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18/06/2024 | FRANCE | N°23NT03798

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 18 juin 2024, 23NT03798


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours contre la décision du 10 octobre 2020 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 2004998 du 2 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête,

enregistrée le 21 décembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, demande à la cour :



1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours contre la décision du 10 octobre 2020 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 2004998 du 2 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... ;

Il soutient que :

- sa décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; M. A... a, en effet, fait l'objet d'une procédure pour violence ayant entrainé une incapacité de travail n'excédant pas huit jours à Boulogne-Billancourt, le 10 juin 2012, à l'issue de laquelle un rappel à la loi lui a été signifié ; ces faits ne sont ni dénués de gravité, ni exagérément anciens ; la circonstance qu'une infraction n'a pas donné lieu à des poursuites pénales ne fait pas obstacle à sa prise en considération, notamment si les faits opposés au demandeur ont donné lieu à un classement sans suite après rappel à la loi ; le rappel à la loi qui constitue une mesure alternative aux poursuites suffit à établir qu'il est l'auteur des faits ;

La requête a été communiquée le 10 janvier 2024 à M. A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 20 février 1982, a déposé le 2 février 2017 une demande de naturalisation devant le préfet des Hauts-de-Seine. Par une décision du 10 octobre 2020, cette autorité a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation. M. A... qui avait formé un recours administratif contre cette décision préfectorale a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant ce recours. Toutefois, par une décision du 15 octobre 2020, versée aux débats de première instance par le ministre, celui-ci a expressément maintenu l'ajournement à deux ans de la demande à compter du 10 octobre 2019. Les premiers juges ont alors estimé, à juste titre, que M. A... devait être regardé comme demandant l'annulation de cette décision du 15 octobre 2020 laquelle s'est substituée à la décision implicite de rejet.

2. Par un jugement du 2 novembre 2023, le tribunal a annulé la décision du 15 octobre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. A....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes, d'une part, de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Selon l'article 21-27 du même code : " Nul ne peut acquérir la nationalité française ou être réintégré dans cette nationalité s'il a été l'objet soit d'une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, soit, quelle que soit l'infraction considérée, s'il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis (...). "

4. Aux termes, d'autre part, de l'article 44 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le préfet compétent à raison de la résidence du demandeur ou, à Paris, le préfet de police estime, même si la demande est recevable, qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. / Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au demandeur, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande (...). " Aux termes de l'article 45 du même décret : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours, pour lequel le demandeur peut se faire assister ou être représenté par toute personne de son choix, doit exposer les raisons pour lesquelles le réexamen de la demande est sollicité. Il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier (...). " En vertu des dispositions de l'article 48 de ce décret si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Une fois ce délai expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. Il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation au ressortissant étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.

5. Pour ajourner la demande d'acquisition de la nationalité française de M. A..., le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé " a fait l'objet d'une procédure pour violence ayant entrainé une incapacité de travail n'excédant pas huit jours à Boulogne-Billancourt, le 10 juin 2012, ayant donné lieu à un rappel à la loi ".

6. Si ces faits, dont la matérialité n'est pas contestée, présentent certes un caractère de gravité, il est constant toutefois que, depuis 2012, M. A..., dont le comportement n'a plus donné lieu à aucune critique, n'a commis aucune infraction. Compte tenu de ce comportement, de l'ancienneté des faits incriminés, de leur caractère isolé, de l'insertion professionnelle de M. A... qui justifie avoir exercé une activité de conducteur de bus, et du contexte dans lequel le requérant indique, sans être contesté, qu'ils se sont déroulés, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en décidant, le 15 octobre 2020, d'ajourner la demande de naturalisation de l'intéressé, le ministre en charge des naturalisations avait commis une erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 15 octobre 2020 ajournant à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. A....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 31 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président,

- M. Coiffet, présidente-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

Le rapporteur,

O. COIFFETLa présidente,

O. GASPON

La greffière,

C. VILLEROT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23NT03798 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03798
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23nt03798 ?
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