dans la mesure où l'employeur y a remédié à la suite de la première lettre d'observations du 30 mai 2023 adressée par l'autorité administrative. L'expert, désigné par le CSE, a effectivement rendu son rapport permettant aux membres du comité social et économique de formuler des avis en toute connaissance de cause. Les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de la réunion du CSE du 9 juin 2023 qui s'est tenue à l'initiative des représentants du personnel et n'est pas, en conséquence, au nombre des réunions extraordinaires qui se tiennent dans le cadre de la procédure d'information consultation du CSE telle que prévue à l'article L.1233-30 du code du travail. Ils ne peuvent pas non plus utilement invoquer à l'encontre de la décision d'homologation contestée la déloyauté qui affecterait les négociations de l'accord collectif majoritaire dès lors que, faute d'accord collectif portant PSE, l'administration a homologué le document unilatéral portant PSE sur la base de l'article L.1233-24-4 du code du travail.

33. En troisième lieu, les requérants soutiennent que l'information du CSE est insuffisante dès lors que l'employeur n'a pas communiqué au CSE sa réponse aux observations de l'administration.

34. Aux termes de l'article L. 1233-57-6 du code du travail : " L'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. / L'employeur répond à ces observations et adresse copie de sa réponse aux représentants du personnel et, le cas échéant, aux organisations syndicales ".

35. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la société SEMB a adressé au CSE de la société sa réponse aux observations formulées par l'administration les 30 mai, 27 juin et 28 juin 2023 sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1233-57-6 du code du travail, lesquelles, pour l'essentiel, comportaient un rappel des règles relatives à la consultation du comité social et économique, invitaient l'employeur à prendre des mesures destinées à l'identification et à la prévention des risques pour la santé (RPS) des travailleurs et sollicitaient des informations relatives à la structuration du groupe Schneider Electric, sur le bilan des formations suivies par les salariés et sur le nombre d'intérimaires présents sur le site. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, indépendamment de l'information personnelle aux salariés qui a été communiquée sur ces points le 28 juillet 2023, que le CSE de la société a été rendu destinataire d'une copie des observations de la société et a été ainsi mis en mesure de prendre connaissance des suites que l'employeur entendait y donner au travers des mesures inscrites dans le PSE alors en cours de discussion. Le CSE, bien qu'il n'ait pas souhaité siéger à la réunion du 13 juillet 2023, a été convoqué sur la question des RPS et ce sujet a de nouveau été inscrit à l'ordre du jour de la réunion du CSE du 2 août 2023, ce dont le point c) du compte rendu alors établi rend compte. Les représentants du personnel ont ainsi été mis à même de formuler leur avis en toute connaissance de cause, étant précisé que l'essentiel des observations de la DREETS a été pris en compte.

36. En quatrième lieu, les requérants soutiennent que l'information du CSE est insuffisante quant aux causes économiques du licenciement, en particulier sur les marges générées par les produits Smart Relays, dont le produit Zelio, produit essentiel du site de Bourguébus et présenté comme particulièrement rentable, et sur ses conditions de commercialisation.

37. Il convient tout d'abord de rappeler que l'administration saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral de l'employeur sur le PSE n'a pas à se prononcer sur le motif économique invoqué dont il n'appartient qu'au juge du licenciement le cas échéant, ultérieurement saisi, d'apprécier le bien-fondé.

38. Il ressort ensuite des pièces du dossier que huit réunions d'informations et de consultation du CSE ont été organisées entre le 15 mars 2023 et le 2 août 2023, et qu'étaient joints à la convocation à la première réunion du CSE un document relatif au volet économique du projet de réorganisation de la société SEMB, un document relatif à son volet social et une analyse des impacts du projet de restructuration sur la santé et la sécurité des salariés, mentionnant les actions projetées pour les prévenir et en protéger les travailleurs, de façon à assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale, comprenant sur soixante-quatorze pages l'ensemble des informations mentionnées à l'article L. 1233-30 du code du travail. En particulier, la note de présentation du projet de réorganisation détaille sur plus de vingt-cinq pages, avec des éléments chiffrés précis, le secteur d'activité des automates programmables industriels, les tendances du marché et le positionnement concurrentiel et également les problématiques auxquelles la société doit faire face dans ce secteur d'activité sur la base d'indicateurs économiques et financiers. Le CSE de la société SEMB a été rendu destinataire des informations complémentaires qu'il avait sollicitées, portant sur la marge réalisée par la production sur le site de Bourguébus des produits " Smart Relays " et sur la politique de vente de ces produits. En effet, il ressort des pièces du dossier qu'après un entretien que l'employeur avait eu le 31 mai 2023 avec l'expert désigné pour assister le CSE, des documents qui n'existaient pas ont été élaborés par la direction afin de compléter son information et un courriel lui a ainsi été adressé le 6 juin 2023 sur les demandes précises qu'il avait formulées, et a été mis à sa disposition un document présentant de manière concrète et détaillée les actions de marketing menées en prévision de la réunion de consultation du 9 juin 2023, à laquelle les représentants du personnel ont refusé de se rendre. Dans ces conditions, et alors que le CSE n'a pas utilisé la faculté que lui donne l'article L.1233-57-5 du code du travail de saisir, tout au long de la procédure d'information et de consultation, l'administration afin qu'il soit requis de l'employeur la communication d'éléments d'information, aucune irrégularité ne saurait être retenue sur ce point.

