Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 octobre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Alger (Algérie) refusant de délivrer à M. D... un visa de long séjour au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 2216740 du 31 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2023, et des pièces enregistrées le 2 janvier puis les 14 et 21 mai 2024, Mme B... et M. D..., représentés par Me Bazin-Clauzade, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 octobre 2023 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 27 octobre 2022 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 120 euros par jour de retard, au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle estime que la demande présente un risque de détournement de l'objet du visa pour se maintenir en France ; que M. D... n'a jamais tenté de se marier à Marseille ; qu'il a renoncé à son mariage avec une ressortissante française à Reims ; ce projet de mariage en juillet 2019 ne saurait suffire à remettre en cause son intention matrimoniale avec Mme B... ; son implication dans la vie des filles de cette dernière atteste de la sincérité de ses sentiments ; à la date de son mariage son visa restait valide de sorte qu'il pouvait régulièrement venir en France ; ils n'ont pu se voir en raison des restrictions sanitaires durant la crise du Covid ; Mme B... justifie de ses allers-retours en Algérie pour voir son mari ; ils produisent également des échanges messenger qui démontrent la sincérité de leur relation ; il existe un faisceau d'indices précis et concordants permettant d'écarter le caractère frauduleux de leur mariage ;
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à leur droit de vivre une vie familiale normale.
Des pièces ont été enregistrées le 29 mai 2024, après la clôture d'instruction, pour Mme B..., et n'ont pas été communiquées.
Un mémoire en défense a été enregistré par le ministre de l'intérieur et des outre-mer le 30 mai 2024, après la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les observations de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... et M. D... relèvent appel du jugement du 31 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 27 octobre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Alger (Algérie) refusant de délivrer à M. D... un visa de long séjour au titre du regroupement familial.
Sur le bien-fondé de la décision contestée :
2. Aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an (...), peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial :1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans (...) ".
3. Lorsque la venue en France d'un ressortissant étranger a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire ne peut légalement refuser de lui délivrer un visa d'entrée en France qu'en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur des motifs d'ordre public.
4. La décision contestée est fondée sur le fait que le mariage de M. D... avec Mme B..., célébré le 18 février 2020, " n'a d'autre but que de lui permettre d'entrer en France régulièrement ". Elle mentionne deux autres projets de mariage inaboutis de l'intéressé avec des ressortissantes françaises au cours de l'année 2019 et relève en outre que le maintien des liens matrimoniaux du couple depuis le mariage n'est pas établi.
5. Il ressort des pièces du dossier que, le 18 février 2020, M. D... ressortissant algérien, a épousé Mme B..., de même nationalité mais qui détient une carte de résident lui permettant de séjourner régulièrement en France et que, par une décision du 9 août 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a accordé à cette dernière une autorisation de regroupement familial au bénéfice de son mari. Si les intéressés contestent le fait que M. D... aurait envisagé au début de l'année 2019 de se marier à Marseille avec une ressortissante française, en revanche, ils ne remettent pas en cause le fait qu'il avait le projet de se marier au cours du mois de juillet 2019 à Reims avec une autre ressortissante française, rencontrée quelques mois auparavant. A cet égard, le ministre a indiqué en première instance, sans être contredit, que le couple qui projetait de se marier ne s'est pas présenté à la convocation qui leur a été adressée par la mairie de Reims pour une audition préalable faisant suite à un signalement de la police aux frontières. Par ailleurs, si Mme B... et M. D... apportent divers témoignages, des copies d'écran de messages échangés sur l'application " Messenger ", des copies de billets d'avion, ainsi que des certificats médicaux récents, ces justificatifs postérieurs à la décision contestée ne suffisent pas à démontrer la réalité de leur intention matrimoniale à la date de leur mariage, où à celle de leur demande de visa. Enfin, si les requérants font valoir que M. D... disposait d'un visa de court séjour à entrées multiples valable du 23 novembre 2015 au 22 novembre 2020, il est constant que ce document ne lui permettait pas de se rendre en France au-delà de cette date et ne lui offrait pas les mêmes avantages qu'un visa délivré au titre du regroupement familial. Dans ces conditions, au vu de l'ensemble de ces éléments, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur d'appréciation en se fondant sur le motif, d'ordre public, tiré du caractère frauduleux de leur mariage pour refuser la délivrance du visa sollicité.
6. Compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 5, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... et M. D... au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur le surplus des conclusions :
8. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par les requérants et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de leurs conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... et M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2024.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
C. VILLEROT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03532