39. En cinquième lieu, les requérants contestent l'absence de précision quant à la convention collective réellement applicable pour la détermination du montant de l'indemnité de licenciement et de départ à la retraite alors qu'une nouvelle convention collective nationale de la métallurgie a été négociée le 7 février 2022, puis étendue le 22 décembre 2022, et ne sera applicable qu'au 1er janvier 2024.

40. Toutefois, la société SEMB verse aux débats des attestations de la direction et du directeur des ressources humaines indiquant avoir fait part lors de la réunion de médiation qui s'est tenue avec la DRETS le 15 juin 2023 de sa décision d'appliquer la convention collective de la métallurgie du Calvados et les requérants ne contestent pas qu'ils ont été informés de cette position " lors de rencontres informelles avec l'administration ". Il est constant, par ailleurs, que c'est à la date de la notification du licenciement des salariés que nait leur droit à l'indemnité de licenciement et aux différentes indemnités de rupture qui leur seraient versées. Au cas d'espèce, d'une part, et dès lors que la nouvelle Convention collective unique de la Métallurgie est entrée en vigueur le 1er janvier 2024 et qu'aucune rupture de contrat de travail des salariés du site de Bourguébus n'interviendra antérieurement, ce sont les dispositions de cette Convention qui s'appliqueront lors de la rupture des contrats de travail des salariés de la société SEMB. D'autre part, il ressort des pièces versées au dossier que, dans le cadre de la négociation du PSE, la société SEMB a pris l'engagement unilatéral de continuer d'appliquer, pour le calcul des indemnités de départ volontaire à la retraite des salariés qui s'inscriraient dans le dispositif de cessation anticipée d'activité, les dispositions de la Convention collective du Calvados actuellement en vigueur, ce dont les représentants du personnel ont été informés en particulier lors de la réunion de médiation organisée en présence de l'Administration.

41. En sixième lieu, les requérants contestent l'absence de précision du PSE quant au chiffrage et au montant de ce plan en soutenant que " cette information était essentielle pour permettre à l'administration d'apprécier si le PSE est proportionnel aux moyens du groupe ". Toutefois, et ainsi qu'il a été rappelé aux points 22 et 23, si l'administration doit, dans le cadre de son contrôle, s'assurer que les mesures prises dans leur ensemble satisfont aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés et de leur caractère suffisant compte tenu des moyens du groupe auquel appartient la société, contrôle effectivement opéré au cas d'espèce, ce contrôle ne porte pas sur l'appréciation du caractère proportionné de ces mesures aux moyens du groupe. Le moyen qui est sans influence sur la régularité de la consultation sera écarté.

42. En septième lieu, les requérants qui se réfèrent aux articles 40 et 41 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et invoquent l'article L.2312-8 du code du travail, soutiennent que l'information du CSE est insuffisante quant aux conséquences environnementales du projet de réorganisation envisagé, le document d'information sur cette question étant à leurs yeux " totalement indigent ".

43. Aux termes de l'article L.2312-8 du code du travail ; " I. - Le comité social et économique a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions. (...) / III. - Le comité est informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures mentionnées au II du présent article. "

44. Il ne résulte cependant d'aucun texte qu'il appartiendrait à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application des articles L. 1233-24-4 et L. 1233-24-2 du code du travail, dans le cadre de son contrôle mentionné aux points 27 et 28, de s'assurer que le CES a été régulièrement informé et consulté en application du III précité de l'article L. 2312-8 du code du travail relatif aux attributions générales du CSE. Par suite, le moyen sera écarté.

45. En huitième lieu, les requérants soutiennent que l'employeur n'a pas justifié auprès du CSE de démarches particulièrement concrètes visant à identifier un repreneur.

46. Aux termes de l'article L. 1233-57-10 du code du travail : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la réunion prévue à l'article L. 1233-57-9, tous renseignements utiles sur le projet de fermeture de l'établissement. / Il indique notamment : (...) / 2° Les actions qu'il envisage d'engager pour trouver un repreneur ; (...) ". Aux termes de son article L. 1233-57-14 : " L'employeur ayant informé le comité social et économique du projet de fermeture d'un établissement recherche un repreneur. Il est tenu : / 1° D'informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l'établissement ; (...) ". Il résulte de ces dispositions et de celles citées au point 3 que lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un PSE, il appartient à l'administration, dès lors que le projet de réorganisation entre dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 1233-57-10 du code du travail, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise sur les actions que l'employeur envisage d'engager pour trouver un repreneur a été régulière et que l'employeur s'est conformé aux obligations de recherche telles qu'elles résultent de l'article L. 1233-57-14 du code du travail.

47. Aux termes de l'article R.1233-15 du même code : " Est un établissement au sens de l'article L. 1233-57-9 une entité économique assujettie à l'obligation de constituer un comité social et économique d'établissement. / Constitue une fermeture au sens de l'article L. 1233-57-9 la cessation complète d'activité d'un établissement lorsqu'elle a pour conséquence la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi emportant un projet de licenciement collectif au niveau de l'établissement ou de l'entreprise./ Constitue également une fermeture d'établissement la fusion de plusieurs établissements en dehors de la zone d'emploi où ils étaient implantés ou le transfert d'un établissement en dehors de sa zone d'emploi, lorsqu'ils ont pour conséquence la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi emportant un projet de licenciement collectif. ".

48. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la fermeture définitive de la société SEMB sur le site de Bourguébus décidée par le groupe Schneider Electric se traduit par la poursuite de son activité qui sera délocalisée sur le site de Carros (06) sans que soient repris les moyens de production de SEMB, au nombre desquels les moyens humains. Cette opération ne saurait ainsi être regardée comme une fermeture d'établissement au sens des articles L. 1233-57-10, L.1233-57-14 et R. 1233-15 du code du travail. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que l'employeur qui a engagé des actions pour trouver un repreneur du site de Bourguébus n'aurait pas satisfait aux obligations qui résultent des dispositions précitées.

49. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes des convocations et de l'ordre du jour des réunions d'information-consultation du 15 mars 2023, du 20 juillet 2023 et du 2 août 2023 que la société SEMB a, à plusieurs reprises et dès le 15 mars 2023, par la remise de documents puis d'un rapport final comme l'exige l'article L. 1233-57-20 du code du travail, informé et consulté les représentants du personnel sur la recherche d'un repreneur, l'administration ayant quant à elle régulièrement été informée de ces démarches par le dépôt de ces documents sur la plateforme dématérialisée dédiée. Il convient à cet égard de noter que le rapport final établi le 10 juillet 2023 analyse, de manière précise et hiérarchisée, les six " marques d'intérêt " reçues durant le processus de recherche. Le procès-verbal de l'ultime réunion du CES tenue le 2 août 2023 indique, sans qu'aucun élément ne permette de remettre en cause ses mentions, que l'employeur a présenté " six marques d'intérêts de potentiel candidat et qu'il y a eu débat avec les représentants du personnel sur ce point ". Le moyen de l'insuffisance de consultation du CSE sur les démarches concrètes visant à identifier un repreneur doit donc être écarté.

En ce qui concerne la prise en compte des risques psycho-sociaux :

50. Aux termes, d'une part, de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". En vertu de l'article L. 4121-2 du même code, l'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement de principes généraux de prévention, au nombre desquels figurent, entre autres, l'évaluation des risques qui ne peuvent pas être évités, la planification de la prévention en y intégrant, notamment, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et la prise de mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.

51. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 1233-30 du code du travail " Dans les entreprises ou établissements employant au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur (...) 2° le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le Plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ".

52. Il résulte de ces dispositions et de celles citées au point 3 qu'il appartient à l'administration, dans le cadre du contrôle du contenu du document unilatéral lui étant soumis en vue de son homologation, de vérifier, au vu de ces éléments d'identification et d'évaluation des risques, des débats qui se sont déroulés au sein du comité d'entreprise ou désormais du comité social et économique, des échanges d'informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l'élaboration du PSE, dès lors qu'ils conduisent à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, si l'employeur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs.

53. Les requérants critiquent, tout d'abord, "la gestion des risques psycho-sociaux " par l'employeur entre l'annonce du projet de fermeture du site de Bourguébus et la fin de la consultation du comité social et économique ; ils invoquent ainsi une communication " anxiogène " et le " refus de déclarer des accidents du travail ou de mettre en œuvre une expertise ". S'agissant des principes indiqués aux points 50 à 52, il ressort des pièces du dossier que le CSE a été destinataire de nombreux éléments : note d'information destinée au CSE spécial du 9 juin 2023, plan de prévention des risques psychosociaux remis aux membres du CSE, calendrier des transferts des lignes de production, grille d'analyse (" matrice ") des risques psycho- sociaux, DUERP révisé dans sa dernière version et réponses de l'entreprise du 17 juillet 2023 aux observations de l'administration. Ainsi, dès la première réunion du CSE du 15 mars 2023, les représentants du personnel se sont vus remettre des informations ou documents spécifiques portant sur " les analyses d'impacts du projet sur la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés de Schneider Electric Manufacturing Bourguébus et sur le plan d'accompagnement et de prévention associé ". Ensuite, la note d'information précitée destinée au CSE du 9 juin 2023, le plan de prévention des risques psychosociaux et la grille d'analyse des mêmes risques, discutée à la séance du CSE du 2 août 2023, ont permis aux représentants du personnel d'identifier les conséquences du projet sur les conditions de travail et les facteurs de risques psycho-sociaux liés au projet. Enfin, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'avancent les requérants, le médecin du travail a été contacté dès le début de procédure, le 3 mars 2023, pour information sur le lancement des procédures sociales liées au projet de fermeture et a été invité à toutes les réunions du CSE portant sur les sujets de santé, sécurité et des conditions de travail. La société SEMB n'a pas, en conséquence, méconnu les obligations d'information et de consultation qui lui incombent en la matière.

54. Si les requérants ont, par ailleurs, entendu critiquer les actions mise en œuvre par l'entreprise pendant la période d'élaboration du PSE, il ressort des pièces du dossier, ainsi que dit au point précédent, que le médecin du travail a été associé à la procédure dès son début. Le comité de prévention de ces risques a été réuni à cinq reprises au cours des mois d'avril et mai 2023, puis ensuite sur une base bimensuelle, et a identifié quatre types précis de risques pour lesquels des actions de soutien psychologique, d'information et de communication vers les salariés ont été mises en place.

55. Il résulte de ce qui précède aux points 53 et 54 que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que des actions suffisantes sur les risques psycho-sociaux n'auraient pas été mises en œuvre par cette société et que celle-ci aurait manqué à son obligation d'information du CSE afin qu'il soit consulté en toute connaissance de cause sur le sujet. Le moyen dans ses deux branches sera écarté.

En ce qui concerne la motivation de la décision d'homologation du 15 septembre 2023 :

56. Les requérants soutiennent que la décision d'homologation du 15 septembre 2023 n'est pas suffisamment motivée.

57. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise (...). La décision prise par l'autorité administrative est motivée ". En vertu de ces dispositions, la décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un PSE doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs.

58. Si le respect de la règle de motivation énoncée au point précédent n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Doivent ainsi y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.

59. En l'espèce, la décision contestée du 15 septembre 2023 fait apparaître les éléments essentiels de l'examen de la procédure d'information et de consultation du CSE et du contenu du PSE auquel s'est livrée la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Normandie et précise, contrairement à ce que soutiennent plus spécifiquement les requérants, le périmètre du groupe au sein duquel ont été menées les recherches de reclassement interne, à savoir le groupe Schneider Electric en France.

60. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 15 septembre 2023 par laquelle la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Normandie a homologué le document unilatéral fixant le contenu d'un PSE de la société SEMB.

Sur les frais liés au litige :

61. Tout d'abord, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants la somme que demande la société SEMB en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ensuite, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, les sommes que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Enfin, ces mêmes dispositions s'opposent à ce que soit mis à la charge de la société SEMB, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement aux requérants de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. S... et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. AB... S... représentant désigné pour l'ensemble des requérants, au comité social et économique de la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société Schneider Electric Manufacturing Bourguébus.

Une copie en sera adressée, pour information, à la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Normandie.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2024.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière

C. VILLEROT

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°24NT00899 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00899
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : CABINET BRAND FAUTRAT ET LAMBINET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;24nt00899 ?
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